Le Vésinet,
revue municipale, n°80, septembre 1987 - Notes et compléments SHV.
Une Gendarmerie très attendue
Quatre ans après la création du Vésinet,
le conseil municipal, le 7 novembre 1879, émit le vœu de voir créer une
brigade de gendarmerie. Comme argument, le conseil avançait que la brigade
de Chatou n'était pas suffisante pour toutes les communes de la Boucle
où, Le Vésinet, de par sa position centrale, était toute désignée pour
accueillir ce casernement. Les 16 août 1881 et 30 mai 1883, la municipalité
renouvela sa demande. En 1882, elle décida d'affecter le terrain qu'elle
venait d'acheter en bordure du boulevard Carnot à la future gendarmerie.
Enfin, le 21 juin 1883, le maire fit part d'une réponse favorable du préfet
si la Ville pouvait fournir un casernement. Des plans furent présentés
et les travaux chiffrés à 41.000 frs.
Puis l'attente recommença. Le 10 juin 1884, devant les difficultés rencontrées,
un conseiller se proposa d'effectuer des démarches "très actives"
pour faire avancer le dossier. Mais le 4 novembre 1885, le maire précisa,
devant le conseil municipal, qu'il avait fait "tout ce qui était
possible en fait de démarches et réclamations" mais que ses efforts
n'avaient pas abouti.
Un
officier de gendarmerie en 1895
L'année suivante, le 28 mai, l'assemblée
municipale constitua une commission chargée de mener les démarches nécessaires
auprès du ministère de la Guerre. En août, une lettre du ministère annonça
que la demande avait été acceptée et que la commune aurait "satisfaction
dès que son rang et les ressources budgétaires le permettraient".
Mais il fallut attendre deux ans pour que le dossier resurgisse [1].
Le 29 août
1888, par une énième délibération, Le Vésinet réclama la création d'une
brigade de gendarmerie. Le 12 novembre, le maire fit le point sur l'état
d'avancement du dossier. Il était proposé de prendre contact avec Frédéric
Passy, député et conseiller général du canton, pour qu'il intervînt auprès
du Parlement afin que les crédits nécessaires à la création de la gendarmerie
fussent votés. En vain, car en 1889, Passy prévenait la commune que les
crédits n'avaient pas été inscrits. Le conseil général vint à la rescousse
en prenant position pour cette création les ler mai 1889 et 17 avril 1890,
Le conseil municipal ne fut pas en reste qui revint à la charge le 20
novembre 1891.
En décembre, le maire informa le conseil qu'un projet de réorganisation
de la gendarmerie en Seine-et-Oise devait amener la création de nouvelles
brigades. La question faisait l'objet d'articles dans la presse locale, exprimant des avis contradictoires :
... Le Vésinet serait classé premier pour une brigade à cheval. Je vous dirai qu'au point de vue de la police locale, je ne suis pas grand partisan de la gendarmerie. Les gendarmes, en effet, ont à surveiller quatre ou cinq communes. Les gendarmes de Chatou vont à Croissy, au Vésinet, à Montesson. Ils conduisent à Versailles les prisonniers faits sur toutes ces communes. Ils sont chargés de tout ce qui concerne le recrutement, servent d'estafettes lors des élections, sont, comme on dit vulgairement, employés à toutes les sauces. Il leur reste fort peu de temps pour s'occuper de la commune qui en a la charge par les frais de casernement, qu'elle paie la plupart du temps pour les avoir. Enfin les gendarmes ne sont pas placés sous la dépendance de l'autorité civile, ils dépendent exclusivement de l'autorité militaire et ne marchent que sur les ordres des chefs militaires.
Qu'arrive-t-il ? C'est que, suivant le brigadier qui les commande, les procès-verbaux pleuvent ou ne sont pas dressés contre les habitants, commerçants, débitants ou entrepreneurs de la localité. Il est dressé une statistique des procès-verbaux, et une lanterne non allumée, un tas de moellons non éclairé, un chien sans collier, un débit ouvert après l'heuse réglementaire, que sais-je encore, donnent matière à procès-verbal. Le garde-champêtre est plus paternel en général, il n'agit que d'après les ordres et instructions du maire et, à ce point de vue des contraventions de police municipale, son autorité ne se fait généralement sentir qu'à la deuxième ou troisième observation et aux incorrigibles récalcitrants. Il donne tout son temps aux intérêts de la commune et son action est bien plus efficace. Je causais en effet avec un ancien brigadier de gendarmerie de Chatou qui reconnaissait que ses hommes ne pouvaient rendre les services que rendent les gardes-champêtres dans les communes. Ils sont d'abord constamment dérangés par les services commandés par l'autorité militaire et leur tricorne comme leur uniforme se voit de trop loin.
Notez qu'il s'agit là de gendarmes à pied. S'il est question de gendarmes à cheval, les arguments sont encore bien plus frappants. Le service extérieur est bien plus important, l'étendue de territoire à surveiller bien plus considérable. Le gendarme à cheval s'aperçoit à un kilomètre de distance. Il ne peut abandonner ni sa monture, ni son grand sabre, ni ses bottes si lourdes, ni ses éperons sonores, pour courir après les malfaiteurs dans les propriétés et les bois. Pour donner une chasse en plaine bon, mais pour la police et la sécurité locale, il est absolument inutile et ne peut rendre aucun service.
Notons que son casernement coûtera plus cher que le casernement d'une brigade à pied. Je sais bien que la gendarmerie est une rengaine électorale. Tout le monde à l'air de la demander parce que personne n'a le courage de dire qu'elle serait, je ne dis pas inutile, mais trop coûteuse pour les services qu'elle rendrait à la commune en compensation de ce qu'elle coûterait. [2]
Le 4 août 1892, le maire annonça qu'il était sérieusement question de
transférer au Vésinet la brigade de Jouy-en-Josas. Enfin, un arrêté ministériel
du 12 avril 1893 officialisait ce transfert. La question n'était pas règlée pour autant ...
Qui aurait une brigade de gendarmerie, ou du Vésinet, ou de Jouy-en-Josas ? La compétition était vive, les intrigues ne l'étaient pas moins.
Jouy-en-Josas, doté déjà de gendarmes, mettait son point d'honneur à les garder le Vésinet mettait le sien à les lui enlever. Un moment, le Vésinet parut l'emporter ; la brig'ade reçut l'ordre de quitter Jouy-en-Josas pour le Vésinet. Ce triomphe ne dura guère devant les réclamations vigoureuses des habitants de la commune rivale. L'ordre fut suivi d'un contre-ordre. Une sage mesure vient de calmer ces humeurs belliqueuses. Jouy-en-Josas gardera définitivement sa brigade et une brig'ade formée d'éléments nouveaux sera créée pour le Vésinet.
Le 9 mai le conseil municipal
décida de louer un bâtiment à l'angle de la rue Thiers et de la rue de
I'Eglise (actuelle rue du Maréchal Foch) pour le logement de cinq gendarmes,
en attendant la construction des bâtiments définitifs. Mais, quelques
jours après, nouveau coup de théâtre ! A la séance du 3 juin, le maire
annonça que le transfert était ajourné. Peu après, le préfet avertit la
commune que, de source officieuse, l'installation était imminente.
Enfin, le 21 juillet, après quatorze années de démarches, cinq gendarmes
s'installèrent qui, au grand dam de la municipalité, furent réduits à
quatre l'année suivante. Mais le feuilleton gendarmerie était loin d'être
clos. Le conseil général refusa de prendre en charge une partie du loyer
des bâtiments comme il s'y était engagé. Devant cette attitude, la Ville
déféra cette délibération devant le conseil d'Etat. Le conseil général
fit alors machine arrière et accepta de remplir ses obligations. La Ville,
en conséquence, décida de retirer son pourvoi en juin 1895.
Chantier de construction de la gendarmerie (1894-1895) En arrière plan, le gymnase-salle des fêtes édifié en 1883.
Pendant ce temps, la gendarmerie se construisait sur la route de Chatou qui devint le boulevard Carnot le 1er août 1894, en hommage au président de la République, Sadi Carnot, assassiné au mois de juin précédent. Elle fut inaugurée le
17 novembre 1895, sous une pluie battante, en présence du préfet et du
député Maurice Berteaux.
La Gendarmerie vers 1910.
Restait la question du cinquième gendarme.
Après l'avoir demandé en 1896, 1909 et 1911, Le Vésinet finit par obtenir
gain de cause. Les années qui suivirent furent heureusement plus calmes.
[3]
Le bâtiment agrandi photographié en 1953.
Le bâtiment fut agrandi en 1952-1953 par l'adjonction d'une aile. L'agrandissement permettra
à la population vésigondine d'être dotée d'une caserne portée de quatre
à sept gendarmes sous l'autorité d'un adjudant, commandant de brigade. De nouvelles extensions seront bâties en 1976 avec la création de bureaux et en 1986-87 avec l'adjonction d'une autre aile symétrique après sa départementalisation [4].
Le bâtiment en 2000, peu avant sa désaffectation (2004).
Inscrit au patrimoine du département des Yvelines
Finalement désaffecté en 2004, le bâtiment a été réaménagé en logements pour le personnel du Département.
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Notes et Sources:
[1] En 1887, le projet de "transfèrement au Vésinet de la brigade de gendarmerie du Petit-Bicêtre" (Commune de Clamart) n'aboutit pas.
[2] L'avenir de St-Germain, 17 janvier 1892.
[3] Journal des débats politiques et littéraires, 3 juin 1893.
[4] Plus de 6 millions de francs furent consacrés par le département à cette extension.