Echos du passé, La troisième merveille de la région parisienne Patrick Vazeilles
Dès sa création, le parc du Vésinet fut l'objet de l'attention de ses contemporains quant à son développement et son avenir. Quelques mois après les premières adjudications de terrains, et alors que les premières maisons de la colonie du Vésinet s'élevaient, Emile Bourdelin, dans un article paru dans le Monde illustré du 11 juin 1859, relatait sa promenade au Vésinet.
La Compagnie propriétaire du Vésinet, remarquant la faveur accordée par le public à ces grandes innovations, a voulu faire de sa propriété la troisième, merveille des environs de Paris. [les deux premières étant les aménagements des bois de Boulogne et de Vincennes]. Aujourd'hui un parc a été tracé. On a creusé des lacs et des rivières. Mille ruisseaux d'eau vive forment les méandres les plus capricieux, et la végétation, puisant dans cette bienfaisante fraîcheur une nouvelle vie, semble renaître. Des ponts de différents aspects dessinent à chaque pas leur silhouette pittoresque. De longues avenues laissent apercevoir de merveilleuses perspectives, et des trouées, habilement ménagées dans les massifs, permettent aux promeneurs d'admirer le pays environnant dans ses plus attrayants points de vue.
Emile Bourdelin concluait:
"Le parc du Vésinet a donc de plus que ses rivaux de Boulogne et de Vincennes, une situation hors ligne au centre du plus splendide panorama. Un autre avantage qu'il sur ces bois appartenant à la ville de PARIS, c'est qu'au bord de ses lacs et de ses rivières vont successivement s'élever les plus gracieuses villas, les plus coquettes maisons de campagne".
L'avenir s'annonçait donc sous les meilleurs auspices. En 1883, Arthur Mangin, dans son ouvrage intitulé Histoire des jardins chez tous les peuples depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours", donnait raison à Bourdelin. Pour cet auteur, les créateurs du parc avaient transformé en réalité le rêve de la vie à la campagne que caresse tout habitant des grandes villes.
Unanimité sur Le Vésinet? Non, car, trois ans plus tard, paraissait le livre de Louis Barron, Les environs de Paris. Quel visage offrait la nouvelle commune selon lui?
... Le Vésinet, groupé sur l'emplacement d'un bois incomplètement défriché, plein encore de terrains vagues, de futaies morcelées, troué de places et sillonné d'avenues toutes neuves, a bien l'incohérent aspect d'une colonie [...]. L'avenue Princesse (sic), bordée tout le long de villas opulentes, traverse dans sa plus grande largeur le parc du Vésinet, plate agglomération de villas, dénuées de fantaisie, rangées le long d'avenues caillouteuses et sans ombre, d'une monotonie pénible. On l'a vainement agrémenté de rivières sinueuses et de lacs qui ne parviennent pas à rafraîchir l'atmosphère, ne désaltèrent même pas les arbres, de ponts rustiques qui ne servent à personne, ni à rien, d'îles boisées, de rochers ridicules, de toutes sortes de joujoux plus ou moins ingénieux. Partout la nature rebelle a déçu l'espoir et les apports des ingénieurs de ce parc ennuyeux et morne...
La charge est rude; seul le Grand Lac trouvait quelque grâce à ses yeux, bien que les promeneurs "recherchassent un abri contre les coups de soleil que les arbres maigres et rares leur refusaient impitoyablement". Cependant, ce lieu qui semblait si hostile avait su conquérir Bizet, Fauré, tandis qu'Emile Augier, qui demeurait à Croissy, emmenait régulièrement ses amis Labiche, Sainte-Beuve, Mérimée et Théophile Gautier le long des allées ombragées du parc du Vésinet.