Alain-Marie FOY, Conseiller municipal •Echos du Passé, Le Vésinet, revue municipale n°45, décembre 1978.

Qui était le Général Clavery
mort il y a 50 ans ?

En 1929, Henri Cloppet étant maire, le Conseil municipal du Vésinet décidait d'attribuer le nom du général Clavery à la rue Latérale dans laquelle il avait passé une partie de sa jeunesse, au numéro 30. Cette adresse était celle de la demeure ayant tenu lieu de mairie de 1875 à 1880. La nouvelle rue fut baptisée le 13 juillet 1930, certains s'en souviennent, en même temps qu'était inaugurée la Maison des Anciens Combattants. Quelques mois plus tôt, la ville de Rabat avait déjà dédié une rue au général Clavery. Il y a cinquante ans qu'il est mort et l'occasion nous est ainsi donnée d'évoquer son souvenir.

L'embuscade

Le 8 décembre 1928, dans l'après-midi, trois véhicules de l'armée suivent une piste du sud-est marocain, dans la région de Colomb-Béchar. Elles achèvent une visite d'inspection du territoire qui est en voie de pacification. Le premier véhicule, une camionnette, parvient au sommet du col du Maghzen et s'engage dans un étroit défilé. C'est alors qu'elle est prise sous le feu des armes de seize rebelles, dissimulés derrière des rochers, à quinze ou vingt mètres au-dessus de la piste. Les occupants de la camionnette sont tués. Vingt-cinq minutes plus tard, arrive la voiture dans laquelle a pris place le colonel Amédée Clavery, commandant supérieur du territoire d'Aïn-Sefra. Il est, à son tour, atteint mortellement d'une balle. Cinq minutes après, survient le dernier véhicule à bord duquel se trouve le propre fils du colonel, le maréchal des logis René Clavery, qui a demandé une permission pour accompagner son père. Il va soutenir le combat jusqu'à huit heures du soir et réussir à tuer l'assassin de son père. Finalement, sur les treize hommes composant le convoi, cinq furent tués et trois blessés, tandis que les cinq autres, dont René Clavery, sortirent indemnes de l'embuscade. Ce guet-apens avait été rendu possible par la trahison des supplétifs chargés d'assurer la sécurité du passage. Le colonel Clavery mourut sans savoir que, la veille, il avait été promu général : le décret ne devait être publié que le 12 décembre 1928.
Le 28 février 1929, le ministre des Colonies, André Maginot, remit la médaille militaire au maréchal des logis Clavery. En mai 1930, une stèle fut élevée sur les lieux du drame, à la mémoire du général et de ses compagnons. Elle fut inaugurée en janvier 1932, en présence des familles des victimes.

Un homme, une carrière

Prosper Charles Amédée Clavery est né le 15 janvier 1870, à Paris, troisième d'une famille qui comprendra neuf enfants. Ses parents, Paul, haut fonctionnaire des Affaires Etrangères, et Marie-Philiberte vinrent s'installer au Vésinet, d'abord pendant la belle saison, comme l'usage en était fréquent à l'époque, puis de manière permanente. Ils habitèrent successivement boulevard du Midi (F.-Roosevelt maintenant); 24, route de la Croix; 30, rue Latérale à partir de 1881 et enfin, 24, rue du Chemin-de-Fer (l'actuelle avenue Gallieni). Paul Clavery fut président du Conseil paroissial et d'autres associations locales (Croix-Rouge, Secours mutuels, brancardiers...). Mme Clavery s'occupa de diverses œuvres de bienfaisance et notamment de la crèche Marie, fondée par Mme Pallu.
Après ses études à Condorcet, le futur général Clavery s'engagea à 18 ans dans l'infanterie, à Rouen. Il passa quarante années sous les drapeaux, presque exclusivement en Algérie, au Maroc et dans le Sahara. La connaissance qu'il avait ainsi acquise des populations arabes et berbères, de leurs chefs, de leur langue et de leurs mœurs, comme de la situation politique et militaire de ces contrées, conduisit les autorités à lui confier en 1926 la responsabilité du vaste territoire sur lequel il devait trouver la mort.
Pendant deux ans (novembre 1916 - avril 1919), il se distingua au front: notamment devant Verdun et sa promotion, en 1917, comme officier de la Légion d'honneur est ainsi justifiée: "officier supérieur très distingué. Le 16 décembre 1916 (Verdun), a conduit les opérations de première ligne du régiment avec une rare compétence provoquant, par une série de mesures judicieusement prises, la chute de plusieurs centres de résistance ennemie (Douaumont)". Il fut d'ailleurs blessé à Douaumont. [1] En 1920, il reçut la cravate de commandeur de la Légion d'honneur.

Epilogue

Le général Clavery fut enterré le 7 janvier 1929 dans le pays basque, à Ustaritz, (à 13 km de Bayonne). En 1904, il y avait épousé Marie de Laborde-Noguès, arrière-petite-fille du maréchal Exelmans. Elle avait treize frères et sœurs. Ils eurent quatre fils, dont l'aîné, René, on l'a vu, accompagna son père dans sa dernière mission. Le frère aîné du général, Edouard Clavery, fut longtemps adjoint au maire du Vésinet. Il s'abstint lors du vote du Conseil municipal évoqué au début de cet article. Il s'attacha par ses écrits, à faire connaître la carrière exemplaire de son frère. Il intervint notamment à plusieurs reprises pour rectifier certaines relations faites des circonstances de la mort du général : une polémique prit naissance à la suite des déclarations du président du Conseil, Raymond Poincaré. Il estima, en effet, devant le Parlement, que les trois voitures n'auraient pas dû, pour leur sécurité, circuler ainsi espacées les unes des autres. Edouard Clavery démontra que, si tel n'avait pas été le cas, tous les occupants du convoi auraient été massacrés par les rebelles qui auraient pleinement profité du relief accidenté des lieux. Parmi d'autres textes, Edouard Clavery a écrit en 1933 une brochure consacrée à son frère qui fut éditée par la librairie Poutine. L'auteur de ces lignes n'a pu la retrouver en vue de préparer cette chronique. M. Poutine nous avait d'ailleurs dit, il y a une dizaine d'années, qu'elle n'avait jamais été déposée à la Bibliothèque nationale [2].
Aussi, en conclusion, faisons-nous appel à celui de nos concitoyens qui en posséderait un exemplaire et nous permettrait d'en prendre connaissance.

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    Notes SHV.

    [1] Il s'agissait d'engelures au pied gauche (dossier militaire)

    [2] Monsieur Poutine se trompait, le livre fut publié plus tard: CLAVERY (Édouard). La fin tragique du général Clavery. Sud-Oranais (8 décembre 1928). Paris, Éditions du génie français, s.d. (1941).

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