J.-P. Debeaupuis [1] Société d'Histoire du Vésinet, 2012. Des centres de recherches au Vésinet A la fin des années cinquante, le premier ministère de la Santé publique et de la Population de la Ve République voulut développer les recherches dans le domaine des sciences sociales et « doter la France des moyens modernes nécessaires aux études statistiques et d'épidémiologie ». On décida d'implanter un centre technique de l'Équipement Sanitaire et Social dans le grand parc de l'Établissement National des Convalescentes du Vésinet (ENCV), l'ancien Asile impérial.
La construction de ce centre fut confiée aux architectes J.M. Lafon et E. d'Allens. Le bâtiment de l'ENCV et son parc n'étaient pas encore inscrits à l'inventaire supplémentaire à l'époque ; ils le seront en 1997. L'arrêté ministériel du 5 décembre 1997 inscrivait à l'inventaire supplémentaire les parcelles cadastrales AR 73 à 79 et mentionnait spécialement les façades et toitures de l'hôpital et sa chapelle. Des mesures méticuleuses furent prises pour épargner les arbres centenaires du parc, comme l'explique une plaquette éditée pour l'occasion par le Ministère de la Santé publique et de la Population, et dissimuler autant que possible les bâtiments sous les frondaisons. Le chantier débuta en octobre 1960. Le centre fut inauguré en 1961, par le ministre Joseph Fontanet. Projet de Centre de Recherches du Ministère de la Santé publique et de la Population édifié au Vésinet entre le 3 octobre 1960 et le 3 février 1961.
La pose de la première pierre ... (non datée) © Archives Inserm Quelques années plus tard, une autre partie de ce même parc vit s'installer le Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI), créé en 1956 et basé auparavant au Centre d'Énergie Atomique (CEA) à Châtillon. Son installation au Vésinet avait été décidée en novembre 1959. Il disposera dans ses locaux du Vésinet d'un personnel ayant une double formation : biologistes et physiciens. Les différents services opèraient le contrôle des retombées radioactives sur les échantillons provenant de toutes les stations et points de prélèvements, analysant les prélèvements d'humeurs pour la contamination radioactive interne humaine, le contrôle des installations médicales et industrielles pour lequel il disposait de laboratoires mobiles qui regroupent en un seul véhicule absolument autonome toutes les activités essentielles du service : spectrométrie gamma humaine, radioanalyse, dosimétrie physique et photographique, etc. En 1964, l'Institut National d'Hygiène (INH) créé en 1941, regroupant les moyens de recherches du ministère de la Santé publique et de la Population, devint l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale plus connu sous son acronyme « Inserm ». L'organigramme présenté au premier conseil d'administration du 24 octobre 1964, indique que l'essentiel des services techniques rattachés au nouvel institut sont ou seront implantés au Vésinet. Ce sont :
La création au sein de l'Inserm d'une division spéciale, la Division de la Recherche Médico-Sociale (DRMS) découlait d'une volonté de développer une recherche autre que biomédicale. La DRMS recevait en fait pour mission principale d'assurer l'information et la recherche en santé publique, activité d'origine de I'INH. L'essentiel de la DRMS se trouvait initialement à Boulogne-Billancourt. Une partie, renforcée, vint s'installer au Vésinet en 1961 (Bâtiments B). Le centre tout neuf accueillait une douzaine d'équipes d'épidémiologistes et un centre de calcul doté de moyens informatiques très performants pour l'époque.
L'autre équipe de recherche (CRPA) dans le domaine biomédical, installée au Vésinet dans le même parc en 1964 (le groupe de Bâtiments A) disposait de locaux de bureaux pour des services administratifs et de documentation, de plusieurs ateliers (mécanique, menuiserie, électronique) et deux étages de laboratoires classiques, auxquels était adjointe une animalerie. Son centre d'intérêt était la pollution atmosphérique et l'environnement, préoccupations très novatrices à un moment ou personne ou presque ne connaissait encore le mot écologie. Le Centre s'était doté d'un service de documentation d'avant-garde, qui mettait systématiquement sur microfiches plusieurs centaines de périodiques scientifiques. [5] Centre de Recherches, entrée principale. La place ainsi libérée fut alors attribuée à la jeune Unité du Pr Henri Matthieu (U.120), étroitement logée au Centre International de l'enfance, à Longchamp. Cette nouvelle équipe, partagée entre le Vésinet pour ses activités de recherche et l'Hôpital Boussicaut pour ses activités cliniques, illustre bien le problème que posa le développement anarchique du Centre de Recherche du Vésinet dans les années qui suivirent: une hétérogénéité croissante des thématiques d'une part, l'écartèlement géographique entre la recherche biologique et la recherche clinique d'autre part.
Cette apparente unification n'existait cependant que sur le papier, car aucune organisation administrative n'avait été prévue et la gestion du centre (alimentation des chaufferies, gestion des infrastructures, entretien des bâtiments et du parc) restait paradoxalement confiée au directeur du SCPRI, service voisin et totalement séparé du Centre Inserm par des clôtures électrifiées. Marquée par une concurrence territoriale à peine dissimulée, la relation entre les deux organismes était réduite au strict nécessaire. En 1984, à l'occasion du 20e anniversaire de l'Inserm, une opération " portes ouvertes" et une exposition furent organisées au Vésinet. Une série de conférences données au C.A.L. (sigle du Centre des Arts et Loisirs devenu depuis le Théâtre du Vésinet - Alain-Jonemann) était censée faire découvrir à la population du Vésinet ce mystérieux voisin. Un article dans le Bulletin municipal (n°68, septembre 1984) avait le même objectif. L'occasion fut surtout de constater une ignorance réciproque se traduisant par le manque de public aux conférences et aux portes ouvertes, et la difficulté à trouver des conférenciers et des guides ! Il est vrai que cette « découverte mutuelle » se déroulait tandis que plusieurs équipes « faisaient leurs malles ». En 1991, la réduction des effectifs justifia la suppression de l'ADR du Vésinet et le rattachement administratif du Centre de Recherches du Vésinet [7] à l'ADR Paris-Nord installée à Bagnolet (93). Les locaux du Vésinet, abandonnés par les chercheurs, furent alors dédiés aux Archives (1991-2005), puis à la formation permanente et accueillirent de nombreux Ateliers de formation de 1989 à 2000. Ceux-ci n'avaient cependant pas le succès escompté, conjuguant l'inconvénient de l'éloignement de Paris, de la gare (obligation de contourner le parc) et du manque d'infrastructure hôtelière dans le voisinage. La direction générale qui se faisait prier pour accorder les moyens nécessaires à la survie du centre, y renonça tout à fait après les dégâts causés par la tempête de décembre 1999.
Les bâtiments abandonnés (2011) avant leur démolition. **** Notes : [1] Ancien ingénieur de recherche, ancien chargé de mission au département d'évaluation et suivi des programmes de l'Inserm. [2] le SCPRI (Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants), service technique du Ministère de la Santé et du Ministère du Travail, institué par l'arrêté du 13 novembre 1956. Aux termes de cet arrêté, le SCPRI effectue des recherches sur la protection contre les rayonnements ionisants et en particulier sur l'établissement des normes, sur les méthodes de mesure et sur les techniques de prévention, pratique toutes mesures, analyses ou dosages permettant la détermination de la radioactivité ou des rayonnements. Il a été placé au sein de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, à la création de celui-ci, en 1964. Sur le plan international, en 1969, l'Organisation Mondiale de la Santé a désigné le SCPRI comme Centre International de Référence pour la recherche sur la pollution radioactive de l'environnement. A ce titre, le SCPRI a coopéré notamment avec les laboratoires correspondants de plus de 20 pays des deux hémisphères. Devenu l'OPRI (Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants) en 1994 puis inclus dans l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire) créé en 2002. [3] Le CRPA (Centre de Recherche sur la Pollution Atmosphérique) avait une double vocation d'animation d'une thématique très novatrice pour l'époque : Problème de la localisation des industries et des activités polluantes Répertoire des multiples sources de pollution diversité des polluants estimation des tonnages émis dans le monde entier problèmes liés à l'émission de dioxyde de carbone etc. et d'autre part l'étude physiopathologique de toxiques environnementaux y compris dans l'origine des cancers. Le départ de André Roussel en 1973 donna lieu à la création de plusieurs unités : outre le laboratoire de Toxicologie de Claude Boudène (Inserm, Unité 122 implantée en 1973 à Châtenay-Malabry), l'Unité de Maurice Stupfel (Inserm U. 123, au Vésinet), l'équipe de Georges Rudali (Toxicologie appliquée à la Cancérologie, au Vésinet) qui n'obtint pas le statut d'Unité faute d'avoir pu se développer. André Roussel (1919-2011) fut un pionnier en matière de médecine préventive. Externe des hôpitaux de Paris en 1942, il fut, après un séjour aux Etats-Unis en 1960, Agrégé de médecine préventive et d’hygiène (1962) et Professeur sans chaire de médecine préventive (1972). Nommé adjoint au directeur de l’Inserm puis Président du comité de recherche scientifique pollution atmosphérique du ministère de l’Environnement (1971) lors de la création de ce nouveau ministère, il quitta le CRPA du Vésinet pour poursuivre une longue carrière administrative. [4] La DRMS (Division de la Recherche Médico-Sociale) coordonnait onze Sections que rapprochaient, au delà de leur caractère spécialisé, des objectifs communs et une unité des méthodes. Les études ayant pour but de fournir des informations pour l'action médicale et sanitaire, en traitant des problèmes de Santé intéressant non seulement l'individu, mais la collectivité du fait de leurs incidences médicales, sociales et économiques. Les statistiques courantes et des études particulières permettant d'apprécier la fréquence et la distribution des maladies. Les études sur les actions de Santé Publique portaient sur les moyens et les méthodes permettant d'améliorer l'état de santé de la population par l'utilisation optimale des connaissances scientifiques et des ressources disponibles. Les sections pouvaient être classées en trois catégories: 1) celles ayant une mission d'information générale sur la santé de la population et sur les actions de santé publique. 2) celles étudiant des domaines spécialisés de la pathologie. 3) celles qui s'attachaient à promouvoir les méthodes de recherche. [5] Le service de documentation du Centre de Recherche sur la Pollution atmosphérique de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, A. Roussel & C. Marcie - Documentaliste (n°spécial), 1 janvier 1966, p. 57-58. [6] Dans les Souvenirs de M. Aujaleu, premier directeur général de l'INSERM, on peut lire : « Quant au Service central de protection contre les rayonnements ionisants, le SCPRI, il avait été créé sous la tutelle de l'INH sous la direction du Pr Pellerin. Mais Pellerin qui était comme Bugnard un physicien ne s'entendait pas très bien avec lui. Quand on a installé l'INSERM qui reprenait la tutelle du SCPRI, je ne comprenais pas très bien les raisons de leur différend. Bref, j'ai laissé Pellerin tranquille et il a travaillé (pas toujours avec l'adresse souhaitée), mais son bazar marchait quand même, bien qu'il ait gardé une grande autonomie dans son fonctionnement. » Il avoue aussi les raisons de l'incohérence des implantations: « J'ai profité du fait que le ministère de la Santé possédait un domaine au Vésinet et j'y ai mis quelques-uns de nos services, comme les statistiques sur les causes de décès. Mais les déplacements entre l'avenue Mozart, Boulogne et Le Vésinet, que de temps perdu et c'est au moment où j'ai quitté la maison, en 1969, qu'on a commencé d'envisager le site de Tolbiac où l'INSERM est désormais installé ». [7] Le vocable Centre de Recherches du Vésinet tendait d'ailleurs à disparaître au profit de Centre Inserm du Vésinet, plus réaliste. [8] CépiDc ou Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès, dirigé alors par le Dr E. Jougla.
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