La Liberté de Seine-et-Oise, n°35, 31 juillet 1886.
M. Foucault et Le Vésinet [1]
M. Foucault fit partie de la Commission de l’Union des propriétaires du Vésinet de 1871 à 1875, et ne s'y distingua que par quelques velléités d’opposition dont nous ne parlerons pas ; nous prendrons pour point de départ l’année 1875, date de l'érection du Vésinet en commune.
Lors de l'élection du premier Conseil municipal, le Comité électoral, composé en grande partie des principaux membres de la Commission des propriétaires et des Commissions syndicales, ne comprit pas le nom de M. Foucault dans la liste des 12 candidats qu’elle proposait au suffrage des électeurs. M. Foucault leur en garda rancune, et il dressa une liste opposante sur laquelle il était porté, et qui réunit environ le quart des suffrages exprimés.
En 1878, par suite de l’émotion causée par le 16 mai [2], M. Foucault et les radicaux parviennent à entrer en majorité au Conseil, porté à 16 membres, en accusant les anciens conseillers d'être réactionnaires et monarchistes. Singuliers monarchistes qui avaient récemment nommé à l’unanimité, un délégué sénatorial, notoirement républicain !
C’est là, du reste, un procédé familier aux radicaux : ils calomnient quand ils n’ont rien à dire. C’est ce qu’ils font encore maintenant en donnant la même épithète aux républicains libéraux, feignant d’oublier qu’ils ont refusé de fusionner, en octobre dernier, avec la liste agricole, qui devait leur donner la majorité, et cela, parce que cette liste était composée de monarchistes avérés. C’est à ce refus que les radicaux durent leur majorité relative, et ils sont en vérité bien ingrats de témoigner leur reconnaissance aux républicains libéraux en les calomniant.
Mais revenons au Conseil de 1878,
Dès son installation, le nouveau Conseil trouvait les plans et devis des bâtiments communaux préparés et les voies et moyens assurés pour les construire.
Les écoles, établies dans des bâtiments provisoires étaient alors en plein succès ; la gratuité y avait été établie dès leur fondation (1867). En un mot, elles ne cédaient en rien, pour l’instruction, aux écoles actuelles. L'école des garçons était dirigée par l'instituteur actuel ; l'école des filles par les sœurs de la Sagesse, qui l’avaient créée dès le début du Vésinet, et qui étaient fort aimées des habitants.
M. Foucault se fit le promoteur de la laïcisation de l’école des filles, et fit voter au Conseil le renvoi des sœurs.
La moitié, environ, des chefs de famille du Vésinet pétitionnèrent pour la conservation des sœurs et le Préfet, ainsi que le Conseil académique, décidèrent qu’en raison du grand nombre d’enfants, il y aurait une classe laïque et une classe congréganiste. Mais le Conseil municipal refusa cette offre, qui conciliait toutes les opinions. Les sœurs furent renvoyées dans des conditions déplorables et iniques ; mais la population tenait à les conserver, et leur créa une nouvelle installation qui ne cède en rien, actuellement, à celle des écoles communales. Les deux classes laïque et congréganiste progressent : l'émulation fait leur succès.
On dit généralement que M. Foucault, qui a provoqué, sans motifs, le renvoi des sœurs et semé ainsi la division dans la population du Vésinet, avait alors ses enfants dans une institution congréganiste de Paris et il ne l'a jamais démenti. C’est de cette manière que M. Foucault respecte la liberté de conscience.[3]
Aux élections de 1881, la liste radicale passa sans concurrent, et M. Foucault fut nommé adjoint (1881-1884).
M. Foucault qui, en qualité d’adjoint, était l’un des membres dirigeants de la municipalité et qui, comme avoué, en était le conseil, ne fut pas heureux dans ses entreprises : il voulut emprunter 100.000 francs pour faire certains travaux, et pour gager les annuités de l'emprunt, il voulut en prélever le montant sur le produit du centime par mètre payé par les propriétaires, avec affectation spéciale à l'entretien des voies publiques. Sur l’opposition des propriétaires, l'autorisation des pouvoirs publics ne fut pas accordée ; premier échec.
M. Foucault provoqua un emprunt de 50.000 frs par la commune, pour la création d'une salle de gymnastique. L'emprunt fut réalisé, la salle construite, mais des gymnastes manquèrent et M. Foucault s’aperçut un peu tard qu’il avait provoqué une dépense restée inutile.
En 1882 un fait sans exemple se passa au Vésinet. Le Conseil fit exécuter pour 2.500 frs de travaux sur le territoire et au profit d’une commune limitrophe, disposant ainsi des deniers de la commune, malgré l’avertissement qui lui avait été donné.
Nous citerons encore les difficultés survenues avec l'ancienne compagnie du gaz, par suite de l'imprévoyance qui avait présidé à la reduction du traité de concession...
Il faudrait de longues pages pour signaler toutes les excentricités administratives que M. Foucault a proposées; heureusement, malgré sa néfaste influence, elles ne furent pas toutes acceptées par le Conseil municipal, soit par suite des oppositions, soit par suite des renseignements qui furent produits en temps utile.
Cependant, nous ne pouvons passer sous silence les nombreux procès faits par la commune en toutes circonstances.
M. Foucault était adjoint et avoué, par conséquent conseil de l'administration dont il faisait partie ; il est donc particulièrement responsable non seulement de ceux qu’il a provoqués mais aussi de ceux qu’il n’a pas empêchés. Ainsi :
– Procès avec l’honorable architecte des bâtiments communaux et avec un entrepreneur, au conseil de préfecture : perdus par la commune.
– Procès avec l'entrepreneur de la clôture et de la maison du garde du cimetière ; perdu au Conseil de la Préfecture et au conseil d’Etat.
– Deux procès pour fausse application du tarif des droits de voirie ; deux instances au tribunal civil de Versailles : deux jugements de compétence, deux jugements sur le fond de l’affaire; arrêts confirmatifs de la cour de Paris ; tous perdus par la commune, qui ne se tient pas pour battue et se pourvoit en cassation, sans chance de succès au dire de jurisconsultes éminents : mais c’est la commune qui paye.
– Deux affaires en matière de contributions : une au fond et l’autre sur une question ce forme devant le conseil de préfecture et le conseil d'Etat, toutes deux perdues par la commune.
D’après nos renseignements, personne n'a pu nous citer une seule affaire dans laquelle la commune ait eu du succès. Aussi le Vésinet a-t-il acquis la réputation d’une commune processive et procédurière.
M. Foucault s’appuie sur ses trois étections au Conseil du Vésinet. Nous avons dit comment il avait été élu les deux premières fois, mais à la troisième, on l’avait vu à l'œuvre et ses plus chauds partisans commençaient à s’en lasser ; s'il réussit au second tour, ce fut à une très faible majorité (19e sur 21 conseillers) et grâce à l'absence d'un assez grand nombre d'électeurs habitant Paris.
D'après ce qui précède, il nous parait certain que M. Foucault, faible, très faible en matière administrative, n'est pas beaucoup plus fort en droit et en procédure et il est vraiment présomptueux en combattant et en voulant remplacer M. Frédéric Passy dont nous connaissons tous la parfaite honorabilité, la haute compétence et les services innombrables qu'il a rendus et qu'il peut rendre dans les affaires en cours, notamment dans le tout à l'égout. Nous croyons donc que les électeurs seront heureux et se trouveront honorés de le conserver pour les représenter et qu'ils renverront M. Foucault à son étude et à ses études.
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Notes et sources :
[1] Article publié à l'occasion de la candidature de Aimé Foucault à à l'élection cantonale de St-Germain-en-Laye (1er et 8 août 1886). Le journal La Liberté de Seine-et-Oise était alors présenté comme l'organe du parti républicain libéral au Vésinet.
[2] Crise du 16 mai 1877 : Crise politique lors de laquelle le président Mac-Mahon accula le président du Conseil Jules Simon à la démission et proclama la dissolution de l'Assemblée nationale...
[3] Anticlérical militant, fondateur de La Libre Pensée, il fit éduquer sa fille au Sacré Cœur avant de la marier en grandes pompes à l'église St-Roch.
Société d'Histoire du Vésinet,
2023 • www.histoire-vesinet.org