Archives départementales des Yvelines. Brouillon d'article de Georges Dessoudeix (sans date). La « débâcle » de la municipalité du Vésinet (1940) Sans date, dactylographié sous le cachet du service politique de Paris-Soir et signé, le brouillon d'article, raturé et annoté, est conservé aux Archives départementales des Yvelines. Il est le témoignage de Georges Dessoudeix, alors conseiller municipal du Vésinet, sur le moment où, en juin 1940, tant de Français se retrouvèrent sur les routes, fuyant devant la progression rapide des troupes allemandes, triste épisode de notre histoire connu sous le nom de débâcle et d'exode. « Peut-être est-il bien tard pour parler encor d'elles » [1] pourrait-on écrire à propos des municipalités trop nombreuses de la région parisienne qui, à l’approche de l'avance allemande n'ont eu d'autre souci que de s'enfuir le plus loin possible, sans se soucier le moins du monde de ce qui pourrait advenir derrière elles de leurs administrés. Il se garda d'ailleurs de réunir le conseil municipal et de le consulter, et il prévint seulement quelques amis sûrs. Sans aucun ordre des autorités supérieures et sans délibération du Conseil, et sous le fallacieux prétexte d'aller mettre les archives à l'abri, Monsieur le maire réquisitionna de sa propre autorité le personnel de la mairie et des services municipaux (à commencer par les pompiers) et il mobilisa tous les camions de la voirie, les ambulances et les autos et pompes du matériel d'incendie. Puis, lorsque le long convoi fut formé et qu'on eut fait le plein – et plus que le plein – d'essence, toujours aux frais des habitants, il fit vider de son contenu un magasin municipal de vivres de réserve qui avait été constitué pour le ravitaillement de la population. Les produits et les liquides qui y étaient entreposés furent ensuite répartis par ses soins entre voiture du cortège, à titre de provisions de route, et distribués à la cinquantaine de personnes, employés, amis et connaissances, qu'il avait avec lui.
Une lettre est jointe à ce texte. Elle est datée du 20 mars 1941 et adressée au Préfet de Seine-et-Oise. A cette date, celui-ci a déjà décidé de nommer Georges Dessoudeix maire du Vésinet (voir ci-dessous) en vertu de la loi du 16 novembre 1940 « relative à la réorganisation des corps municipaux ». Son arrêté rendant effective cette nomination ne sera signé que le 30 mai 1941. Un autre, ministériel celui-là, paraîtra le 7 juillet 1941 pour entériner la désignation des adjoints sans procéder à des élections. Georges Dessoudeix expose dans sa lettre les motifs qui l'ont amené à adresser ce texte (qu'il dit avoir renoncé à publier) à l'autorité préfectorale, plus de six mois après l'avoir rédigé. Monsieur le Préfet, Je me permets de vous adresser un article qu’il y a quelques mois j’avais eu l'intention de publier dans PARIS-SOIR sur l’attitude de M. Thiébaut au mois de juin. [3] Je ne l’ai pas fait parce qu’ayant été élu sur sa liste je ne voulais pas, publiquement, me dresser contre lui. Mais ce document pourra vous montrer que depuis longtemps, je m'étais entièrement séparé de la municipalité. Il vous éclairera aussi sur certains des faits qui étaient reprochés à M. Thiébaut sans compter les critiques auxquelles a pu se prêter sa gestion des affaires municipales. Je ne vous en avais pas parlé précédemment, par discrétion et parce qu'il m'aurait déplu d'essayer de faire pression, en quoi que ce soit, sur votre détermination. Mais à présent que vous avez bien voulu prendre cette décision en ma faveur, je ne suis plus retenu par le même scrupule. Je suis heureux de profiter de cette occasion pour vous remercier encore très sincèrement de l'estime et de la confiance que vous voulez bien me témoigner et que je m'efforcerai, soyez en assuré, de justifier. ... En novembre 1940, G. Dessoudeix avait déjà formulé les mêmes critiques vis à vis du Maire du Pecq où il avait son nouveau domicile et où il souhaitait être nommé maire plutôt que de rester au Vésinet. La préfecture ne l'entendant pas ainsi, il dut se résoudre à briguer la mairie du Vésinet. Reçu le 6 mars 1941 à Versailles par le préfet, il lui confirma le lendemain par écrit qu'il acceptait cette fonction. Tandis que le commissaire de police, dans un rapport au secrétaire général de la préfecture en date du 20 janvier 1941, jugeait Edouard Clavery, « un peu sénile », le nouveau maire pressenti, Dessoudeix notait sur la fiche de l'ancien diplomate : « Premier adjoint du Conseil sortant. Alors que le maire et les trois autres adjoints étaient partis, a assuré du 13 au 26 juin l'intérim de la mairie. Ne serait-ce qu'à ce titre (et il a rendu comme adjoint de grands services à la Commune) mérite entre tous d'être maintenu dans le nouveau conseil. » Il jugera finalement la présence, dans le nouveau Conseil, de ses deux prédécesseurs MM. Thiébaut et Aubrun « hautement désirable », une manière de répondre aux attentes de la préfecture que l'on peut résumer simplement par la formule « pas de vague ». **** Notes et sources : [1] Alexandrin adapté d'Alfred de Musset : Poésies nouvelles, A la Malibran (1837). Georges Dessoudeix fut poète avant de se consacrer au journalisme. [2] Edouard Clavery, ancien diplomate, qui témoigna être resté en poste, « sans nouvelles des élus en débâcle ». Seul à la mairie, s’appuyant sur la loi, il refusa de quitter la place et de livrer la mairie au commandant allemand. Il tint si énergiquement tête à son puissant adversaire que celui-ci le menaça de le mettre à la porte et lui montra même son revolver. M. Clavery tint bon au point que l’officier finit par céder, se contentant de traiter le courageux adjoint de « vieille viande » (altes Fleisch) qu'on peut aussi traduire par « vieille carne ». L'anecdote fut rapportée par Pierre Michet de la Baume dans Petites et grandes heures du Pecq et du Vésinet, Diguet-Deny, Paris, 1966. [3] Dessoudeix était alors Rédacteur en Chef et directeur des Services politiques de Paris-Soir. [4] La moitié de l'avenue Maurice-Berteaux à partir du n°55 et jusqu'au n°113 qui s'appelle désormais avenue Emile-Thiébaut. Cette voie de plus d'un kilomètre qui borde la voie ferrée n'a que des numéros impairs.
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