M. Jean Laurent, ancien maire de notre commune, est décédé subitement mardi dernier, dans sa soixante-dix-huitième année ; il était né le 23 mai 1811.
Jean Laurent était entré dans la vie publique aux élections municipales du 6 janvier 1878, et n'avait pas tardé à être nommé par ses collègues adjoint au maire, en remplacement de M. Weiss, démissionnaire en août 1878.
Lorsque M. A. Pallu donna sa démission, en avril 1879, M. Laurent fut nommé maire du Vésinet et conserva ces fonctions jusqu'à la fin de l'année 1886, époque à laquelle il donna sa démission de maire et de conseiller municipal, et cessa, d'une façon absolument complète, de s’occuper des affaires municipales, et de prendre même part aux diverses élections qui eurent lieu à partir de janvier 1887.
Bien qu’entré à un âge fort avancé (68 ans), dans le mouvement des affaires publiques et de la politique active, M. Laurent se mit promptement au courant des affaires qu’il avait à diriger et géra avec le plus grand soin, la plus grande vigilance, et la plus sérieuse économie, les affaires de notre commune.
Entouré d'hommes qui avaient assisté à la création de la commune et qui avaient collaboré aux travaux préparatoires de sa constitution, il mit, avec leur concours assidu, tous ses soins à équilibrer le budget municipal et à faire face, avec les ressources provenant des 46 centimes additionnels jugés par les Commissions syndicales suffisants pour tous les besoins présents et futurs de la nouvelle commune, à toutes les dépenses ordinaires et extraordinaires de son administration.
C'est ainsi que, sans augmenter jamais les impôts [1], furent édifiés tous les bâtiments municipaux : Mairie, Écoles, Salle d'Asile, que fut acquis le terrain où est situé le Gymnase municipal, le Tir de la Société de Gymnastique l'Espérance, le bâtiment et le dépôt de la Voirie [2], que fut édifiée la Salle de Gymnastique, que fut considérablement agrandie l'École des Garçons, que des travaux de voirie considérables furent exécutés, et une grande partie des rues du villages bordée de trottoirs et de caniveaux.
M. Laurent appartenait à cette vieille école d'administrateurs scrupuleux et intègres qui tend de plus en plus à disparaître, qui estime qu'il faut vivre avec ce que l'on possède, prendre pour base de ses dépenses ce que l'on a en caisse et non dépenser sans compter, quitte à créer des ressources pour combler des déficits au moyen de centimes additionnels nouveaux.
C'est à M. Laurent que revient l’honneur d’avoir créé le bataillon scolaire du Vésinet, qu’il équipa et arma généreusement à ses frais. Sous des dehors un peu brusques, il cachait un fonds de bonté naturelle et de charité modeste. Membre et bienfaiteur de toutes les institutions charitables et de toutes les sociétés philanthropiques du Vésinet, M. Laurent a été accompagné à sa dernière demeure par de nombreuses délégations de toutes ces sociétés venues spontanément pour assister à ses funérailles et lui donner un dernier témoignage de gratitude et d’estime.
Jeudi dernier, à 2 heures, se trouvaient réunis au domicile mortuaire une grande quantité de parents, d’amis et d'anciens administrés de M. Laurent, les deux adjoints au maire du Vésinet, un grand nombre de conseillers municipaux, des délégations des écoles communales, de la Société de tir et de Gymnastique l'Espérance, de la subdivision des sapeurs-pompiers, de l'Union, société de secours mutuels des sapeurs-pompiers, de la Prévoyance, société de secours mutuels, de la Caisse des écoles et de l'Instruction publique, de la Loge maçonnique « Le Mont Sinaî » dont faisait partie le défunt. Toutes ces délégations avaient apporté de magnifiques couronnes.
De la maison mortuaire à l’église les cordons du char étaient tenus par MM. Dufresne, adjoint, Gaume président de l'Union du Commerce, Jean, vice-président de la société de Secours mutuels des sapeurs-pompiers, Bivort, président de la société la Prévoyance.
De l'église au cimetière, M. David remplaça M. Jean, et M. Gaume fut suppléé par M. Buret. Sur la tombe, en guise d'oraison funèbre, M. Cappe a lu une lettre de M. le maire du Vésinet, dont, par respect pour la mémoire de M. Laurent, nous ne dirons rien. M. A. Ledru a, comme toujours du reste, absolument manqué de tact ; il a voulu transformer en tribune politique une tombe ouverte, et a laissé tomber sur un cercueil le pavé qu'il avait l’intention de jeter plus loin à qui ne pouvaient lui répondre. Nous ne sommes plus à compter les impairs de M. A. Ledru ; passons.
M.Cappe, chargé de lire ce factum, s’en est parfaitement tiré et l’a débité de façon à le rendre incompréhensible pour la plupart des assistants. M. Cappe a fait là preuve d’esprit. Il est à regretter que son chef de file ne l'ai pas cru capable d’adresser lui-même les derniers adieux à M. Laurent et lui ait donné la désagréable mission de lire en public sa prose de fiel.
M. Bivort a fort heureusement couvert et fait oublier le discours municipal en adressant au nom de la société la Prévoyance les derniers adieux au membre honoraire de cette société; il a, en des termes excellents, exprimé des sentiments auxquels ont pu s'associer tous les assistants.
A cinq heures la cérémonie funèbre était terminée.
L'Avenir adresse, lui aussi, un dernier et suprême adieu à son collaborateur. Jean Laurent était des nôtres ; il faisait partie de la maison, son dévouement et son concours ne nous ont jamais fait défaut, et nous prions sa famille d'agréer l’expression de notre sympathie et des regrets qu'il laisse parmi nous tous.
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Notes et Sources:
[1] En gras dans le texte.
[2] Près de 32 ha achetés par la Ville du Vésinet sur la commune de Chatou.
Société d'Histoire du Vésinet,
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