Mémoire [1] adressé à M. Le préfet de Seine-et-Oise et à Messieurs les membres du Conseil général et du Conseil d'arrondissement de Versailles (1874)

Résumé de la Question du Vésinet (1874)

Monsieur le Préfet,
Messieurs,

Après sept années d'attente, les Conseils électifs du département sont enfin appelés à exprimer un avis sur la demande formée en 1867 par le Vésinet, à l'effet d'être érigé en commune.
A cette dernière heure, nous ne rentrerons pas dans tous les développements d'un débat épuisé, et dont les éléments se trouvent dans la volumineuse instruction qui est sous les yeux du Conseil ; nous venons simplement, au nom de la population entière du Vésinet, dont nous sommes les mandataires élus, renouveler un vœu bien des fois exprimé, dont l'énergie s'est accrue avec le temps écoulé, et dont l'accomplissement intéresse plus que jamais l'équité, la bonne administration, la paix entre nos populations.

Principaux documents de l'Affaire du Vésinet

Le Précis (1872), l'Affaire (1872) et le résumé de la Question (1874)

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1. — Pourquoi demandons-nous à être érigés en commune?

Nous payons aujourd'hui, aux trois communes dont nous dépendons, 22,000 francs d'impôts, en retour desquels ces communes dépensent, environ 2,160 francs pour l'entretien de quelques portions d'anciens chemins, rien de plus. Cela est-il tolérable ?
22,000 francs, disons-nous, et nous le prouvons. En effet, en 1868, un document officiel, émané du contrôle des contributions directes, et qui est aux pièces, constatait que nous versions déjà à cette époque, dans les trois caisses communales, une somme d'impôts de 13,592 francs nette. — Or, il n'y avait alors au Vésinet que 435 maisons, dont 313 seulement étaient imposées, les autres étant encore à cette époque de construction récente. — Depuis lors, de nombreuses habitations se sont élevées et d'autres s'élèvent encore, et, en 1872, il y a deux ans, M. le Commissaire enquêteur constatait au rôle des contributions l'inscription de 554 maisons. Qu'on établisse la proportion, on trouvera que le montant de nos impôts communaux va être, au 1er janvier prochain, de 22,268 francs ; il s'était élevé déjà en 1872 à 19,008 francs. — Qu'on se renseigne à cet égard auprès de l'administration des contributions, si on le juge convenable ; nous ne demandons que la lumière.
Les communes, disons nous, ne font rien pour nous de ce que commande un pareil chiffre d'impôts. Veuillez entendre ce que dit à cet égard M. le Commissaire enquêteur Despeaux : L'impôt, dit-il, pour être légitimement perçu, doit profiter également à tous ceux qui le paient ; et les habitants du Vésinet ne profitent point d'une manière équitable des impôts qu'ils versent aux trois communes. Écoutez aussi le second Commissaire enquêteur, l'honorable M. de Magny : Je réclame tout d'abord pour le Vésinet, dit-il, 1° l'organisation d'une police spéciale indispensable au sein d'une population de plus de 1,400 habitants ; 2° la création d'un cimetière particulier ; 3° des écoles, un presbytère ; 4° l'éclairage des principales voies publiques … ; ce sont là, ajoute-t-il, des besoins légitimes auxquels il faut satisfaire en premier lieu.
Demandons aux communes elles-mêmes si elles ont fait pour nous ce qu'elles auraient dû faire. Écoutez l'ancien maire de Chatou, s'adressant à son Conseil municipal, le 22 mai 1872, à la veille du jour où l'affaire devait être portée pour la première fois au Conseil d'arrondissement : Il ne faut pas, disait-il, laisser arriver devant les juges la demande du Vésinet avec le prétexte, souvent formulé de sa part, que nous n'avons rien voulu faire pour lui… ; puis il présentait une série de propositions plus que tardives, assurément, demeurées au surplus sans aucun résultat, si ce n'est qu'elles sont restées dans les procès-verbaux du Conseil municipal de Chatou comme un aveu significatif de l'abandon où l'on nous a toujours laissés.
Et, en effet, parcourons rapidement la liste des principales dépenses communales, et voyons la part que les communes nous y ont faite.
Nous avons une église, construite de nos deniers, entretenue de même. Les communes ont-elles fait quelque chose pour elle? Rien. Et cependant, nous payons pour les trois églises des trois communes, ainsi que pour les presbytères.
Nous avons été obligés d'ouvrir des écoles et un asile ; nous les soutenons de nos souscriptions volontaires. Qu'ont fait et que font les communes? Rien. Il est vrai qu'un jour, M. le Maire de Chatou a bien voulu nous dire qu'on pourrait nous donner une école de hameau, mais à la condition que nous fournirions les locaux! Un autre jour, nous avons demandé au Conseil municipal de Chatou qu'il nous abandonnât, au moins à titre de subvention pour nos écoles, le montant du centime spécial que nous payons pour cet objet (soit environ 700 francs). A l'unanimité, on nous l'a refusé. Et cependant, nous payons pour les écoles et asiles des trois communes.
Pour la police du Vésinet, si nécessaire, que font les communes? Leurs gardes champêtres n'y viennent point, ne connaissent pas même les limites des trois sections, et cependant, nous payons pour le traitement de ces gardes champêtres.
Les trois communes éclairent au gaz leurs rues principales, leurs places, leurs promenades ; nous payons notre part de cette dépense. Cependant, elles n'ont jamais songé à éclairer, fût-ce par le plus modeste réverbère au moins, notre village du Vésinet qui contient pourtant 233 maisons et environ 900 habitants sédentaires.
Les communes s'arrosent pendant l'été ; nous payons encore pour cela ; mais il est soigneusement interdit au tonneau d'arrosage de franchir la limite qui sépare le Vésinet de nos communes maîtresses.
Payer pour ne point profiter, voilà le sort fait au Vésinet.
Les communes ont-elles nié le chiffre d'impôts payés par nous ? Ont-elles essayé d'établir au moins ce que leur a coûté, ce que leur coûte le Vésinet? Croissy et le Pecq n'ont jamais rien dit à ce sujet.
La commune de Chatou a seule publié un mémoire en 1872. Nous accusions à cette époque un chiffre d'impôts de 19,000 francs. Et bien, Chatou se bornait à répondre que ce chiffre n'était pas certain, qu'il lui était impossible d'en vérifier l'exactitude, que néanmoins elle l'admettait pour les besoins de la discussion.
Or, si elle admettait ce chiffre, c'est évidemment qu'il n'excédait pas la vérité : car la Mairie de Chatou avait tous les moyens de s'éclairer à cet égard ; elle avait qualité pour obtenir gratuitement de l'administration des contributions les éclaircissements que nous en avions obtenus nous-mêmes en 1868, mais dont nous avions dû faire les frais. D'ailleurs, si quelqu'un devait savoir ce que nous versions dans sa caisse, c'était bien elle, assurément.
Voilà pour le chiffre d'impôts. Pour ce qu'elle avait pu dépenser à notre profit, que disait-elle ? Le voici ; ce n'est pas long et c'est assez curieux : « Les limites de ce mémoire, écrivait-elle,  ne permettent pas d'aborder le détail des affaires dans lesquelles le bon vouloir des communes, à l'égard du Vésinet, a été paralysé par les résistances intéressées de la Compagnie Pallu [2], qui, systématiquement, s'opposait à toutes les améliorations projetées…; mais il y a plus, ajoute-t-elle, qu'on mette en regard les budgets des communes intéressées, le budget de l'année 1861 et celui de l'année 1872, et l'on aura la preuve des charges imposées aux communes par le Vésinet. La vérité, continue-t-elle encore, est que, dans la seule commune de  Chatou, on remarque une augmentation de 18,000 francs pour les dépenses suivantes : frais de mairie, frais de perception, traitement du tambour et des gardes champêtres, service des pompiers, enfants trouvés, malades dans les hospices, secours en nature aux indigents, entretien du cimetière, frais de sépulture des indigents, amortissement et intérêts des emprunts. » service télégraphique, et le mémoire ne craint pas de dire que le Vésinet prend une part très notable dans cet tentation de 18,000 francs. Or, Messieurs, nous avons sous les veux ce budget de Chaton de 1872 ; nous y avons additionné les dépenses relatives aux divers services qui viennent d'être indiqués ; cette addition donne 16,019 francs. — Nous demandons comment cette somme de 16,019 francs pourrait comprendre une augmentation de 18,000 francs en sus des dépenses faites en 1861 pour les mêmes services. — Nous demandons aussi comment le Vésinet aurait pu prendre une part notable dans cette prétendue augmentation : c'était bien le cas, assurément, d'entrer dans les détails… Nous voudrions savoir, par exemple, quel avantage notable nous avons recueilli de la plus grosse des diverses dépenses qu'on invoque contre nous, celle qui consiste en 8,072 francs pour intérêts et amortissements de certains emprunts contractés par Chatou, pour la construction de ses écoles et autres travaux publics, dépense à laquelle nous n'avons eu d'autre part que d'y contribuer de notre argent, mais sans aucune utilité pour nous, ni présente ni future.
Si le mémoire de Chatou avait bien voulu être plus complet sur ce point et s'occuper des autres dépenses portées à son budget de 1872, dépenses que, par son silence même, il reconnaît bien ne nous avoir profité en aucune manière, il aurait constaté que la commune avait dépensé pour ses chemins, rues, promenades, voirie urbaine, cantonniers : 13,653 francs ; pour le fonctionnement de ses écoles : 4,500 francs ; pour son éclairage : 1,300 francs, et d'autres services encore dans lesquels nous partageons les charges sans jamais partager les avantages. Et s'il avait dit toute sa pensée, il aurait peut-être avoué que ces augmentations considérables de dépenses dans ces dernières années s'expliquaient, non pas par les charges que le Vésinet faisait peser sur les communes, mais bien par l'empressement de celles-ci à se servir du riche contingent de nos impôts, jusqu'au jour où il nous serait donné de les employer nous-mêmes à la légitime satisfaction de nos besoins.

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2. Le Vésinet possède-t-il les éléments propres à former une commune ?

Nos adversaires ont cité une circulaire ministérielle de 1849 recommandant aux préfets de ne point favoriser, sans nécessité démontrée, la formation de petites communes ayant moins de 300 habitants, par exemple, et devant être une source de charges pour les départements ou pour l'État. — Est-ce bien à nous que ces recommandations si sages peuvent être opposées ?
Nous n'avons jamais rien coûté à qui que ce soit ; les trois communes le savent mieux que personne.
Le Vésinet sera-t-il donc une de ces petites communes visées par la circulaire ?
Nous avons, à l'heure qu'il est, 600 maisons. M. le Commissaire enquêteur, M. de Magny, en comptait déjà en 1872, il y a deux ans, 554 inscrites aux rôles des contributions.
Le recensement officiel de 1872, fait par les trois communes elles-mêmes, constate dans le Vésinet une population de 1,485 habitants sédentaires, sans compter la population flottante qu'on peut évaluer à 800 au moins, laquelle paie des impôts, contribue à la richesse et à l'importance de la localité, et porte le nombre total de nos habitants à 2.300 environ. Or, sur les 36,000 communes de France, 31.464 n'atteignent pas le chiffre de 1,500 habitants. [3, 4]
Nos adversaires ont dit, pour le besoin de leur cause, que notre population était sans fixité, sans attaches sérieuses au sol, dépourvue de l'élément ouvrier ou agricole qui doit être le fondement de toute commune viable. — D'abord notre population est celle de la plupart des communes des environs de Paris : nous avons dit et établi que le Vésinet a 694 propriétaires, dont 439 possédant des maisons, et 255 possédant des terrains. Voilà pour la fixité sur le sol. — Quant à la partie de la population qui vit de travail, d'industrie ou de commerce, est-il vrai qu'elle manque au Vésinet ? Mais à qui donc appartiennent les 200 enfants qui fréquentent nos écoles gratuites et notre asile ? Et qui donc payait, en 1868, 6,473 francs pour l'impôt des patentes, chiffre qui s'élève aujourd'hui à 10,000 francs au moins? Cette population qu'on a représentée comme sans intérêts et sans racines dans le pays, elle a aujourd'hui 475 électeurs inscrits sur les listes de l'électorat communal. Et enfin, comme nous l'avons déjà dit, elle paye aux trois communes dont elle dépend 22.000 francs d'impôts, et à l'Etat 54,000 francs.
Ce n'est pas tout ; ce Vésinet que nos communes déclarent indigne d'être élevé au rang de commune, l'Administration supérieure n'a pas dédaigné de lui donner un bureau de poste de plein exercice, une recette buraliste des contributions indirectes, deux bureaux de tabac, un marché hebdomadaire. D'accord avec l'Administration, l'autorité ecclésiastique a érigé son église en paroisse, étendant sa juridiction sur tout le territoire du Vésinet, témoignant ainsi et de son importance et de sa fixité, et reconnaissant ainsi d'avance ses droits à devenir commune.
Faut-il rappeler qu'une station de chemin de fer a été créée au centre même du Vésinet pour les besoins de sa nombreuse population, toujours croissante, et qu'il résulte de constatations officielles que le nombre des voyageurs descendant ou montant à cette station a été, l'année dernière, de 260,000.
Nous serions impropres à former une commune ! Mais qu'est-ce donc qu'une commune en définitive, si ce n'est tout simplement une agglomération d'habitants qui, par le nombre, l'étendue du territoire qu'elle occupe, la communauté de ses intérêts, l'importance de ses impôts, a besoin d'une administration qu'elle ne peut aller chercher au loin et qui ne s'exerce utilement que sur les lieux mêmes : c'est la rédaction des actes de l'état civil, c'est la police locale, c'est l'école, c'est l'église, c'est le cimetière, c'est le secours contre l'incendie, c'est l'éclairage, le bon entretien des chemins et des rues, en un mot, c'est l'ensemble des besoins et des organes communaux. Eh bien, le Vésinet a-t-il le droit de réclamer tout cela ? Et faut-il que ses habitants soient condamnés à franchir deux ou trois kilomètres et plus encore, pour aller demander ces services au mauvais vouloir ou à l'indifférence des communes ?

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3. — Le Vésinet, élevé au rang de commune, disposera-t-il des ressources pécuniaires suffisantes pour se constituer et pour vivre?

Nous serons brefs sur ce point, parce que nos commissions syndicales et nous-mêmes avons déjà traité avec ampleur cette question et que le Conseil peut, s'il le juge utile, se reporter aux documents versés dans l'instruction, et spécialement au budget estimatif dressé pour la future commune en supposant son érection accomplie au 1er janvier 1875. Ce budget est joint au dossier des enquêtes de 1873 comme annexe au rapport des commissions syndicales.
Nous nous bornons sur ce point à présenter ces courtes observations :
1° Nous payons actuellement aux trois communes 22,000 francs d'impôts. Or, ce n'est pas à des hommes aussi expérimentés que ceux à qui nous nous adressons qu'il est nécessaire de démontrer qu'une pareille recette annuelle doit suffire, et bien au-delà, à satisfaire aux besoins d'une commune comme celle dont nous sollicitons l'établissement, surtout si l'on considère, et nous ne saurions trop appeler l'attention sur ce point, que l'entretien des routes et avenues du Vésinet est assuré, en dehors du budget de la future commune, par l'obligation qui est imposée aux propriétaires dans leurs contrats, de pourvoir seuls à cet entretien au moyen du paiement annuel d'un centime par mètre. Cette clause de nos contrats est, en réalité, une fortune pour la commune, car on sait ce que coûte aux budgets communaux le service de la viabilité; c'est la plus lourde de leurs dépenses.
Il a plu à la municipalité de Chatou de nous supposer dans son mémoire l'ambition d'être une commune modèle, et elle nous a fait un budget de fantaisie montant à 28,000 francs. Ses évaluations à cet égard ne sont pas mieux justifiées que celles qu'elle a imaginées relativement aux charges qui auraient pesé sur elle de notre fait, de 1861 à 1872, et que nous avons appréciées plus haut. Non, nous ne voulons pas être une commune modèle, et nous n'imiterons pas Chatou qui a triplé ses dépenses ordinaires dans l'espace de 12 ans. Nous vivrons de nos ressources et nous ne ferons pas, comme d'autres, appel aux libéralités involontaires de nos voisins. Nous nous suffirons largement avec nos 22,000 francs qui, d'ailleurs, ne peuvent manquer de s'accroître encore.
Mais là ne se bornent pas nos ressources, et nous appelons encore l'attention sur ce point.
La Compagnie Pallu, en vue de l'érection du Vésinet en commune et pour le cas où elle se réaliserait en 1875, accorde à la future commune les avantages considérables dont suit l'énumération : — Un acte unilatéral déposé chez le notaire à la date du 27 juin 1872, nous assure : 1° la propriété de l'église et du presbytère ; 2° un terrain de 6,000 mètres, situé non loin du village pour l'établissement de nos édifices communaux; 3° une somme de 31,250 francs pour contribuer à la construction et aux aménagements de ces édifices ; 4° une concession gratuite d'eaux pour les besoins publics de la commune ; 5° un terrain de 27,000 mètres pour la création d'un cimetière, au prix de 7,000 francs, c'est-à-dire à 26 centimes le mètre; 6° la jouissance pendant cinq ans des locaux nécessaires pour la mairie et l'école des garçons; 7° la propriété des pelouses et coulées, places, marchés, routes ; 8° enfin (ce qui est fort important et répond victorieusement à une allégation erronée de nos adversaires) la Compagnie s'oblige à continuer à perpétuité, par elle ou par la Compagnie des eaux, l'entretien de toutes les routes du parc, moyennant le centime par mètre que les propriétaires ont pris à leur charge par leurs contrats. La commune ne sera donc jamais chargée de cet entretien, à moins qu'elle ne le juge avantageux pour elle, ce qu'elle ne pourrait faire d'ailleurs qu'avec l'autorisation de l'Administration supérieure.
On voit ce que ces libéralités de la Compagnie Pallu ajoutent aux ressources budgétaires de la future commune. — Nous osons dire que jamais, peut-être, création de commune n'a été demandée dans des conditions aussi avantageuses et, de toute manière, aussi favorables.
Une dernière observation au point de vue de l'évaluation de nos ressources. On voudra bien admettre apparemment, que nous, élus par nos concitoyens pour l'étude spéciale de cette question, intéressés d'ailleurs personnellement à ne pas nous égarer dans des conjectures dont la témérité nous atteindrait nous-mêmes, on admettra bien, disons-nous, que nous ne sommes pas assez oublieux de notre intérêt et de notre responsabilité pour produire ici des assertions ou des calculs qui n'auraient pas été suffisamment approfondis et pesés.

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4. — Les trois communes sont-elles autorisées à se plaindre du tort qui leur serait causé par notre séparation ?

Il est bien vrai que les communes, recevant de nous aujourd'hui une contribution de plus de 20,000 francs, sur laquelle elles ne dépensent pour nous qu'une somme insignifiante de 2,160 francs, réalisent à nos dépens un très notable bénéfice auquel il doit leur être pénible de renoncer.
Mais, d'abord, si les communes eussent employé ces impôts à la satisfaction de nos besoins, comme c'était leur devoir, elles ne se seraient pas indûment enrichies des ressources que nous leur apportions, et notre séparation même ne les eût pas appauvries. Le dommage apparent dont elles argumentent est donc de leur fait et non du nôtre: elles n'ont donc pas le droit de se plaindre d'une mesure qui. en réalité, ne les dépouille nullement, mais qui rend à chacun ce qui lui appartient, et qui n'est à notre égard qu'un retour à la justice pour l'avenir, sans même nous indemniser pour le passé.
D'ailleurs, est-il vrai que. privées de nos impôts, les trois communes seront réduites à l'impossibilité de faire face à leurs dépenses ?
Mais lorsque, il y a quinze ans, le Vésinet était encore improductif pour les communes et ne leur donnait qu'un revenu total de 534 frs 50 c., ces communes ne vivaient-elles pas avec leurs seules ressources? Pourquoi ne pourraient-elles se suffire aujourd'hui, alors qu'en dehors même du contingent que nous leur apportons, leurs revenus propres se sont notablement augmentés. Il y a nombre de communes en France qui n'ont pas eu la bonne fortune de s'enrichir d'une création aussi productive que celle du Vésinet; elles ont vécu cependant et ont vu croître leurs ressources proportionnellement à leurs besoins. De ce que pendant un certain nombre d'années les trois communes se sont enrichies du gain inespéré de nos impôts, sans rien faire pour nous en retour, nous ne croyons pas qu'on puisse tirer cette conséquence qu'elles ont un droit acquis à de nouveaux et perpétuels sacrifices de notre part ?
Dans notre précis de 1872 (pages 11, 12, 13, 14 et 15 , nous avons démontré que les trois communes. Chatou notamment, avaient augmenté leurs dépenses ordinaires dans des proportions inusitées. Ces dépenses qui, pour Chatou, avaient été en 1860 de 10,093 francs, étaient montées, en 1872, à 31,253 francs, c'est-à-dire qu'elles avaient plus que triplé, et certes ce n'était point en notre faveur, on l'a vu par tout ce qui précède ; mais on se hâtait de jouir de nos impôts. C'est ainsi que l'entretien des rues, routes et promenades de Chatou s'était élevé de 4,150 francs à 13,653 francs; les frais de mairie, de 1,700 francs à 3,700; l'éclairage, de 400 francs à 1,300 ; l'entretien des bâtiments, de 300 francs à 4,000 francs.
Privée de notre contribution, la commune de Chatou devra s'observer davantage, cela est vrai; mais elle vivra encore et vivra honorablement. Sans la faire reculer jusqu'à l'année 1860, qui n'est pas bien éloignée cependant, ne peut-on pas la ramener à ses budgets de 1868, 1867, 1866, 1865, et, prenant la moyenne de ces quatre années, c'est-à-dire le chiffre déjà considérable de 19,375 francs de dépenses ordinaires, affirmer que ce chiffre représente, dans une juste mesure, les besoins ordinaires et vrais de la commune de Chatou? Or, ce chiffre sera précisément couvert, à quelques francs près, par la recette de 49,253 francs qui lui restera encore, déduction faite de notre contingent, pour faire face à cet objet. — Voilà pour les dépenses ordinaires de Chatou. — Quant aux impositions extraordinaires votées par cette commune pour le service de ses emprunts et qui pourront charger encore son budget, nous nous en sommes expliqués dans notre Précis de 1872 ; nous y renvoyons (pages 12 et 13). Quelques mots seulement. Un de ces emprunts est aujourd'hui liquidé; nous en avons supporté notre part. Un autre emprunt de 60,000 francs a été contracté pour la construction d'écoles dont nous ne pouvions profiter et que nos enfants, en effet, n'ont jamais fréquentées. Ces écoles ont été construites malgré nos protestations; nous avons cependant contribué depuis 1868 jusqu'à ce jour, c'est-à-dire déjà pendant sept ans, au paiement des intérêts et annuités de cet emprunt, lequel sera complètement liquidé en 1879. Ces créations resteront d'ailleurs la propriété exclusive de la commune de Chatou. — Reste un dernier emprunt de 50,000 francs contracté en 1872 pour un double objet, à savoir : 1° 10,000 francs pour le reliquat de la dépense des écoles ; même observation que ci-dessus; 2° 40,000 francs pour les contributions de guerre auxquelles nous reconnaissons devoir, à la rigueur, participer, si on ne veut pas tenir compte de tous les sacrifices que nous supportons depuis plus de quinze ans, sans aucune compensation. Sur ce point, l'autorité supérieure décidera dans sa sagesse, n'oubliant pas toutefois que la commune de Chatou a reçu de nous, dans son intérêt exclusif, des sommes considérables qui au total, au 31 décembre 1874, ne seront pas inférieures à 100,000 francs nets de toute dépense.
En ce qui concerne les communes du Pecq et de Croissy, et les effets éventuels de notre séparation sut leurs recettes et leurs dépenses, nous ne saurions rien ajouter à ce que nous en avons dit aux pages là et 15 de notre Précis de 1872; nous prions qu'on veuille bien s'y référer; on verra que, pour ces deux communes, le grief est sans importance réelle, et que, pour elles d'ailleurs, comme pour la commune de Chatou, un intérêt illégitime ne saurait entrer en balance avec les considérations de droit et d'équité qui militent invinciblement en faveur du Vésinet.

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5. — Examen des rapports de MM. les Commissaires enquêteurs.

Nous devons, en terminant, dire quelques mots des avis exprimés par MM. les Commissaires enquêteurs, et des solutions qu'ils proposent en vue de porter remède à une situation qu'ils déclarent l'un et l'autre ne pouvoir durer plus longtemps.
On sait qu'à la demande formée par le Vésinet en 1867, à l'effet d'être érigé en commune, les trois communes s'étaient bornées à opposer une résistance passive, demandant simplement le maintien du statu quo.
— Des enquêtes furent ouvertes en 1869 : l'honorable juge de paix M. Despeaux fut désigné pour présider a ces enquêtes ; il déposa son rapport en 1870.
Après bien des retards et des remises habilement ménagés par les communes, le Conseil d'arrondissement avait enfin été convoqué en session extraordinaire pour le 25 décembre 1872, lorsque la commune de Chatou fut tout à coup d'une tactique nouvelle, demanda à trois sections du Vésinet, sous la réserve d'offrir à Croissy et au Pecq des compensations, dont la nature et l'étendue n'ont point été jusqu'à ce jour précisées. Quoi qu'il en soit, cette demande, bien imprévue, nécessitait une nouvelle instruction, de nouvelles enquêtes ; c'était encore du temps de gagné pour les communes. Cette fois, l'enquête porta sur la question de savoir s'il y avait lieu de joindre le Vésinet tout entier à la commune de Chatou. Un nouveau Commissaire enquêteur fut nommé, c'était l'honorable M. de Magny. Il déposa son rapport en 1873.
Deux rapports, et, disons-le tout de suite, deux avis différents sont donc à examiner.
Le premier Commissaire enquêteur reconnaissait, ainsi que nous l'avons déjà dit, que les impôts payés par nous aux trois communes ne recevaient pas un emploi équitable. Il reconnaissait que l'état actuel des choses entretient un malaise moral qu'il est urgent de faire cesser; — qu'il fallait donner au Vésinet une administration qui lui fait défaut ; — que nous ne sommes pas suffisamment représentés dans les Conseils municipaux qui disposent de notre sort; — que les mairies, à qui nous devons » porter nos déclarations d'état civil, ne sont pas à notre portée ; — que les communes n'avaient jamais fait rien pour les besoins de notre église…, de nos écoles.

De ces prémisses, nous attendions que M. le Commissaire enquêteur tirerait cette conséquence : qu'il fallait accueillir notre demande d'érection en commune.
Nous nous étions trompés. M. le Commissaire enquêteur repousse cette conséquence. Pourquoi? — C'est, avant tout, que l'enquête à laquelle il avait procédé n'a donné, en faveur de la demande du Vésinet, qu'un nombre de voix inférieur à celui qu'a obtenu le maintien du statu quo réclamé par les trois communes. « Nous » vivons, dit-il, sous le régime du suffrage et du parlementarisme, c'est-à-dire sous l'empire de la force légale des majorités contre les minorités ; c'est à cette force, qui forme la base de notre droit public, qu'il faut s'en référer quant au droit primordial lui-même, pour décider du sort que doit subir la demande des pétitionnaires du Vésinet. Or, les votes favorables exprimés dans l'enquête sont au nombre de 600, les votes défavorables au nombre de 1,081 : il résulte donc de ces chiffres que la raison nombre, si péremptoire en ces sortes d'affaires est en faveur du statu quo qui doit être maintenu jusqu'à ce que la minorité devienne majorité. — Il n'est pas besoin, pensons-nous, d'insister beaucoup pour démontrer combien cette argumentation est périlleuse. Quoi? Le Vésinet a tort par cela seul que ses habitants sont moins nombreux que ceux des trois communes, ses adversaires? Vainement, paiera-t-il des impôts dont il n'est point fait un emploi équitable ! Vainement, sera-t-il privé de toute administration, négligé, sacrifié ! Il a le tort irrémissible et irréparable d'être seul contre trois ; il ne lui sera pas fait justice ! — M. le Commissaire enquêteur n'a pas pris garde qu'il s'agit ici d'un véritable procès entre deux intérêts complètement opposés ; qu'en justice, la raison nombre n'a rien à voir, et que c'est le bon droit seul qui doit être consulté. — M. le Commissaire enquêteur commet une autre erreur : il croit qu'on peut, à l'aide de quelques palliatifs, nous satisfaire en même temps que nos adversaires, et voici ce qu'il propose :
1° Chaque section du Vésinet serait pourvue d'un adjoint chargé de l'administration ; 2° les trois sections nommeraient des conseillers municipaux en quantité proportionnelle au nombre de leurs habitants ; 3° il serait créé un secrétariat commun au centre des trois sections, pour recevoir les actes de l'état civil; 4° il serait pourvu aux besoins de notre église ; 5° on interdirait au curé du Vésinet d'enterrer dans le cimetière du Pecq et de Croissy les personnes qui décèdent dans la circonscription ecclésiastique ; 6° enfin les trois communes s'entendraient pour maintenir les écoles du Vésinet dans les conditions de vitalité où elles se trouvent actuellement. — Nous ne voulons pas revenir sur tout ce que nous avons dit de ces propositions dans notre Précis de 1872 (pages 6, 7, 8 et 9). On peut s'y reporter. Nous nous bornerons ici à faire remarquer que quelques-unes de ces propositions rencontreraient obstacle dans la loi ou dans leur réalisation pratique ; que d'autres seraient inefficaces et ne donneraient aucune satisfaction sérieuse aux intérêts que nous avons le droit et le devoir de défendre ; et que, dans leur ensemble, elles nous laisseraient toujours désarmés contre les dispositions hostiles ou tout au moins indifférentes des communes. Nous remercions M. le Commissaire enquêteur de l'intention bienveillante qui a dicté ses propositions ; mais nous ne pouvons y voir qu'une preuve nouvelle de ce que nous avons toujours dit et pensé, c'est que les intentions les meilleures demeureront impuissantes à rendre notre condition acceptable et à nous faire justice, tant qu'on ne voudra pas voir qu'il y a, entre le Vésinet et les communes auxquelles il n'est rattaché que par un lien nominal, des différences d'organisation, d'intérêts, de besoins qui constituent de réelles incompatibilités et qui font de la vie commune une iniquité flagrante, en même temps qu'une impossibilité.
Examinons maintenant l'avis donné par l'honorable M. de Magny, chargé de présider aux enquêtes de 1873 sur la demande de la commune de Chatou à l'effet de s'annexer le Vésinet tout entier, c'est-à-dire les deux sections dépendant de Croissy et du Pecq avec la section dont elle a déjà la possession.
M. le Commissaire enquêteur constate d'abord que sur 1476 votants, 793 repoussent la prétention de Chatou et demandent l'érection du Vésinet en commune (ce sont les votes du Vésinet) ; 443 appuient la demande de Chatou sans conditions (ce sont les votes de Chatou) ; 85 consentent l'annexion demandée par Chatou, mais sous réserve de dédommagements (ce sont les votes de Croissy) ; 152 demandent le maintien de l'état actuel et repoussent conséquemment la demande de Chatou (ce sont les votes du Pecq) : 2 s'opposent simplement à l'érection du Vésinet ; 1 réserve son avis.
Ce résultat était assez significatif, ce semble ; car, cette fois, les trois communes réunies ne donnaient en faveur de la demande de Chatou que 528 voix dont 85 sous conditions de compensation, tandis que le Vésinet présentait à lui seul contre cette même demande 793 votants, c'est-à-dire une notable majorité ; ajoutons que le Pecq, en demandant par 152 voix le maintien de l'état actuel, portait ainsi à 945 le nombre des votes contraires à Chatou.
L'honorable Commissaire enquêteur estime que ce résultat, qui semble condamner hautement la prétention de Chatou, peut être attribué en partie à l'impulsion d'une direction active qui ne se serait pas exercée avec le même ensemble dans le camp de Chatou.
Quant à nous, nous sommes autorisés à dire que la mairie de Chatou ne s'est nullement abandonnée en cette occasion, et que si elle n'a amené au scrutin que 443 votants, tandis que le Vésinet en a compté 793, malgré la différence énorme de leurs populations respectives, c'est à d'autres causes qu'il faut l'attribuer. Les habitants du Vésinet sont venus avec ensemble protester contre la demande de Chatou, parce qu'ils sont profondément convaincus de leur intérêt et de leur droit. Ceux de Chatou n'ont obéi qu'imparfaitement à l'impulsion de leur municipalité, parce que, plus prévoyants et moins ardents que celle-ci dans la poursuite d'un succès d'amour-propre qui ne serait pas sans inconvénients et sans périls, beaucoup d'entre eux se sont sagement abstenus. Ils ont compris que Chatou ne pouvait s'annexer les deux sections de Croissy et du Pecq que moyennant des compensations qui annuleraient tous les avantages qu'on espérait retirer de cette annexion. Ils ont compris encore que le jour où Chatou étendrait sa domination sur toute l'étendue du Vésinet, il faudrait déplacer la mairie, en construire une nouvelle sur un terrain qu'on n'obtiendrait pas gratuitement : car ils savent que la Compagnie Pallu ne ferait point à la commune de Chatou, en retour de ses procédés, les libéralités qu'elle assure à la future commune. Ils ont compris qu'on pourrait bien être obligé de construire dans le Vésinet des écoles convenables, analogues à celle que possède Chatou, et non pas une école de hameau ; qu'il faudrait donner au Vésinet un cimetière particulier, une police spéciale, un éclairage, un arrosage, enfin tout ce que la commune de Chatou possède et qu'elle nous a toujours refusé sous le prétexte qu'elle n'était pas sûre de nous conserver. Quelques-uns de ceux qui se sont abstenus savaient aussi que toute commune de plus de 4.000 âmes est soumise à l'obligation de payer à l'État, sans aucun profit pour la commune, des droits d'entrée et un accroissement des droits de patente, et qu'en s'annexant le Vésinet tout entier, la commune de Chatou atteindrait ce chiffre. Voilà pourquoi la mairie de Chatou n'a obtenu, à l'appui de sa demande, que 443 votes parmi ses propres administrés. Il faut bien considérer aussi que les 152 voix du Pecq ont repoussé la demande de Chatou ; que les 85 voix de Croissy n'ont appuyé cette demande que sous condition de dédommagement. — Or, si quelque chose est clairement démontré par ces résultats, c'est que Le Pecq et Croissy repoussent, comme le Vésinet, la demande de Chatou, et que la population de Chatou elle-même montre fort peu d'empressement à la soutenir, puisque le nombre des abstentions y est le double de celui des votes exprimés.
L'honorable M. de Magny reconnaît du reste que « Le Vésinet » ne doit qu'à lui-même ce qu'il est aujourd'hui, qu'il s'est développé sans l'assistance des communes ; il ne leur a rien demandé, rien emprunté; il pourvoit aux besoins publics qui s'imposent dans toute agglomération d'habitants ainsi qu'à l'entretien de ses routes avec ses propres ressources, c'est-à-dire avec les redevances souscrites à perpétuité par les propriétaires dans leurs contrats d'acquisition… Il est manifeste, dit-il, qu'il existe aujourd'hui au Vésinet un ensemble d'intérêts privés et généraux qui exigent une surveillance et une administration qui font défaut et qui ne peuvent être utilement confiées qu'à une autorité municipale placée sur les lieux; qu'il serait urgent dans l'intérêt de la sûreté publique de pourvoir à l'action régulière de la police en présence d'une population de plus de 1,400 âmes, non compris la population flottante dont une partie est encore disséminée dans les bois…
En présence de ces constatations, il semblait encore que M. le Commissaire enquêteur dût conclure au rejet de la demande de Chatou. Car si cette commune a délaissé pendant tant d'années la portion du Vésinet qui lui appartenait ; si, percevant nos impôts et les utilisant pour ses propres besoins, elle nous a laissés pourvoir seuls aux nécessités qui s'imposent à toute agglomération d'habitants, comment peut-on penser qu'elle changera de sentiment, lorsque le sort du Vésinet tout entier sera dans ses mains. M. le Commissaire enquêteur se fait à cet égard de généreuses illusions ; il croit dans l'avenir à la sollicitude de la commune de Chatou pour le Vésinet; il fait à cette sollicitude un chaleureux appel : Ce serait manquer, dit-il, à notre devoir que de nous abstenir d'insister sur la circonstance que le Vésinet ne saurait être dépouillé de l'importance qu'il a acquise et qui lui donne le droit, du moins à nos yeux, de vivre de sa propre vie en face de Chatou dont il ne sera en quelque sorte qu'un fief.
Évidemment, en s'exprimant ainsi, M. le Commissaire enquêteur veut dire que nous devrons trouver désormais, auprès de l'administration de Chatou, bienveillance et protection. Mais si libéralement que le fief puisse être traité par le maître, nous croyons que M. le Commissaire enquêteur eût mieux servi nos intérêts, qui le touchent à juste titre, et mieux compris notre droit qui est incontestable, s'il avait exprimé le vœu que nous n'eussions d'autre maître que nous-mêmes.
Personne, plus que nous, ne rend hommage aux lumières et à l'esprit de justice de MM. les Commissaires enquêteurs. Nous reconnaissons tout ce que leur mission avait de délicat et de difficile, et combien la responsabilité est lourde pour qui est appelé à se prononcer seul sur une question de cette nature, où sont intéressées des populations nombreuses, où les intérêts sont vivement débattus, où les passions s'agitent, où l'on invoque, d'une part, une apparence de possession et, de l'autre, des droits incontestables mais nouveaux. Dans une telle situation, l'esprit de ceux qui sont les premiers consultés incline naturellement et volontiers à penser que ce qui a duré un temps peut durer encore ; qu'il n'est pas impossible de trouver telles combinaisons, tels moyens termes qui satisfassent les uns sans froisser complètement les autres.

Telle nous paraît être la disposition qui a inspiré les deux rapports si consciencieux d'ailleurs que nous venons de discuter. Quant à nous, c'est avec une conviction profonde et de plus en plus énergique que nous demandons l'érection du Vésinet tout entier en commune, comme la seule solution qui puisse conduire à la satisfaction de tous les intérêts, comme à l'apaisement des esprits et à la cessation d'un malaise moral qui est avoué de tous et qui s'est trop longtemps continué.

Délibéré au Vésinet, le 7 octobre 1874.[5]

    Les membres de la Commission des Propriétaires:

    Le vice-président, Battarel

    Le président, Gastambide

    Le vice-secrétaire, Foucault

    Le secrétaire, Potin

    Le trésorier, de Ricaudy

     

    MM. Montcharville, secrétaire et rapporteur des Commissions syndicales et Mayeur, président des Commissions syndicales,

    Membres : MM. Blanquet, Caille, Laguionie, Pallu, Pesnon, Pramondon, Voyot, Weiss.

Une suite du Résumé de la Question sous la forme d'une lettre manuscrite datée du 25 janvier 1875 consistait dans le texte suivant :

      La demande du Vésinet et celle reconventionnelle de Chatou ont été soumises au Conseil d'Arrondissement et au Conseil général dans leur session d'octobre 1874 et l'un et l'autre, à l'unanimité moins une voix [5] ont émis l'avis que Le Vésinet devait être érigé en commune distincte.

      Depuis, M. le Président de la République a, par décret, renvoyé l'affaire à l'examen du Conseil d'Etat.

      Dans cette situation, Le Vésinet a le plus grand intérêt à ce que la procédure administrative  soit suivie avec le plus de célérité possible, au Conseil d'Etat et à l'Assemblée Nationale, que l'affaire reçoive une prompte solution et que Le Vésinet dispose immédiatement de ses ressources. Tout ajournement, tout retard, pourrait en effet, avoir pour conséquence:

      1° La dislocation des Écoles et Asile du Vésinet et l'éparpillement des 200 enfants qui les fréquentent et qui seraient ainsi livrés à une sorte de vagabondage. Les Écoles coûtent en effet plus de 6000 frs au paiement desquels on subvient depuis 8 ans par des cotisations volontaires, mais les donateurs qui paient en même temps pour les Écoles des communes se lassent de ces sacrifices prolongés.

      2° La perte possible des donations de la Société du Vésinet et de l'avantage précieux du retour au droit commun. La Société a, en effet, limité l'effet des engagements volontaires contractés par elle à l'année 1875.

      3° La privation entière de police qui rend plus fréquents les délits et même les crimes.

      4° L'absence d'éclairage du village et dans les environs de la station qui occasionne des accidents.

      5° Enfin, la gêne journalière qui résulte pour les habitants du Vésinet de l'obligation de franchir plus de trois kilomètres pour aller demander les services administratifs au mauvais vouloir ou à l'indifférence de plus en plus accentuée des Municipalités.

      Cela sont les motifs qui justifient la demande d'urgence des habitants du Vésinet.

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    Notes et sources

    [1] Mis en forme par l'imprimerie centrale des chemins de fer A. Chaix et Cie, Rue Bergère, 20, prés du boulevard Montmartre (Paris)

    [2] Les communes ne manquent jamais de dire Compagnie Pallu, au lieu de dire Vésinet.

    [3] L'Officiel du 5 janvier 1873.

    [4] Tout récemment [1874], une commune de Seine-et-Marne (Lizines) avait été divisée en deux communes distinctes, dont l'une était formée de 131 habitants. Cette mesure était motivée sur l'antagonisme des intérêts et l'abandon dans lequel la commune chef-lieu (Lizines] laissait son annexe (Sognolles) distante de 3 km, comptant 456 habitants. L'Officiel du 1er juillet 1874.

    [5] Le Conseil d'Arrondissement de Versailles comptait, pour le canton de St Germain, un avocat parisien, Me Timothée Campenon (Chevalier de la Légion d'Honneur en 1873, il avait occupé la fonction de substitut du procureur de la République près le tribunal civil de la Seine) qui était élu de ce canton de St-Germain-en-Laye parce que propriétaire d'une maison de villégiature rue Emile-Augier à Croissy.


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