Jean-Paul Debeaupuis, Société d'Initiatives et de Défense du Site, juin 2022.

Un parc zoologique au Vésinet

Dans les années 1970, les utilisateurs de cartes routières constataient qu'au Lac des Ibis, au Vésinet, on pouvait découvrir un « parc zoologique » ou même un « zoo ». Les exemples proposés ci-dessous ne sont que deux parmi d'autres. Cette dénomination a pu sembler bien excessive à ceux qui (comme moi) eurent l'occasion de visiter le lieu. On n'en possède que peu de photographies et de documents moins encore. Pas une ligne dans les ouvrages publiés depuis sur Le Vésinet. A peine quelques allusions indirectes dans les bulletins et revues municipaux. Il faut solliciter les collectionneurs, ressortir les vieux albums de famille pour retrouver quelques vues (peu explicites pour la plupart) pour tenter d'en retrouver le souvenir. Faisons donc ce petit travail de mémoire.


Carte IGN n°8 (4e édition) 1:100 000e (1977)

Collection privée.

 

Carte Michelin n°96 Environs de Paris (25e édition) 1:100 000e (1980).

Collection privée.

A quelle date fut-il installé ? Au milieu des années 60. Sans doute avant l'élection municipale de 1965. Les brèves allusions dans le premier Bulletin municipal (1965) en témoignent.
A quelle date fut-il démonté ? Au début des années 1980 au plus tard.
Que pouvait-on y découvrir ? Des canards, des poules et des lapins parfois de races dites « d'ornement » (comme il y en avait beaucoup dans les premières années du Vésinet). Un couple de faisans argentés et des variétés « angora » de cochons d'Inde et surtout, un couple d'Ibis qui constituaient peut-être l'élément le plus exotique sinon insolite de cette ménagerie. Une « martre-fouine », capturée disait-on dans une cave du Vésinet, y fut exhibée quelque temps et gagna la postérité en figurant dans un article du Bulletin municipal « spécial Noël » (décembre 1965) consacré ... aux cygnes et au canards !

Un faisan argenté dans la volière du parc zoologique (1965)

Cliché Pierson, Bulletin municipal. Numéro spécial Noël, 1965.

 

Une martre-fouine [sic] capturée dans une cave du Vésinet, en pension au parc zoologique (1965)

Bulletin municipal. Numéro spécial Noël, 1965.

 

Quelques canards rustiques et bien sûr ...des ibis.

Cliché PCCVE.

Situé à l'entrée de l'île des Ibis, de part et d'autre du chemin carrossable qui mène au restaurant, il comptait, sur une surface totale de moins de 500m², un alignement de volières, quelques pigeonniers, quelques cages pour les rares mammifères présentés. Certains témoignages mentionnent un renard, d'autres, un mainate (oiseau parleur)...
En 1969, le maire répondant à des questions de ses administrés donne cette précision :

    L'île des Ibis n'a jamais eu vocation d'être transformée en « Zoo » et c'est pourquoi nous avons été amenés à supprimer certaines cages et certains animaux pour ne conserver que des oiseaux. Aucun massif fleuri n'a été supprimé, bien au contraire puisque de nouveaux parterres de fleurs ont été créés devant l'Hostellerie des Ibis. le stationnement des véhicules ayant été reporté derrière l'établissement sur un nouveau et vaste parking créé par la Ville, l'esthétique du site s'en est trouvé incontestablement amélioré de façon sensible.

Carte postale laissant deviner, de part et d'autre de l'allée, les volières du parc zoologique.

Collection particulière.

 

Le parc zoologique en été (1970). Les badauds à l'assaut des volières.

Cliché PCCVE.

 

Sur cette photo souvenir d'une balade au Vésinet (printemps 1973)...
on devine, derrière les jets d'eau, l'enfilade des volières. (collection particulière)

 


Sur cette autre photo souvenir de la même balade au Vésinet (printemps 1973)...

on devine, en arrière plan, l'enfilade des volières. (collection particulière)

 

Les volières rénovées en 1973.

Bulletin municipal n°26, décembre 1973.

Au cours de l'hiver 1972-73, les deux volières des Ibis furent rénovées et dotées de toits neufs (en chaume) « dans un style s’harmonisant avec le paysage environnant ». Le kiosque sur l'image ci-dessus, contigu aux volières, existe encore aujourd'hui. Son toit de chaume a été restauré à nouveau avec comme épi de faîtage, les traditionnels pieds d'iris.
Pendant plusieurs années, tous ces animaux furent confiés aux bons soins d'un soigneur bénévole, retraité, monsieur Kéféli, qui leur consacrait toutes ses journées. Les graines, la paille et les autres fournitures, étaient à la charge de la Ville et l'entretien des volières relevait des services techniques. A l'indisponibilité pour raison de santé de M. Kéféli, a correspondu la fermeture progressive du « zoo ». Sa disparition est située, selon les témoignages, à la fin des années 1970.

Le parc zoologique en hiver (1977). La plupart des volières sont fermées.

Le banc de pierre, au premier plan, existe toujours.

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Du « parc zoologique » au « parc animalier »

A l'époque de ce parc zoologique, la notion de biodiversité n'était guère répandue, l'écologie faisait tout juste son entrée comme discipline scientifique à l'Université de Paris et les déclarations d'un ingénieur de la SLEE (Société qui possédait encore nos lacs et rivières et en assurait l'entretien) déclarations selon lesquelles « dans nos lacs et rivières, bien qu'artificiellement créés, toute une vie se développe, animale et végétale aussi » pouvait apparaître comme un scoop ! Cette vie semblait alors surtout source de problèmes de propreté. Combien d'habitants du Vésinet sont encore dans cet état d'esprit aujourd'hui ?

    Le curage des lacs est une opération difficile et onéreuse. Le meilleur moyen de lutter contre ces végétaux (les lentilles d'eau) est de lâcher sur les pièces d'eau des cygnes et des canards qui trouvent ainsi une nourriture à bon compte écrivait alors Charles Gourdet, maire adjoint en charge de la Jeunesse. [1]

    Le problème du contrôle de ces végétaux est un problème ancien qui s'est posé à maintes reprises et qui n'a pas encore trouvé de solution satisfaisante. Les herbicides, efficaces certes, ne manqueraient pas de tuer tous les arbres en bordure des berges. Les poissons et les têtards seraient, par la même occasion, envoyés de vie à trépas. Nos lacs seraient plus propres, mais nous aurions les pêcheurs sur le dos" écrivait encore M. Gourdet, preuve que le problème était encore mal posé.[2]

Si les cygnes ont fait très tôt leur apparition sur nos lacs, –les affiches du début du XXe siècle et des photographies ensuite en attestent,– les canards ont été répandus volontairement à partir des années 1960. Blancs et ordinaires d'abord, plus sophistiqués par la suite (Tadorne casarca, Colvert, canard Branchu ou Carolin, Mandarin, Fuligule morillon, canard de Barbarie, Coureur indien), ils sont devenus de plus en plus nombreux et leur présence de moins en moins contrôlée. Du reste, il est à peu près impossible d'obtenir des renseignements fiables des services municipaux. Entre les animaux introduits officiellement et régulièrement acquis sur les deniers publics, ceux "offerts" ou "déposés" par des initiatives individuelles aux motifs imprécis ou encore les animaux de passages appartenant à la faune naturelle ou aux espèces envahissantes ... la nature s'adapte, se débrouille ... faisant la joie des promeneurs et parfois le désespoir des riverains.

1960. Marc Ferlet, maire du Vésinet (1953-1965)

réceptionne les cygnes offerts au Vésinet

par la ville de Genève (Suisse)

On sait, par exemple, que durant un demi siècle tous les cygnes du Vésinet avaient pour ancêtres un couple de ces volatiles offert par la ville de Genève et arrivé en avion, via Orly, en 1960 [photo ci-contre]. A la faune officielle "baguée" s'est ajoutée et mêlée très vite la faune sauvage composée de cygnes, de canards et d'oies de diverses espèces qui passent chaque année, séjournent quelques jours ou quelques semaines et poursuivent leur périple. Malheureusement (comme dans tous les parcs urbains d'Europe occidentale) certaines espèces suralimentées s'installent à demeure, devenant problématiques pour l'équilibre écologique. Les oies bernaches (Branta canadensis) originaires du Canada en sont l'exemple extrême. Reconnues très tôt comme envahissantes, elles sont déclarées nuisibles et représentent un risque connu pour l'aviation civile. Apparues en 2008 sur nos lacs, elles s'y rassemblent par dizaines (plus de 200 sujets dénombrés à un temps donné) s'y reproduisent et pour certaines, ne migrent plus.
D'autres oies sauvages s'arrêtent de façon saisonnière et temporaire sur nos plans d'eau (Oie des Neiges ; Oie Cendrée ; Oie de Guinée). D'autres espèces, malgré les efforts de « généreux donateurs », ne parviennent pas à s'installer durablement même si elles font la joie des badauds (Cygnes noirs d'Australie, Coureurs indiens).
Depuis quelques années deux espèces de Râles se sont bien acclimatées tant sur les lacs très fréquentés que sur les portions plus discrètes de nos Petites Rivières : la Gallinule ou Poule d’eau (écusson frontal rouge) et la Foulque macroule (écusson frontal blanc). Elles nichent en bordure ou sur le plan d’eau et se nourrissent essentiellement de végétaux (pousses, graines et fruits de plantes aquatiques, palustres, herbes, mollusques, vers, pain). Leur progéniture constitue un complément alimentaire de choix pour les quelques hérons cendrés qui fréquentent désormais journellement notre réseau aquatique, et pour les corneilles qui n'ont jamais été aussi nombreuses.

Pour en savoir plus sur la faune de nos lacs et rivières, visitez les pages web de la SIDSV (Société d'Initiatives et de Défense du Site) qui s'intéresse à ces questions depuis longtemps.

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    Notes et sources :

    [1] Charles Gourdet (1921-2005) Conseiller municipal de 1965 à 1989, maire-adjoint de 1965 à 1971, en charge des sports et de la jeunesse, fut président de la MJC pendant 15 ans.

    [2] L'idée d'utiliser la faune aquatique (des canards blancs de la variété canard mignon) a été imputée à Jacques Crétin, alors secrétaire de mairie. La variété colvert n'a été introduite que plus tard.


Société d'Histoire du Vésinet, 2022 • www.histoire-vesinet.org