Les habitants du Vésinet,
il y a cent mille ans [1]
Depuis la première révélation authentique
de silex taillés faite par Boucher de Perthes en 1832, à Thuisen, aux
portes d'Abbeville, les trouvailles ont été non pas seulement nombreuses,
mais pour ainsi dire innombrables.
Dans le bassin de la Seine seulement, elles sont considérables et prouvent
que nos régions ont été habitées par des races humaines primitives. Nous
avons reçu sur ce point un mémoire de M. Guégan [2] sur les recherches
qu'il a faites lui-même depuis 1872 dans le département de Seine-et-Oise.
Signalons, par exemple, Le Vésinet.
Tout le territoire de cette commune appartient à l'époque quaternaire,
le sol végétal est peu profond, et il est entièrement composé d'un limon
de couleur rouge ocreuse, sous lequel on trouve une couche de gravier
qui atteint quelquefois une assez grande puissance. On y a pratiqué de
nombreuses sablières, dans lesquelles on trouve les silex taillés associés
aux ossements des animaux dont les espèces ont disparu, tels que l'Elephas
primigenius, les Rhinoceros tichorhimis, le cerf, le cheval
et le grand bœuf.
L'homme a donc habité cette vallée avant le mouvement géologique qui
l'a transformée en un grand lac ou une petite mer dont les flots battaient
les collines de Saint-Germain, de Cormeilles et d'Orgemont. Puis le sol
s'étant asséché, il y est revenu [dix
mille ans avant notre ère]; c'est ce qu'attestent
les nombreuses haches polies qu'on a trouvées dans le sol superficiel
du Vésinet.
Planche
tirée de l'ouvrage "Le
Préhistorique, antiquité de l'homme", publié en
1883 et illustré par Adrien de Mortillet, fils de Gabriel.
Cette occupation s'est prolongée jusqu'à l'époque
gallo-romaine, car on y a aussi découvert, dans ces derniers temps,
une épée en fer et quelques objets en bronze.
Au pied de Saint-Germain, au Pecq, sur la rive gauche de la Seine, en
pratiquant une fouille en 1876 pour l'établissement d'une pompe à feu
[3], on a trouvé, à trois mètres de profondeur, une quantité considérable
de silex taillés, sur lesquels M. Guégan s'empressa d'attirer l'attention
de M. de Mortillet. Ces instruments primitifs de l'âge de pierre se trouvent
aujourd'hui au musée de Saint-Germain.
La couche de terre noire dans laquelle gisaient ces silex taillés était
recouverte par une épaisseur de limon boueux, d'alluvions de 2,10 m dans
laquelle existent beaucoup de coquilles fluviales. Ces primitifs instruments
de pierre, derniers témoins d'une humanité disparue, ont été trouvés également
dans les sablières de Bois-Colombes, dans les ballastières de Mantes,
dans les carrières de sable et de gravier de Sotteville près Rouen, dans
la vallée de l'Oise, dans la vallée de la Marne, notamment à Chelles,
dont le gisement, devenu célèbre, a été choisi par M. de Mortillet [4]
comme type de l'époque la plus ancienne de ces premiers instruments de
pierre. On les a retrouvés également en Normandie, en Bretagne, dans
le bassin de la Loire, dans la vallée de la Vienne, dans les bassins
de la Dordogne, de la Gironde et du Rhône, en un mot sur la surface entière
de la France, et cela par dizaines de milliers d'échantillons. Signalons
en particulier les récentes découvertes faites à Mondragon (Vaucluse)
par M. Perrin.
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Notes:
[1] Pour
paraphraser le titre du chapitre de C. Flamarion d'où est tiré ce
texte : "Les habitants de la France il y a cent mille
ans". La datation n'est pas à prendre "au pied
de la lettre".
[2] Guégan
de L'Isle, Paul - Recherches géologiques et préhistoriques aux
environs de Saint-Germain-en-Laye. Versailles, Etienne.
[3] Dans
le tome 12 (1880) de la Société des Sciences Morales, Lettres
et Arts de Seine-et-Oise, on peut lire qu’au mois de février
1876, des terrassiers occupés à pratiquer une fouille pour l'établissement
d’une pompe à feu, sur la rive gauche de la Seine, au Pecq, trouvèrent
un certain nombre de silex taillés et quantité de coquilles du Cyclostoma
elegans et du Helis nemoralis. Ils trouvèrent aussi
plusieurs lames et grattoirs qui "par leur forme spéciale
et leur degré de perfection, peuvent être comparés et assimilés à ceux
de l'époque des Cavernes".
[4] Mortillet,
Adrien (de) - Coup de poing Chelléen, Bulletin de la Société Préhistorique
Française, 1906, III:231.Le terme Chelléen, aujourd'hui
tombé en désuétude, désignait une industrie lithique ancienne
du Paléolithique inférieur d'Europe occidentale, antérieure à l'Acheuléen
et caractérisée par des bifaces grossiers et irréguliers. Elle
se termine il y a environ 300 000 ans, lorsque des changements
au niveau de l'outillage et de l'évolution humaine annoncent
le début du Paléolithique moyen.
Société d'Histoire du
Vésinet, 2008 - -vesinet.org