Texte anonyme de la fin du XIXe siècle

Premier dénombrement des habitants de la forêt du Vésinet

Aussitôt après la disparition des Anglais, la France va voir renaître de leurs ruines toutes les communes [1], à la faveur de la protection royale qui, par tous les moyens, cherche à abaisser l'aristocratie.
Grâce au développement donné à l'administration, aux routes, aux canaux, à l'organisation communale, les groupes se recomposent et s'unifient. Pour la première fois, nous trouvons, sous Louis XI, le dénombrement des communes qui environnent la forêt du Vésinet. Mais, d'après cet état, l'on voit tout ce que ces pauvres villages ont souffert, et l'on mesure toute l'étendue des ravages de la guerre anglaise, quand on se reporte de ces chiffres aux époques antérieures où l'on donnait déjà le nom de « villes » à Chatou et Croissy. En effet, d'après les livres de l'élection de 1470, on ne trouve que deux habitants à Croissy, quatre à Montesson et trente à Chatou. [2]

Si l'invasion anglaise a ruiné les pays habités, le dépeuplement de ces lieux n'a fait que profiter à la forêt du Vésinet qui, pendant tout ce temps, n'a été ni empiétée ni dépecée par ses voisins.
Le domaine royal de Saint-Germain a pour capitaine des chasses et gouverneur des forêts à cette époque (1472) Guillaume de Montmorency. Cette capitainerie est alors une des plus importantes du royaume et ne comprend pas moins de cinquante lieues carrées [3]. Nous n'avons malheureusement pas encore la division de ces bois immenses. Aucun indice n'a pu nous donner l'étendue et le plan de la forêt du Vésinet sous Guillaume de Montmorency.

L'administration royale, avec ses réformes, a dû certainement donner ses soins à la forêt du Vésinet ; les routes ont dû recevoir un certain accroissement et les bois être taillés.
Louis XI, tourmenté et superstitieux en face de la mort, eut un de ces mouvements de générosité qui ne coûtent guère, d'autant qu'ils sont plus calculés. Son seul espoir, c'est Jacques Coithier, son médecin [4]. Il ne croit plus vivre que par lui et, dans l'espoir de vivre encore, il le comble de biens, de richesses, et lui donne le château, les bois et forêts dépendant de Saint-Germain en 1482. Mais le Parlement, qui veille aux folies des rois, casse bientôt, à sa mort (1483), cette donation et ces domaines retournent à l'État.

Etienne de Vesc (~1445-1501) — Guillaume de Montmorency (1453-1531)

Le domaine de La Borde et les premières chaumières du Vésinet

La tranquillité et la paix relatives dont jouit la France font développer les domaines et l'on voit avant 1489 apparaître une nouvelle Seigneurie sur les terres dépendant de la forêt du Vésinet. C'est la terre de La Borde qui se crée à l'ouest de Montesson, sur les bords de la Seine. Le premier seigneur que l'on connaisse de cette, terre et qui la détient à cette époque, c'est Etienne de Vesc, président à la Cour des comptes et favori de Charles VIII. Cette seigneurie prend bien vite une grande importance, grâce à ses titulaires, qui tous sont les favoris du puissant Parlement ou lui sont attachés.
En 1489, Charles VIII autorise le seigneur de La Borde, qui a fait établir un bac en face de sa terre, à le reporter en amont du fleuve et à travers l'île des Carrières qui se trouve en face, afin d'éviter la violence du courant et pour la plus grande facilité du passage. C'est la nouvelle et dernière terre qui vient se former sur les confins du Vésinet [5] mais elle ne se développera pas comme ses congénères. Elle restera seigneurie jusqu'à sa disparition, sans pouvoir enfanter une commune, et vivra toujours dépendante de Montesson.

Après que, de toutes parts, les pays se sont formés aux alentours de la forêt du Vésinet sous des noms différents, la partie de terre qui dépend d'Aupec et qui alors, prend le nom générique de Le Vésinet, paraît vouloir aussi se transformer en commune. Mais ce n'est que sur la partie Est que baigne la Seine, en face d'Aupec, que des tentatives d'agglomération se font voir, et cette partie de territoire restera toujours dépendante d'Aupec, quoique prenant le nom de Vésinet, jusqu'au jour où le Vésinet se faisant commune, ce sol s'appellera Le Pecq.
En 1496, la terre du Vésinet, qui dépend d'Aupec, appartient au cardinal de Bordeaux, abbé et titulaire de Saint-Wandrille. Quelques maisons de cultivateurs, couvertes de chaume et entourées de terres incultes, se font voir sur ce sol encore vierge. Sous les princes qui se succèdent rapidement pendant un siècle, on n'a que quelques notes sur les divers seigneuries qui environnent la forêt du Vésinet. En 1501, Charles de Vesc détient La Borde. Etienne Petit est à Croissy en 1511. De nouveau à La Borde, Jean de Vesc en 1516 et Fleury de Vesc en 1548, le dernier du nom.

A cette époque de Henri II, le prince de Clermont-Tonnerre (le père de la fameuse Diane de Poitiers) est chef de la capitainerie de Saint-Germain et des bois qui en dépendent. La Borde, qui est passée aux mains du baron d'Agoult, est occupée en 1560 par le conseiller Truchon.
Les finances qui se trouvent, sous Charles IX, dans un état des plus déplorables par suite des dilapidations de ses frères et des guerres de religion, font que ce prince impose au clergé de lui prêter, durant six années, la somme de 1.600.000 francs, pour racheter une partie des domaines de la couronne engagés par la détresse des finances.
En 1570, le sire de la Colombière détient la terre de La Borde. Dans les dernières années du règne de Charles IX, on voit dans l'île dite de la Loge, qui est au sud du bois du Vésinet, une grande maison de campagne, plutôt ferme que château, entourée d'une jolie plaine verdoyante et cultivée. C'est là un buen retira du triste Charles IX, qui y voit la petite bourgeoise Marie Touchet, dame de Belleville, qui lui donne un bâtard, Charles de Valois, duc d'Angoulême, en 1573. Mais « mort le roi, morte la maîtresse » et la maisonnette reste isolée et déserte.

En 1577, le seigneur de Chatou est Thomas Le Pileur, conseiller au Parlement. Ce sire se rend acquéreur de tous les biens que possèdent sur cette terre les religieuses de l'abbaye de Malnoue. Enfin, en 1582, Louis Dodieu, seigneur de Vély, qui a échangé sa terre contre celle de La Borde, obtient de Henri III que sa nouvelle seigneurie soit appelée Vély ou Vailly-La-Borde, en souvenir de ses ancêtres, et que « défense soit faite à quiconque, sous peine d'amende, de la dénommer autrement. »
Charmante liberté !

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    Notes

    [1] Historiquement, on désigne par « commune » une agglomération administrée par ses citoyens (indépendante du seigneur féodal). La commune française d'aujourd'hui est l'héritière de la paroisse de l'Ancien Régime.

    [2] Grâce aux nombreux procès entre les habitants de Chatou et Montesson et leur seigneurs Soutain et Pierre Mauclerc au sujet de péages et d'ouvertures de nouvelles garennes, 1310-1330, on en sait un peu plus sur la séparation de Montesson à la fin du XIVe siècle.

    [3] L'ancienne lieue de Paris (avant 1674) valait 10  000 pieds soit 3,248 km. Cinquante lieues carrées représentent un peu plus de 500 km².

    [4] Jacques Coitier (~1430-1506) fut premier médecin de Louis XI et aussi président de la Chambre des comptes. Son nom a été diversement orthographié, le plus souvent Coictier, mais aussi Coittier, Cotier, Coytier ou Coctier et ici Coithier.

    [5] On peut considérer que jusqu'au XVIIIe siècle, on situe « au Vésinet » tout ce qui relève du Pecq et se trouve sur la rive droite de la Seine.


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