Développement
de Chatou et de Croissy,
et apparition de Montesson
Tous les rois capétiens ont habité Saint-Germain qu'ils
ont construit et successivement agrandi, après avoir quitté
le logis royal d'Aupec. Là, ils se sont retranchés contre
les révoltes incessantes de leurs vassaux et les attaques des
rois voisins.
Les seigneurs qui, pour un temps, sont les obéissants vassaux
de leurs rois, viennent dans la vallée, au pied du château
royal, élever des castels féodaux, et l'on voit s'élever
tout autour de la forêt du Vésinet des seigneuries qui
la taillent et l'accaparent comme le maître fait de la forêt
de Laye.
Les demeures seigneuriales et abbatiales deviennent bientôt si
importantes, qu'à côté s'élèvent et
se créent des agglomérations de peuples qui, devenant
assez puissantes, obtiennent quelques droits d'usages et de pâturages,
réclament des franchises et des droits qui permettent la première
installation des villages et la première formation des
communes sur le territoire de la forêt du Vésinet.
Puis bientôt se détachent de Croissy et de Chatou quelques
cultivateurs qui s'implantent à droite et à gauche, et
l'on voit surgir et apparaître un nouveau groupe sur l'éminence
placée au nord du bois du Vésinet et qu'on appelle le Mons Texonis, Montesson.
Voilà, au Xe siècle, la forêt enclavée et
bornée par des groupes qui, de simples villages, deviendront,
en se développant incessamment, de petites villes qui l'enserreront
toujours, jusqu'à ce que la forêt elle-même les imite
et se fasse ville.
Le plus vieux plan connu de la "Boucle
de Montesson" (XVIIe siècle)
C'est que, placés sur la route
de Saint-Germain à Paris, tous ces bourgs acquièrent bien
vite une prospérité réelle, qu'encouragent la création
des routes à travers la forêt et l'installation des ponts
et des bacs pour relier la presqu'île aux deux parties de territoires
qui portent les deux capitales.
Montesson, qui s'est formé à l'opposé de Chatou
et de Croissy, c'est-à-dire née de l'arrivée du
peuple sur son sol, tandis que les deux autres communes sont sorties
de l'installation des prieurés et des châteaux, Montesson
n'a pas encore de cure cent ans après sa fondation et n'est toujours
qu'une dépendance de Chatou.
Ces deux communes obtiennent, moyennant redevances, de faire paître
leurs troupeaux dans l'île, en face le Chatou et dans les bois
qui y sont contigus, dans les bois de la forêt du Vésinet,
droits et privilèges qu'ils auront pendant plus de six cents
ans, malgré les contestations et les réclamations des
seigneurs ou des habitants voisins.
La communauté des habitants de Chatou, qui voit Montesson se
détacher d'elle, veut conserver à elle seule le droit
de pacage de l'île. Les habitants de Montesson prétendent
conserver leur part de droits, comme ils la gardent sur les pacages
de la forêt du Vésinet, et les procès commencent
entre les deux communes en 1050, pour se continuer et se renouveler
jusqu'après 1789, c'est-à-dire pendant plus de sept cents
ans.
L'extension des villages situés sur la forêt du Vésinet
devient telle que la nécessité d'établir un bac
sur la Seine devient indispensable pour faciliter la communication entre
la presqu'île et les terres avoisinantes.
Un procès qui a lieu à cette époque entre les religieuses
de Malenoue et les habitants de Chatou, au sujet du péage, nous
apprend que c'est à cette communauté religieuse, de laquelle
dépend l'abbaye de Chatou, que le roi a concédé
le privilège du bac. Dix ans plus tard, en 1060, les religieuses,
dont l'esprit accapareur ne diffère en rien de celui des abbés,
se font confirmer par le roi Philippe Ier le produit du bac de Chatou.
Chatou et Montesson qui ne cessent de plaider obtiennent un arrêt
de la prévôté de Paris qui, en 1157, déclare
Chatou seul possesseur du droit de pacage dans l'île de Chatou,
probablement parce que Montesson, à cette époque, ne dépend
plus de cette commune, ayant alors une cure particulière. Les
abbés de Saint-Wandrille, toujours actifs autant que craintifs,
se font renouveler pour la troisième fois leur donation de la
terre d'Aupec. Et, par lettres de Louis-le-Jeune de 1177, confirmatives
de celles de 704 et de 845, le roi donne aux religieux:
In episcopalis
Parisiensis, Alpicum, et ecclesiam cum tota decima et Visiniolurn, et
Demonvalem et Dimidmm vicinas, ac aecimam Villiollis Cortis et in Marolio
census.
Le Vésinet ne peut échapper à la destinée
qui le lie à Aupec et à l'abbaye de Saint-Wandrille, qui
paraît tenir beaucoup à ce bois. Si, à la fin du
XIIe siècle, en 1182, on ne voit encore à Chatou qu'une
seigneurie abbatiale dépendant de Malenoue, on aperçoit,
dès 1206, une seigneurie civile à Croissy, dont le titulaire
est le sire Robert de Croissy.
En 1244, Bouchard III de Marly, est possesseur d'une partie des terres
de Croissy et du moulin de Malport, dont il fait don à l'abbaye
de Saint-Denis, qui parait devoir occuper une grande quantité
de ces terres. Car, en 1249, la même abbaye se rend maîtresse
d'une importante partie des biens appartenant au prieuré de Jardies
et située sur le territoire de Chatou.
Enfin, vers 1290 à 1295, apparaît à Chatou une seigneurie
civile, dont le titulaire, est le sire Guillaume Escuancal. Ainsi, durant
trois cents ans, c'est une installation successive de prieurés,
de seigneuries sur les territoires de Chatou et de Croissy, qui prennent,
se font donner ou achètent des morcellements de la forêt
du Vésinet et qu'ils exploitent, échangent ou vendent
à d'autres Abbayes et au plus offrant.
Si les communautés sont gorgées de biens, les seigneurs,
de leur côté, sentant leur puissance chaque jour attaquée
par le pouvoir royal, profitent de l'épuisement de ses ressources
financières pour accaparer le plus de terres possibles. Les communes,
qui se sont formées et déclarées affranchies, se
développent à côté des seigneuries et des
Abbayes et viennent bientôt prendre part à la vie publique.
Philippe le Bel, ruiné par les guerres et par une administration
plus coûteuse que bien organisée, est obligé de porter
la main sur les immunités des clercs et attaquer les privilèges
ecclésiastiques, tout en créant des maîtrises nouvelles.
Pour la première fois, en 1294, l'on voit apparaître celle
des Eaux et Forêts; et nous trouvons, à la même époque,
en 1305, le premier capitaine des châteaux, bois et forêts
de Saint-Germain, Robert de Meudon. Cette fonction, purement civile,
a l'entretien et la garde du château et des bois domaniaux qui
en dépendent.
La forêt du Vésinet, restée intacte dans sa partie
centrale, est rattachée comme bois de l'État, à
cette capitainerie. Par suite de cette situation, la forêt, ses
coupes, ses routes, ses pacages, seront tenus en tutelle royale jusqu'à
la Révolution. Et s'ils sont soumis, tout ce temps au bon plaisir
des rois, ils échapperont néanmoins à la cupidité
des voisins, communes, seigneurs ou abbés.
Une sentence du Châtelet de Paris, de 1310, et une autre de 1330,
indiquent, toujours au sujet des contestations pendantes entre Montesson
et Chatou que, pour les droits d'usage, de pacage et de pâturage
dans les bois du Vésinet, les habitants de Montesson devront
attendre que les taillis soient parvenus à leur quinte feuille avant d'y envoyer paître leurs bestiaux.
Les habitants des communes obtenaient des rois probablement en retour
de l'appui qu'elles leur prêtaient contre la noblesse, des privilèges
qui, gratuits d'abord, devinrent un jour soumis à de lourdes
redevances. Ces parties de bois de la forêt du Vésinet,
sur lesquelles les habitants de Montesson, Chatou, Croissy et autres
avaient droit de pacage, sont celles contiguës à ces communes
et qui occupaient les emplacements limités aujourd'hui entre
les routes de la Princesse, du boulevard de l'Est et les limites du
Vésinet, sur Chatou et Montesson.