Extraits de Histoire critique de l'invention en architecture, par L. A. Boileau (Père), Vve Charles Dunod éd. Paris, 1886

Le Système des pendentifs à nervures de Louis Auguste Boileau

Dans un livre intitulé "Histoire critique de l'invention en architecture"
et sous titré "classification méthodique des oeuvres de l'art monumental au point de vue du progrès
et de son application à la composition de nouveaux types architectoniques dérivant de l'usage du fer",
Louis A. Boileau mentionne à plusieurs reprises l'Eglise Ste-Marguerite du Vésinet et les innovations dont elle à bénéficié.
Les principales citations et la Planche qui s'y rapporte sont reproduites ci-dessous
.

  • Chapitre XVI (p. 136):

[...] Quelques années après l'achèvement de l'église du Faubourg Poissonnière, il me fut permis de donner une certaine extension au système des ossatures métalliques, dans la construction de divers édifices destinés au culte.
Dans les deux premières églises nouvelles, entreprises en 1863, celle du Vésinet (Seine-et-Oise) et de Montluçon [1], et exécutées concurremment, j'ai pu non seulement faire apparaître des arcs en fonte, ajourés sous les voûtes, et des faisceaux de colonnettes également en fonte, mais encore appliquer une nouvelle forme de voûte, qui est motivée par les propriétés du métal composant l'ossature. Conformes au modèle économique dont j'avais fait l'essai en 1858, dans la construction en bois de l'église provisoire de Saint-Michel des Batignolles [2] ...
C'est à M. Pallu, fondateur du parc du Vésinet, et à M. Duchet, ancien maire de Montluçon, que revient l'honneur d'avoir adopté, les premiers, ce système particulier de construction.
L'église du Vésinet a été achevée en 1865 et celle de Montluçon en 1867. J'ai été appelé ensuite à appliquer à plusieurs autres constructions d'églises mon système d'ossature ferronnière, modifié de plusieurs manières, selon l'étendue de la construction et les limites des ressources pécuniaires. Ces églises sont celles de Juilly (Seine-et-Marne, 1869); des forges de Gua, commune d'Aubin (Aveyron, 1868), de Notre-Dame de France, Leicester-Square (Londres, 1868) et de l'Abergement-Clemencia (Ain, 1869) [3].

1. L'église de Montluçon a en plan, une superficie double de celle du Vésinet. Le système de construction est le même dans les deux édifices, si ce n'est qu'au Vésinet la maçonnerie des murs et de la tour est en pierre factice, sorte de pisé, dit béton aggloméré, composé de chaux, sable et ciment.

2. Comme l'église Saint-Eugène, celle des Batignolles a été achetée par la ville de Paris, qui y a fait des agrandissements.

3. L'établissement important de la Pharmacie centrale de France, à Paris, rue de Jouy, que j'ai construit en 1860, contient une halle à plusieurs étages exécutés en fonte de fer. Voir les Nouvelles Annales de la construction, par Oppermann.

  • Chapitre XIX (p. 142):

[...] L'apparition de la structure ferronnière à l'église Saint-Eugène, avait causé un véritable émoi dans le camp des constructeurs habitués à employer la pierre. Cependant un fait bien significatif prouve combien cette innovation était conforme au degré d'avancement des idées; c'est que cinq ans à peine s'étaient écoulés lorsque l'édilité parisienne se résignait à emprunter les ressources de la ferronnerie, pour soutenir ses prétentions à la nouveauté, dans l'érection des deux monuments qui devaient illustrer au plus haut degré le nouveau Paris, à savoir les églises de Saint-Augustin et de la Trinité. [...]
Quelques membres du conseil s'étant renseignés au dehors, appelèrent l'attention du préfet sur des projets et des constructions d'églises économiques, qui s'étaient produits depuis un certain temps et que leurs auteurs avaient signalés à l'attention de l'administration. Sur leur demande, M. le préfet Haussmann, admit Viollet-le-Duc et moi à présenter, chacun de notre côté, un projet applicable à une des églises à construire dans l'ancienne banlieue.
Les plans et devis détaillés des deux projets étant déposés [1] le préfet, désireux de s'éclairer, nomma le 21 août 1866 une commission administrative, "à l'effet de rechercher les moyens de construire les églises avec économie." Cette commission, composée de sept membres pris dans le conseil municipal, choisit pour rapporteur Duban, le seul architecte qui en fit partie. Il va sans dire que les chefs du service d'architecture de la ville n'étaient pas flattés de voir recourir à une enquête qui paraissait leur infliger une sorte de blâme, et qui pouvait donner accès à des profanes dans le sanctuaire de l'édilité parisienne. Admis dans le sein de la commission pour fournir des éléments de comparaison, les gens de la maison devinrent naturellement les détracteurs des projets de ceux qu'ils regardaient comme des intrus. L'art de grouper les chiffres fut utilisée pour obscurcir la question économique et non pour l'éclaircir. Le rapport en date du 5 avril 1867, rédigé sous l'influence de l'esprit de camaraderie, ne répond guère au désir de s'éclairer exprimé par le préfet de la Seine. Ce rapport, qui a été imprimé, suggère de nombreuses réflexions. Je me bornerai, pour le moment, à donner une idée de la partialité qui en a dicté les conclusions, en citant les lignes suivantes: "...Ainsi, par exemple, on a pu remarquer le prix minime auquel revient l'église du Vésinet. Devra-t-on en inférer que ce prix, appliqué proportionnellement à d'autres surfaces et dans d'autres conditions de lieux et de besoin, puisse résoudre la question? Ce raisonnement, on le comprend, n'aurait rien de sérieux, et cependant ce prix de 250 francs par mètre pour un édifice de cette apparence et de cet ordre, situé dans un village, dépasse peut-être, toute proportion gardée, la valeur du plus important des édifices que nous venons d'examiner."
Or, les prix de revient du mètre carré des édifices de Paris examinés par la commission (il ne s'agit, pas d'églises comme Sainte-Clotilde, Saint-Augustin ou la Trinité, mais des plus modestes), sont cotés plus haut dans le rapport, à 519, 644 et 690 francs, et le même rapport avoue que l'église du Vésinet, a été exécutée avec l'application des prix de travaux de Paris. Que croit-on donc prouver en insinuant qu'elle est située dans un village ?
Quant à cette autre insinuation concernant l'application de mon système à d'autres surfaces et dans d'autres conditions de lieux, le fer se prêtant à franchir économiquement de grandes portées, j'aurais beau jeu, si je voulais condescendre à argumenter avec autant de légèreté, car sans parler de la différence du prix de la maçonnerie dans certaines provinces, je citerai l'église de Montluçon, Allier [2] d'une surface double de celle du Vésinet, coûtant 160 francs le mètre, et celle du Gua (Aveyron) coûtant 100 francs le mètre.
Avec le parti pris de soutenir que les systèmes économiques proposés étaient aussi dispendieux que ceux mis à exécution jusque-là, les chiffres de mon devis ont été mis en suspicion et taxés d'être trop faibles par des réviseurs dépendant du service d'architecture, juge et partie [3].

1. Viollet-le-Duc satisfaisait aux conditions d'économie imposées en réduisant d'une manière notable le cube des maçonneries au moyen d'une combinaison rationnelle des matériaux. De mon côté, je me conformais à ces conditions en donnant de l'extension à l'emploi de la fonte et du fer. D'après les intentions de l'administration, l'un des projets n'était nullement exclusif de l'autre, dans le cas où ils pourraient être mis à exécution.

2.- On faisait la réception provisoire de cette construction à la date du rapport, et le chiffre de la dépense était communiqué à la commission.

3. On trouverait difficilement, dans les cartons de l'administration, un travail aussi .complet et aussi sur que ce volumineux devis, qui a été dressé avec le concours des spécialistes les plus compétents.

  • Système des pendentifs à nervures (p. 158)

Dans l'invention de ce système on s'est proposé de profiter des propriétés de l'ossature ferronnière pour améliorer la composition des nefs voûtées, en supprimant une partie des points d'appui usités et la superfétation dispendieuse des combles enfermant un grand vide inutilisé [1].
Conformément à ce programme, pour utiliser les grandes portées auxquelles les arcs métalliques se prêtent, on les a lancés, en quatre sens, sur les côtés d'un carré ayant l'étendue de la largeur de cette nef, fixée à 12 mètres, ce qui donne cet écartement aux points d'appui; puis au moyen d'un réseau d'arcs-nervures que les plans expliquent, on a renforcé les pendentifs partant des points d'appui, par des nervures diagonales qui supportent à leur extrémité un voûtain en arc de cloître ; disposition qui facilite l'emboîtement de la couverture dont les surfaces planes ou courbes sont, pour ainsi dire, tangentes au point le plus élevé de l'extrados des voûtes, y compris la distance réservée à la couche d'air confiné.
Les conditions d'économie étant ainsi remplies, on s'est appliqué à donner satisfaction à celles de la perspective esthétique en divisant ces grandes travées de la nef centrale en trois parties de voûtes dans les nefs latérales. Les arcades de ces voûtes secondaires, qui sont marquées par des colonnettes sur les murs de clôture, sont pendantes dans les vides de la nef principale ; innovation que la construction ferronnière permet seule de réaliser [...]
Il est facile de concevoir quels sont les avantages de la forme générale engendrée par ce système, sous le rapport des effets optiques; rien ne s'opposant à ce que la vue puisse saisir l'ensemble du vaisseau jusque dans ses profondeurs que le jeu des oppositions grandit à l'oeil.
Il est facile de concevoir quels sont les avantages de la forme générale engendrée par ce système, sous le rapport des effets optiques ; rien ne s'opposant à ce que la vue puisse saisir l'ensemble du vaisseau jusque dans ses profondeurs que le jeu des oppositions grandit à l'oeil. La forme qui résulte de l'invention du système des pendentifs à nervures étant décrite ci-dessus d'une manière générale, on se bornera à mentionner les variantes de ce système qui figurent dans les planches [...]

[1] A l'église Saint-Eugène, une modification apportée dans la forme ordinaire des voûtes de la grande nef a permis de supprimer le comble, en extradossant la couverture à une certaine distance des panneaux de voûtes qui enferment la couche d'air.

 

Vue perspective de deux travées de l'ossature ferronnière de l'église du Vésinet.
Planche VIII.

La disposition de cette ossature, ébauchée dans la construction de l'église provisoire en bois de Saint-Michel des Batignolles a été appliquée à la construction des églises du Vésinet (Seine-et-Oise), de Montluçon (Allier) et de Notre-Dame de France, à Londres.
Les clôtures pour murs et panneaux de voûtes n'étant que les remplissages de ce système d'ossature ferronnière qui suffit pour assurer la stabilité de l'édifice, peuvent s'exécuter avec n'importe quels matériaux de maçonnerie. Le béton Coignet, dont il a été parlé plus haut, a été admis à remplir cet office dans la construction de l'église du Vésinet.

 


Société d'Histoire du Vésinet, 2010- www.histoire-vesinet.org