Le Temps - 17 mars 1905 (Numéro 15977) - Dernières nouvelles du Palais L'éloge du président Chambareaud La chambre criminelle de la Cour de cassation se réunissait aujourd'hui pour la première fois depuis la mort de son président, le regretté M. Chambareaud [...]. Au début de l'audience, à midi, M. le conseiller Bard, qui préside comme doyen, après avoir dit quelle perte la Cour suprême venait de faire et rappelé les débuts de la carrière de M. Chambareaud, s'est exprimé ainsi :
Le Conseiller Chambareaud, rapporteur au procès Zola Dans nos délibérés de jadis, que de fois nous l'avons vu transformer l'aspect d'une question, ramener des profondeurs de la jurisprudence certains précédents oubliés, évoquer successivement une série d'arrêts catalogués dans son cerveau, en déduire une thèse lumineuse, conclure avec chaleur, avec passion et avec une si belle sincérité intellectuelle que tous en étaient ébranlés.
Croquis d'audience (Le Temps, 1904) C'est ainsi que nous l'avons perdu. Nous ne reverrons plus à cette place cette douce et vénérable figure où se reflétait une belle âme. Nos délibérations seront privées de ce qu'elles devaient au charme personnel d'un président aussi rare. Il a voulu, vous le savez, que l'extrême simplicité de sa vie se prolongeât jusque dans la mort, et qu'aucune cérémonie ne rassemblât ses collègues, malgré la vive amitié qu'il leur portait et qu'attestent encore les dernières lettres que j'ai reçues de lui. Il souhaitait depuis longtemps qu'après son décès on le conduisît directement dans le pays où reposent les siens et où le ramenaient, chaque année, les vacances judiciaires. Nos regrets n ont donc pu se manifester autour de son cercueil, mais notre pensée affectueuse fera longuement cortège à sa mémoire. [5] Me Boivin-Champeaux, président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, entouré du conseil de l'ordre dit, lui aussi, "quels regrets causait à ses anciens confrères la disparition de l'éminent président de la chambre criminelle". Le conseiller doyen Bard répondit encore : "La Cour remercie le barreau de s'associer, comme il vient de le faire, à un deuil qui nous est effectivement commun". Puis l'audience fut levée pendant une demi-heure.
Notes complémentaires:
[1] il avait dû, le 12 septembre 1870, accepter les fonctions de directeur du cabinet et du personnel au ministère de l'intérieur à la demande de Léon Gambetta dont il était l'ami d'enfance. Dès que les circonstances le lui permirent, le 4 février 1871, il s'empressa de quitter ces fonctions qui ne convenaient pas à son caractère d'homme de loi. (Bulletin de la Société de législation comparée - janvier 1906 (37e année, tome 35, n°1) [2] Le 30 mai 1862, il avait acquis une charge d'avocat à la Cour de cassation, qu'il conserva jusqu'en 1885. (Ibid.) [3] La nomination de Chambareaud, en 1885, à la Cour de cassation fut accueillie avec reconnaissance par le barreau de cette Cour; elle avait été préparée dès l'année précédente par le tribunal des conflits qui l'avait appelé à lui en qualité de membre adjoint et l'avait, pour ainsi dire, désigné au choix du gouvernement. M. Chambareaud était déjà connu des membres de la Cour par l'exercice de sa profession d'avocat; il s'était distingué comme jurisconsulte d'une extrême finesse et comme avocat d'une haute indépendance. (Ibid.) [4] Il a présidé la chambre criminelle pour la dernière fois le 25 février 1905, deux semaines avant sa mort. [5] Domicilié à Paris, 53 rue de Châteaudun, il est décédé le 11 mars 1905 dans sa maison de villégiature du Vésinet, 37 route du Grand-Pont. Mais aucune cérémonie funèbre ne fut célébrée à Paris (ou au Vésinet), suivant la volonté expresse du défunt qui était célibataire. Ses obsèques eurent lieu à Bourdeilles (Dordogne), village dont la famille Chambareaud était originaire. (Le Temps, 15 mars 1905)
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