Il était né à Lyon, le 16 mai 1855, d'une
famille de la bourgeoisie catholique. Après des études au séminaire de
Semur-en-Brionnais, il opta finalement pour la filière médicale où il
gravit les échelons: interne des hôpitaux en 1875, il fut reçu docteur
en 1879. Chef de clinique chirurgicale à la faculté de médecine de Lyon
en 1881, il fut nommé chirurgien à l'hôpital de l'Antiquaille avant de
décrocher l'agrégation en 1886 et de devenir professeur titulaire de pathologie
chirurgicale en 1894.
Sans
distinction, il tient du boucher de barrière avec des allures de
toucheur de boeuf
Tel était le délicat portrait que traçait
de Victor Augagneur le satirique journal Guignol alors que conseiller
municipal de Lyon depuis 1888 sur la liste du Maire Gailleton (lui-même
médecin), il venait d'être élevé au rang d'adjoint (1890). Une
position qui l'encouragea à persévérer, malgré l'enseignement et des travaux
qui eurent une autorité dans le monde médical concernant un fléau de l'époque:
la syphilis. Sa thèse de doctorat, en 1879, avait pour sujet "La
syphilis héréditaire tardive". Dans ce domaine, il tranchait
par ses prises de position, hostiles à la police des mœurs, et à la réglementation
de la prostitution.
A l'assaut de la mairie, en 1892, Augagneur conduisit sa propre liste,
au pas de charge, prônant le réformisme des intellectuels socialistes
indépendants ou républicains-socialistes. Les Lyonnais le rejetèrent ainsi
qu'en 1896. Il lui fallut attendre 1900 pour se voir enfin récompensé
de ses efforts et s'installer dans le fauteuil de maire.
Son autoritarisme lui valut des surnoms
comme "Victor-le-Glorieux", "Victor Ier", "l'Empereur"
ou "César". Il défendit la suppression des octrois de Lyon,
qui frappaient les denrées de première nécessité et dont on dénonçait
ici et là, depuis des lustres, l'existence pénalisante. L'affaire, houleuse
lors des débats municipaux, remonta jusqu'à la Chambre pour aboutir, en
juin 1901, au vote d'une loi sur la suppression des octrois, auxquels
on substitua d'autres taxes, sur les alcools en particulier.
Augagneur envisagea de repousser les frontières de sa ville. La formation
d'un "Grand Lyon" reçut d'abord l'approbation unanime de son
conseil. Mais le projet fut vigoureusement combattu et il regagna de profonds
tiroirs où il dort, semble-t-il toujours. Franc-Maçon, Augagneur fut Vénérable
de la Loge "Les Amis de la Vérité" à Lyon.
On s'interroge encore sur le choix qu'il fit en 1905 d'accepter le poste
de gouverneur général de Madagascar et de renoncer à sa mairie. Certains
y virent des motifs d'ordre personnel liés à sa vie privée. Le jeune Edouard
Herriot, son surprenant successeur, ne lui laissera pas le loisir de la
reconquérir.
Le rêve de Victor (Victor imperator) Le socialisme mêne à tout ! ... même à Madagascar
Premier gouverneur général civil à Madagascar,
succédant au général Gallieni, de 1905 à 1910, le gouverneur Augagneur
essaya de remédier à ce qu'il y avait de trop rigide dans la situation
consécutive à la conquête: il supprima les derniers cercles militaires
qui commettaient des abus regrettables, ainsi que les offices du travail
fournissant de la main d'oeuvre gratuite...
Tamatave - M. Augagneur gouverneur général de Madagascar
et dépendances
à l'Hippodrome des Manguiers
Les faits marquants sous son administration
furent le début de la production de vanille dans la région d'Antalaha,
la découverte du gisement de charbon de la Sakoa, l'équipement en phares
des côtes de Madagascar, la suppression de toute subvention à l'enseignement
privé, le début de l'enseignement secondaire public, un décret organique
créant la justice indigène à Madagascar, et surtout l'accession des Malgaches
aux droits de citoyens français (décret du 3 mars 1909).
Augagneur revint à Lyon en 1910. Il retrouva, au premier tour des élections
d'avril de cette année-là, son siège de député du Rhône mais son destin
national l'écarta une nouvelle fois de sa mairie. Appelé en juin 1911
par Joseph Caillaux au ministère des Travaux publics, des Postes et des
Télégraphes puis en 1914, dans un cabinet dirigé par Viviani, à l'Instruction
publique et aux Beaux-arts, la guerre le vit ministre de la Marine, mais
Augagneur fut mis en difficulté après l'échec des Dardanelles. Il retourna
fin 1915 aux bancs de la Chambre, prenant place dans d'innombrables commissions
parlementaires.
La paix revenue, Augagneur connut des fortunes diverses. Non réélu aux
élections de 1919, il s'abstint aux suivantes et se consola avec un poste
de gouverneur de l'Afrique équatoriale française (1920-1923) où il renouvela
de manière rationnelle l'organisation sanitaire de cette colonie et entrepris
la construction de la ligne de chemin de fer "Congo-Océan" de
triste mémoire.
Mais son coeur battait toujours pour Lyon. S'il retrouva son siège de
député du Rhône en 1928, l'année suivante, quoique septuagénaire, il repartit
à l'assaut de la mairie mais la forteresse tenue par Herriot résista à
cet entêtement mêlé de dépit. C'était son ultime combat puisqu'il mourra
le 23 avril 1931 dans une maison de santé, la Clinique Saint-Rémy,
du docteur Besançon, 46, boulevard Carnot au Vésinet.
Le président de la Chambre, Fernand Bouisson,
prononça devant les députés son éloge funèbre, tandis que Le Progrès
lui consacra une modeste colonne à la Une, annonçant sa disparition.
Sources:
Dictionnaire des ministres, B. Yvert,
Perrin, Paris, 1990
Ces Lyonnais qui ont marqué le Siècle,
G. Chauvy, Le Progrès, n° spécial, 19 décembre 1999
Le Vésinet, archives municipales.
Société d'Histoire du Vésinet,
2006 - www.histoire-vesinet.org