La Gazette du Vésinet,
journal indépendant et d'intéret local, octobre à décembre 1901. [1]
Le crime du
Petit-Montesson (II)
13 octobre 1901 [2]
Plus de quinze jours se sont écoulés depuis l'assassinat de la route de Montesson et l'auteur est encore inconnu. L'enquête reste sans résultat, n'ayant acquis aucun renseignement nouveau pour guider les recherches. La comptabilité de la maison a été saisie, mais c'est là un fait à peu près sans importance. Devons-nous nous faire l'écho de tous les bruits qui circulent dans le pays devant tant de recherches infructueuses ? Non, car nous espérons toujours que le mystère s'éclaircira.
27 octobre 1901 [3]
L'enquête sur le crime du Petit-Montesson semble vouloir entrer dans une phase de progrès. L'arrestation de Léopold Bosselet dont nous donnerons tout à l'heure les détails a produit un mouvement favorable à la réhabilitation du mari de la victime que la rumeur publique, on peut bien aujourd'hui se l'avouer, avait un peu prématurément désigné comme auteur de l'assassinat.
Celui-ci s'est, en effet, produit dans des circonstances telles qu'il sautait aux yeux du monde diversement informé par les journaux, que seul le mari pouvait en plein midi, sur une route passagère, sans éveiller l'attention de personne, commettre un semblable forfait. Toutefois il est juste de dire qu'indépendemment de ces charges morales, aucun fait ne fut relevé contre le malheureux Soyer et ceci eut bien du suffir à retenir dans une prudente incertitude beaucoup de langues trop longues qui ont fait souffrir Soyer déjà si atteint par la perte d'un être cher, une ruine à peu près complète et la menace de se trouver du jour au lendemain sans situation si l'enquête ne produisait rien.
Le bruit s'était répandu que Soyer avait été remercié. Lui-même, bien fixé pourtant sur ce point et seulement pour donner à ces assertions un démenti formel, écrivit au Maire pour lui demander quelle était sa décision au sujet du congé dont on l'avait momentanément gratifié. Il lui fut répondu qu'il n'avait pas à s'inquiéter de sa place, qu'elle lui était conservée purement et simplement. On souhaitait uniquement voir l'affaire dont-il était par ricochet victime, s'éclaircir le plus rapidement possible et on lui conseillait de faire lui-même, dans ce but, toutes les démarches nécessaires.
Soyer, ayant mis son beau-frère Léopold Bosselet au courant de sa situation, lui ayant dit tous les soupçons qui pesaient sur lui, celui-ci s'offrit pour le mettre en relations avec un agent de la sûreté de sa connaissance, habitant Saint-Denis. Pour répondre à cette offre, Soyer se rendit lundi dernier 21 octobre à Argenteuil au domicile de son beau-frère, 40, avenue de la Gare. Ne l'ayant pas trouvé, il alla voir sa fille qui depuis trois semaines est chez sa belle-mère, Madame Drouard, rue Traversière à Argenteuil également.
A son retour, toujours hanté par cette idée fixe qu'il pouvait dans la personne de l'agent de la sûreté que son beau-frère se proposait de lui présenter, trouver celui qui allait le délivrer de tous les soupçons, il rentra chez Bosselet. Celui-ci n'était pas de retour. Il lia conversation avec sa belle-soeur Madame Bosselet et c'est en quittant celle-ci, dans le couloir de la maison même que des agents lui mirent la main au collet. Interrogé sur son identité, il se fit connaître. Il y avait méprise, la police cherchait Bosselet et non Soyer ! Il fut donc remis en liberté et c'est ainsi qu'il connut l'arrestation de son beau-frère, opérée presque au même instant, au moment où celui-ci réintégrait son domicile.
Le hameau du Petit-Montesson à l'époque des faits. Le Café "A l'ami Jean Bard" et l'avenue des Pages en direction du "Village".
Le hameau du Petit-Montesson quelques années après les faits. La croix rouge indique l'emplacement où se trouvait, en 1901, le magazin de Madame Soyer, au 16 bis route de Montesson, non loin du carrefour de la route de Montesson avec l'avenue des Pages.
Un nouveau suspect
Bosselet, en tournée à la Fourche de Champigny où il voulait se rendre acquéreur d'un fonds de triperie, aurait fait devant une épicière de l'endroit, l'apologie du crime du Petit-Montesson. Cette commerçante étonnée de l'attitude du tripier fit part le jour même à un parent agent de sûreté de Paris, de la visite du singulier acquéreur. L'agent se rendit à Argenteuil, fit part à M. Blanc, commissaire de police de cette ville de la déposition de sa parente et commença une enquête.
Les renseignements pris sur Bosselet, le désignèrent comme un ivrogne et un brutal capable d'un forfait. Sa parenté avec la victime fit le reste.
Au cours de la perquisition opérée à son domicile, on découvrit dissimulé dans du linge, une alliance qu'on supposa être celle de Madame Soyer. Mardi matin, cette alliance fut présentée à Soyer au Vésinet. Il la reconnut pour être semblable à celle de sa femme toutefois, ne portant aucun ornement ni insigne distinctif, il ne put fournir d'indications plus précises. Bosselet, interrogé, d'autre part, dit tenir cette alliance de sa première femme et s'offrit à prouver qu'elle était en sa possession à une date antérieure au crime, l'ayant engagée au Mont-de-Piété, puis dégagée depuis quelques mois. Quant à l'emploi de son temps le jour du crime, il dit avoir passé la matinée à essayer un cheval, être rentré à onze heures chez lui pour déjeuner et s'être ensuite couché.
A une heure et demie, il serait alors allé boire avec un nommé Feuillette, entrepositaire de bières à Epinay et un marchand de paille d'Argenteuil. Ces deux personnes interrogées ont formellement nié le fait. Revenant sur son dire il aurait affirmé alors avoir passé son après midi au lit et aurait invoqué le témoignage de sa femme, de sa belle-mère et de sa belle-sœur. Or ces trois femmes ont bien été unanimes à dire qu'en effet le garçon boucher était chez lui à 1h12, mais leurs dépositions sont loin de concorder.
Cependant un boucher d'Epinay qui est venu chez Bosselet à quatre heures et quart a dit que celui-ci, à ce moment était endormi dans sa chambre et qu'il avait dû l'appeler à plusieurs reprises.
Comme on le voit le résultat de l'enquête est incertain, en ce qui est de l'emploi du temps de Bosselet et c'est pourtant le seul point sur lequel on puisse continuer l'instruction. Bosselet avait le soir du crime des taches de sang au col. Sa femme, interrogée sur ce détail, en reconnut l'exactitude. Enfin lui-même en fournit la provenance expliquant qu'il s'était fait raser à Asnières, en attendant le train du Vésinet ; le garçon coiffeur l'avait coupé. Le fait est peut-être exact, mais le coiffeur n'a toujours pas été retrouvé.
On a encore dit que Bosselet avait acheté deux ou trois jours avant le crime un cheval qu'il avait payé le surlendemain de la mort de sa belle-soeur. Il a été prouvé qu'il possédait à la Caisse d'Epargne le reliquat de la vente de son fonds de commerce de Franconville sur lequel il avait prélevé mille francs pour payer son acquisition.
Un coutellier d'Argenteuil remit avant hier à M. Blanc, commissaire de police d'Argenteuil, un couteau que Bosselet lui avait le 28 septembre dernier donné à emmancher. Ce couteau conservait des traces de sang. M. Soyer à qui le couteau a été présenté hier, reconnut n'avoir jamais eu cette pièce en sa possession. Cette dernière charge tombait.
Reste donc seul l'emploi du temps de Bosselet de 11 h à 16 h le 26 septembre et les magistrats ont aujourd'hui perdu toute confiance sur la valeur de cette arrestation. On affirme même que Léopold Bosselet doit aujourd'hui être remis en liberté. [4]
Plusieurs journaux ont laissé supposer que Soyer n'occupait plus son poste de secrétaire à la Mairie. Le fait est inexact, nous le répétons ; Il est en congé jusqu'à ce que l'instruction ait donné un résultat quelconque. Quant aux prétendues accusations portées par lui contre son beau-frère, il ne faut pas non plus en croire un mot. Les réponses faites par lui à tous les interrogatoires sont là pour le prouver. Lui, comme tout le monde, se perd en conjectures.
La rumeur et ses conséquences
8 décembre 1901 [5]
S'il est une chose que je n'aurais jamais un instant pu supposer avant l'heure présente c'est la nécessité de prendre un jour la plume pour défendre dans les colonnes d'un journal une cause comme celle que m'offre aujourd'hui l'actualité. Et pourtant laisser passer sans le souligner de quelques considérants le forfait qui vient de se commettre dans cette humble commune dont je suis l'un des plus anciens habitants serait œuvre criminelle qui nous placerait mes concitoyens et moi sur un pied de complice égalité avec son auteur. Sur la question très délicate au fonds et qu'il est épineux de discuter, j'appellerai l'attention la plus profonde de mes lecteurs. Avant de juger le sentiment qui me fait agir en écrivant ces lignes, je les prie de bien peser mes paroles et de ne pas y voir d'attaque contre une personnalité.
C'est un fait que je veux traiter ; si quelque chose m'échappe dans le rapide plaidoyer que je tiens à en faire, peut-être les intéressés voudront-ils bien comprendre que j'obéis seulement au besoin de défendre un faible et non à celui d'attaquer un fort.
En quelques mots voici les faits.
Le 25 septembre dernier, en plein jour, une femme a été assassinée dans sa boutique. Le mobile du crime était apparemment le vol ; les traces laissées par le meurtrier, nulles ou à peu près puisque l'instruction n'a pu en tirer parti. Les premières constatations de la mort de la victime opérées à trois heures, faisaient remonter ce crime à deux heures auparavant. L'autopsie à conclu dans des termes approchants : la mort se serait produite dans l'heure qui a suivi le déjeuner. Les soupçons se sont portés avec la rapidité de la foudre sur le mari même de la victime.
L'opinion publique, faisant flèche de tout bois, accumula mentalement les charges. L'heure de l'assassinat coïncidant singulièrement avec celle du départ habituel du mari, la parfaite connaissance des aitres [sic] affirmée par le soin avec lequel s'était fait « le coup », comme on dit vulgairement, l'absence à peu près totale de traces (qui pouvaient même être simulées), une prétendue mésintelligence dans le ménage, l'attitude même du mari qui ne pleurait pas assez à certains moments et pleurait trop à d'autres (ce que la vindicte publique résume si bien par le mot comédie, tout fut bon pour accuser le malheureux.
On l'épia, on le cerna, on le traqua comme une bête fauve dans la pauvre maisonnette qui avait été le théâtre de sa ruine. Craintif comme un chien que l'on vient de battre, il n'osa plus lever la tête car tous les regards qui auraient du être de pitié ou tout au moins d'indifférence, à son seul aspect se chargeaient de mépris et d'opprobre. Faut-il voir là un indice de la méchanceté innée dans la masse ? Non, mille fois non. Au public, il faut un coupable et surtout la connaissance immédiate qui fait cesser les incertitudes et les terreurs cachées. Inspirés par des circonstances, les soupçons ne pouvaient se porter ailleurs et si mentalement des milliers de personnes ont accusé Soyer d'avoir tué sa femme, personne n'a osé formuler même un semblant d'accusation parce que pesonne ne tenait d'indice sérieux qui puisse en confirmer la justesse. D'ailleurs la justice était là et s'il ne m'appartient pas de juger les méthodes qu'elle a cru devoir employer pour instruire cette affaire, je puis sans m'engager en rien affirmer qu'elle n'a pas négligé la piste du mari. Elle y a même apporté toute l'attention dont elle était susceptible et si les résultats ont été négatifs, il ne faut pas croire comme beaucoup ont voulu l'insinuer que c'est la qualité de l'inculpé présumé qui a entravé le cours des poursuites.
L'enquête s'est continuée, les pistes se sont multipliées et jamais, entendez-vous chers lecteurs, jamais rien n'est venu confirmer les soupçons de la masse sur Soyer. La police lui a même mis la main au collet par erreur, croyant opérer l'arrestation de son beau-frère. Son attitude en cette circonstance n'a pas été celle d'un coupable, mais au contraire celle d'un homme qui ne comprend pas, qui ne comprend plus. L'exhihition pure et simple de ses papiers suffit à le faire remettre immédiatement en liberté.
Il est temps je crois de démolir un roman qu'on s'est plu à échaffauder sur l'affaire. Soyer n'a dit-on jamais été inquiété parce qu'il était secrétaire à la Mairie du Vésinet ! Il possédait prétend-on des « appuis en hauts lieux » qui l'ont sauvé de la prévention. Or ceci est faux, archifaux et la raison en est bien simple. Quels que soient ces appuis que puisse posséder Soyer en hauts lieux, pas un dans une circonstance aussi scabreuse n'aurait voulu se porter garant de l'innocence de son protégé et l'eusse-t-il fait que cela n'aurait pas arrêté un instant la marche de l'instruction. D'ailleurs ces prétendus appuis ne se sont jamais fait connaître et je vous démontrerai plus loin, l'exactitude du fait.
En résumé le mystère de cet assassinat est aussi profond qu'au premier jour et risque même beaucoup de ne jamais s'éclaircir. Or pour en revenir au véritable sujet de cet article, Soyer qui était secrétaire à la Mairie du Vésinet a été remercié ces jours-ci. Au lendemain du meurtre de sa femme, un congé de dix jours lui avait été accordé : ce congé a été prolongé jusqu'à maintenant. Il avait conservé son poste et les appointements afférents sans remplir les attributions. Toutefois la situation étant très fausse pour lui, il alla la semaine dernière voir le Préfet, le juge d'instruction et le procureur de la République pour obtenir une solution.
Ces messieurs s'accordèrent à lui dire qu'il n'avait jamais été inculpé et que seul le Maire du Vésinet pouvait trancher la question. Soutenu par ces bonnes paroles, il vint donc demander au Maire quand il pourrait espérer reprendre ses fonctions.
Il ne saurait dépeindre la façon dont il fut reçu. Dans un emportement hors de mesure, il lui fut répondu qu'il n'était point l'employé rêvé, qu'il était sourd et faisait des erreurs constantes sur les registres de la commune !!!'
Soyer est sourd et fait constamment des erreurs. M. le Maire a mis six ans pour s'apercevoir de cela et, coïncidence bizarre, c'est au moment où il a le plus besoin de sa place que cette triste constatation est faite pour permettre de le remercier !
–- Votre affaire ne me regarde pas et n'est pour rien dans ma décision, a-t-il ajouté.
Personne ne sera dupe d'une pareille assertion. Tant de férocité déguisée contre un malheureux déjà si éprouvé dépasse les bornes de toute cruauté. Il est juste de dire que si la situation était fausse pour l'employé, elle l'était encore plus pour le Maire. Reprendre un secrétaire que l'opinion publique a soupçonné d'assassinat, c'était prêter le flanc à la critique. Mais s'il était impossible de rendre à Soyer son poste, il n'était pas nécessaire pour le mettre à la porte d'user de subterfuges.
Soyer n'est pas sourd. A la suite de maladie il a été pendant quelque temps «dur d'oreille » et son travail s'en est ressenti. Quelques erreurs s'y sont glissées, mais cela a si peu duré que M. le Maire très satisfait lui même de son employé proposait pour lui au vote du dernier budget une augmentation d'appointements !
C'est donc bien le crime dans lequel il a perdu sa femme et ses maigres ressources qui lui fait aujourd'hui perdre sa situation.
Remercié pour ne pas dire chassé du Vésinet, où le malheureux trouvera-t-il de quoi vivre ? Comme un paria puisqu'il est dépouillé de tout, il partira vers des contrées meilleures et lorsqu'on lui demandera ce qu'il est, il dira :
–- Je suis Soyer, le mari de l'épicière assassinée en septembre au Petit Montesson. On a tué ma femme, volé mon argent. J'ai vendu mon fonds et mes meubles pour payer des engagements antérieurs et pour vivre. Après mon affaire, on a craint de me rendre ma place, je suis sans ressources.
Où sont elles les âmes compatissantes qui comprenant cette détresse voudront braver l'opinion et donner du pain à ce malheureux ? Ce pauvre corps déjà si malingre, miné par les souffrances morales et physiques résistera-t-il à tous les affronts qui lui sont préparés, conservera-t-il la force nécessaire pour le travail, si malgré tout, celui-ci lui est offert ?
N'est-ce pas le moment où ces fameuses protections qui ont le pouvoir d'entraver une œuvre de justice doivent se montrer pour retirer le malheureux du goufre dans lequel le jette une décision inique ?
Ce que la police et la justice n'ont pas su faire ou démontrer, un Maire, sans enquête et sans instruction, le juge et le punit. Son réquisitoire se résume à rien. Une tare, une infirmité dont personne ne s'était plaint, pas même lui, jusqu'à ce jour, suffit pour le condamner. Décidément les avariés, au sens propre comme au sens figuré, ne sont pas en veine au début du nouveau siècle ! Et c'est surtout au sens figuré que le malheureux a sa tare. Son boulet d'ignominie à lui, c'est avoir perdu sa femme dans des circonstances terribles, d'autant plus terribles qu'elles sont restées ignorées.
Je devine votre pensée. Si le pauvre homme n est pas coupable son sort est vraiment malheureux !
Oui,vous doutez, vous doutez encore et cela vous est permis quoique les magistrats instructeurs aient affirmé que Soyer n'a jamais été impliqué dans l'affaire. Mais alors qu'on l'arrête, qu'on l'interroge, qu'on le torture par les moyens adoptés par notre civilisation, au lieu de ce jugement sans appel qui se déguise pour le jeter à la rue.
Le moyen d'échapper à la critique ? Ah ! il était simple, vous allez le reconnaître avec moi. Remettre Soyer en fonctions pendant un mois, deux mois, trois mois, plus si le besoin en était en lui disant tout de suite :
– Vous connaissez les bruits qui courent, vous serez longtemps en butte aux sarcasmes du monde. Pour éviter cette existence intolérable, vous chercherez un emploi loin d'ici, vous me promettez d'y travailler activement. Je vous garde jusque là pour ne pas vous plonger dans la misère. Trouvez et vous serez sauvé, le plus vite sera le mieux. Au lieu de cela, on le laisse pendant deux mois se bercer du doux espoir de voir s'arrêter là ses épreuves et par une brusque transition, on le bannit.
Que conclure de tout ceci ?
Déplorer le sort de ces employés moins privilégiés qu'un simple garde champêtre. Si celui-ci faute, un rapport, une enquête, la sanction du Préfet sont nécessaires. Les autres, on les chasse sans espoir de retour comme de simples valets le jour où ils ont cessé de plaire à leur maître. Pas une loi, pas un décret pour sauvegarder leurs intérêts.
Quelle ère de justice ! Signé Me Fingousier
29 décembre 1901 [6]
Sur des indications venues de divers côtés, on avait cru à nouveau tenir la piste de l'assassin de Mme Soyer. M. Mangin-Bocquet, qui poursuit activement l'instruction du crime du Vésinet, ne voulant rien négliger, a fait rechercher et a entendu l'individu désigné qui n'était autre qu'un nègre bien connu à Saint-Germain ou il a fait le courtage des cafés et des chocolats. Ce nègre nommé Oualetta, allait quelquefois chez Mme Soyer et avait quitté Saint-Germain quelques jours après le crime ; mais il n'a pas eu de peine à établir un alibi et est sorti de l'instruction blanc comme neige.
Epilogue
Malgré des dizaines de lettres anonymes et les arrestations d'autant de vagabonds et autres individus à mine patibulaire dans toute la région parisienne, chaque fois soupçonnés d'avoir perpétré le « mystérieux crime du Vésinet » aucun suspect ne fut jamais envoyé devant le tribunal. Jusqu'en 1913, on relève la mention de ce crime resté impuni, généralement associé à des hypothèses parfois fantaisistes. La dernière, qui incita le procureur de la République de Versailles à rouvrir le dossier en novembre 1913, reposait sur la dénonciation d'un cambrioleur, alors en prison, qui aurait été l'assassin de Mme Soyer. Il s'avéra qu'il avait douze ans au moment des faits. L'affaire fut classée sans suite. [7]
Note:
[1] La Gazette du Vésinet, en mal de copie, consacre de nombreux articles à ce fait-divers local. On y trouve, dans les moindres détails, tous les rebondissements, les fausses pistes, les rumeurs qui se répandent, faute d'une solution à l'enquête qui s'enlise. Outre le Petit-Parisien qui en fera sa une illustrée et traitera du sujet dans une douzaine de numéros, le Journal des Débats lui conacrera aussi une dizaine d'articles jusqu'en décembre 1901.
[2] La Gazette du Vésinet n°24, 13 octobre 1901.
[3] La Gazette du Vésinet n°26, 27 octobre 1901.
[4] Son innocence reconnue, M. Bosselet s'empressa d'assigner les gérants de plusieurs journaux dont les articles lui semblaient particulièrement nuisibles. La 1re chambre du tribunal a condamné chacun des gérants au profit de M. Bosselet à 3,000 frs de dommages-intérêts et une insertion (Journal des Débats, 31 décembre 1903).
[5] La Gazette du Vésinet et Chatou, n°32, 8 décembre 1901.
[6] La Gazette du Vésinet et Chatou, n°35, 29 décembre 1901. On appréciera (ou pas) ce trait d'humour d'un autre temps.
[7] Le Petit Parisien, 18 décembre 1913.
Société d'Histoire du Vésinet,
2013 - www.histoire-vesinet.org