D'après Paul Bernard dans Le Ménestrel, 13 janvier 1867.

Nécrologie : Galoppe d'Onquaire

Si l'année 1866 a largement fauché dans les rangs des artistes et des hommes de lettres, voici l'année 1867 qui commence à son tour, sa triste moisson parmi nous. Galoppe d'Onquaire, l'auteur de la Femme de quarante ans, vient d'être enlevé, âgé seulement de soixante-deux ans, à sa famille et aux nombreux amis que les rares qualités de son cœur lui avaient créés.

Fils d'une excellente famille de Picardie, doué d'ailleurs d'un physique des plus avantageux, ses premiers goûts le portèrent vers la carrière militaire, et il fut l'un des plus brillants élèves de l'école de Saumur. Mais d'excellentes études, ainsi qu'une aptitude très marquée pour la littérature et un mariage selon ses vœux, le ramenèrent bientôt vers la vie civile où son nom ne tarda pas à se faire remarquer parmi les journalistes et les gens de lettres. Sa plume élégante, spirituelle et vive, fut l'une des plus vaillantes du journal Le Corsaire. Il devint donc l'un des premiers soldats de cette brillante cohorte appelée la Chronique, dans laquelle l'esprit français tient une si large part et dont le Figaro restera principale arène. Pendant longtemps ses articles, où la fantasia équestre de ses jeunes années se retrouvait parfois, tinrent en éveil, dans une quantité de feuilles littéraires, le goût public qui s'était attaché à son nom. Pétillant d'esprit, original et toujours de bonne compagnie, on peut le citer comme le type du journaliste gentilhomme.
Cependant une facilité extrême pour la poésie devait l'entraîner vers des régions plus élevées. Le théâtre lui ouvrit ses portes, et après plusieurs essais de bon aloi, il remporta sur notre première scène littéraire, l'une de ces victoires éclatantes qui suffisent à fonder une réputation. — La Femme de quarante ans est une de ces pièces-types moulées de main de maître.

Caricature de Cléon Galoppe d'Onquaire par Eugène Giraud (1806-1881)

La musique doit aussi porter le deuil de l'ami que nous venons de perdre, et le Ménestrel plus particulièrement, car il fut l'un de ses rédacteurs et l'auteur de paroles d'une foule de romances devenues populaires. La poésie lyrique avait beaucoup d'attraits pour Galoppe d'Onquaire. C'est ainsi qu'au milieu de ses ouvrages plus sérieux, il produisit une foule d'opéras de salon, et c'est ce qui procura à celui qui signe ces quelques lignes de souvenir, le bonheur de collaborer avec lui.

Galoppe-d'Onquaire fut aussi un personnage officiel. Attaché à l'administration des musées impériaux, il resta longtemps l'un des familiers du Louvre. La Peinture, comme la Musique, peut donc pleurer sa perte, puisque là, comme partout, il fut bon, serviable, dévoué jusqu'à l'abnégation. Après avoir écrit une assez grande quantité de pièces pour plusieurs théâtres, il se retira du cercle militant et consacra ses dernières années à la vie de famille. C'est là que nous l'avons connu, toujours aimable, et l'un des plus charmants causeurs qui se puissent rencontrer. Il fit encore paraître récemment une série de volumes sous les titres du Diable boiteux à Paris, en province, au château et à la campagne, qui, par leur tour satirique, montrèrent un nouvel aspect de cet esprit riche et multiple.
On le voit, cet homme aimable, cet écrivain délicat, ce poète, cet observateur, cet artiste doit laisser un grand vide au milieu de ceux qui ont suivi ses travaux, et surtout de ceux qui l'ont connu et aimé.


Société d'Histoire du Vésinet, 2020 • www.histoire-vesinet.org