Jean-Paul Debeaupuis, Société d'Histoire du Vésinet, janvier 2025

Jacques Main (1739-1818) géographe du Roy

Né à Cluny-Notre-Dame (actuelle commune de Cluny en Saône-et-Loire) où il fut baptisé le 7 novembre 1739, Jacques Main est issu d'un milieu modeste. Son père, François, fut tanneur, mégissier, chamoiseur puis marchand quinqualier [sic] à Cluny. Jacques Main, nanti du titre de Géomètre du roi, s'est fait connaître par quelques cartes remarquables qu'il dessina comme « premier arpenteur en la Maîtrise des Eaux et Forest de St Germain» entre 1780 et 1790. Sa principale réalisation fut un Atlas de la forêt de Saint Germain-en-Laye [1].
A propos de cet ouvrage, on a pu lire dans la Gazette de France du 13 avril 1783 :

    … Les Officiers de la Maîtrise particulière des Eaux & Forêts de Saint-Germain-en-Laye, ont eu, le 30 mars dernier [1783], l'honneur de présenter au Roi un nouveau Plan et Atlas de la forêt de Saint Germain-en-Laye, fait et dessiné par le sieur Main, Géographe et premier Arpenteur de cette Maîtrise. Sa Majesté a reçu cet Atlas avec bonté et en a témoigné sa satisfaction [2].

Le détail le plus exploité de son Atlas, maintes fois cité et reproduit, porte sur un propos du sieur Main rapporté à son commanditaire, le comte d'Artois, commentant les travaux de Louis XIII, et surtout de Louis XIV, qui agrandirent prodigieusement cette forêt, en firent une capitainerie qui comprenait « plus de cinquante lieues carrées ».

    … Aujourd'hui ce bois, où Votre Altesse peut prendre le plaisir de la chasse à courre, se compose d'une surface de 8,700 arpents. M. Main, géographe, dit qu'elle est tellement coupée d'allées en tous sens, qu'elle a trois cent quatre-vingts lieues de routes. Il faudrait à Monseigneur vingt-deux jours pour la parcourir en tous sens sur le même cheval [3, 4].

On connaît très peu de documents attribués à ce géographe. Outre cet Atlas de St Germain en Laye (qui lui valent de figurer dans l'index général des bibliothèques publiques de France) et les plans de la forêt du Vésinet dont il sera question plus loin, on peut citer, en Forêt de Marly, l'arpentage du bois de la Faisanderie de Retz. Si le procès-verbal de cet arpentage est attribué à Dubus, un des deux plans qui se trouvent joints à ce procès-verbal, a été levé par Jacques Main en 1788.

Plans de la forêt du Vésinet (1780 et 1783) faits par Main

Plan(s) de la forest du Vezinet fait(s) en l'année 1780 (1783)

par Main, premier arpenteur en la Maîtrise des Eaux et Forest de St Germain

(reproductions offset des dessins originaux).

Le premier plan daté de 1780 fut surtout recherché pour son caractère esthétique. Il avait pourtant comme première raison d'être la représentation des travaux mis en chantier après l'Arrest du conseil d'Etat au Roy du 25 octobre 1780 suivant lequel les parties de bois (lavées en jaune sur le plan) ont été recépées.
On remarque aussi les six marres creusées sur l'ordre de Louis XVI en 1777 « afin que le fauve puisse facilement s'abreuver » représentées pour la première fois avec leurs noms : Trou Chapeau, du Ponceau, à la biche, du Potager Neuf, de Montesson, de Croissy. On y situe précisément les 32 bornes (numérotées) entourant la forêt royale, résultant des arrêts du 5 avril 1751 et du 6 février 1753 [5]. Enfin, sur l'importante portion de forêt « défrichée en l'année 1779 » la ferme du Vésinet n'est pas représentée.
Le second plan, daté de 1783, s'il reprend fidèlement le relevé du premier dont il conserve tous les détails (mares, remises, chemins, coulées, bornage) est accompagné et même surchargé de légendes explicatives, conférant au document un caractère moins esthétique et plus didactique. Il reprend et détaille les conséquences des arrêts du Conseil du 28 avril 1779 et du 25 octobre 1780 (défrichements), puis il y ajoute celles de l'arrêt du 31 octobre 1782 autorisant l'édification d'une Faisanderie et de la Ferme du Vézinet, à la demande du Comte d'Artois (futur Charles X). Cette fois, la Ferme du Vésinet (chère à la comtesse d'Artois) est représentée en détail.

Plan de la forest du Vezinet fait en l'année 1783

par Main, premier arpenteur en la Maîtrise des Eaux et Forest de St Germain.

taille originale : 45,5 x 45,5 cm [6]

On ne connaissait pas au « sieur Main » d'autres fonctions que celles qu'il exerça à St Germain-en-Laye comme premier arpenteur de la Maitrise des Eaux et Forets.. Si l'on en croit son acte de décès, il aurait obtenu plus tard une charge de Receveur. Resté célibataire, il est mort le 7 février 1818, âgé de 78 ans, dans sa maison de la rue de la Verrerie (n°6), actuelle rue Saint-Louis, à Saint Germain, qu'il partageait avec sa sœur cadette Jeanne Marie (veuve Landié), laquelle lui survécut dans cette maison jusqu'à l'âge avancé de 91 ans (1842).

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    Notes et sources:

    [1] Arch. des Cartes, 4.2.B.14. « Atlas contenant un plan général de la forêt de Saint-Germain-en-Laye et des plans particuliers de chaque triage qui composent ladite forêt, faits et dessinés par J. Main, géographe et premier arpenteur de la maîtrise particulière des Eaux et forêts de Saint-Germain-en-Laye, par ordre de Sa Majesté, en l'année 1783. » Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France: Bibliothèques de la guerre, 1911.

    [2] Gazette de France, 23 avril 1783.

    [3] Journal des chasseurs (Ed. Édouard Proux & Cie, Paris, 1840).

    [4] On peut rappeler que Louis XIV avait fait tracer dans ses chasses d'innombrables sentiers pour pouvoir chasser dans une sorte de chaise à roue, tirée ou poussée à mains d'homme, lorsque ses crises de goutte le faisaient souffrir. Journal du marquis de Dangeau (Firmin Didot et frères, Paris) à la date du 16 janvier 1687.

    [5] Le bornage proprement dit avait été effectué entre 1751 et 1753, sur les relevées de l'arpenteur Mathis et le contrôle de M. de Vendières, directeur et ordonnateur général des bâtiments, jardins, arts et manufactures du Roy. L'opération était close et validée le 25 mai 1754. Pour mémoire, Axel François de Vendières (1727-1781), futur marquis de Marigny, était né Axel François Poisson (frère de Mme de Pompadour).

    [6] En 2025, la Société d'Histoire a offert à la Ville un tirage agrandi (144 x 144 cm) pour le hall de la Mairie.

 


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