Maires du Vésinet > Gaston Rouvier > Gaston Rouvier, homme de lettres Gaston Simon Jean Marie Rouvier est né à Mèze, Hérault, le 15 juillet 1869, d'un père quincailler. Issu d'une très ancienne famille languedocienne propriétaire de domaines viticoles à Mèze, près de Montpellier, et de biens immobiliers à Beaucaire, après de brillantes études en Sorbonne, il enseigne à l'université d'Uppsala (Suède) [1]. Puis, collaborateur d'Adrien Hébrard au journal Le Temps, Rouvier gagne comme publiciste une réputation certaine qui lui vaudra en 1905 la croix de chevalier de la Légion d'honneur [2]. Rédacteur au quotidien Le Temps, publication dont la qualité et le sérieux sont unanimement reconnus et qui fait figure « d'organe officieux de la diplomatie française », Rouvier est aussi, publiciste dans quelques revues périodiques La Nouvelle revue, la Revue de géographie, Questions diplomatiques et coloniales, Le Monde moderne, Le Journal des Débats, La Dépèche Tunisienne, Le Journal Officiel de Madagascar,... mais aussi pour Le Nouveau Larousse Illustré, mis en chantier en 1898. Son œuvre la plus connue est un récit : La Conquête des Pôles (Editions Lemerre, 1922) un sujet qui lui était cher et sur lequel il publiait déjà en 1900. [5] La Nièce de M. Jacob Gaspard Pourquoi le drame, lorsque la comédie est amusante et que les protagonistes sont grotesques pour la plupart? D'où un peu d'incohérence dans ce livre, un manque d'harmonie, et, néanmoins, de très sérieuses qualités d'observation, un humour presque continuel, une saveur bien originale qui en fait quelque chose à part. Donc, M. Jacob Gaspard est un gros et riche bourgeois des environs de Zurich, pourvu d'une fortune cossue qu'il a gagnée en de multiples métiers et qui s'est retiré dans son village avec une nièce charmante, Thérèse, qu'il entoure de soins et dont il espère bien faire, un jour, Mme Thérèse Gaspard. Et pourquoi, vraiment, cette petite fille de vingt ans ne s'accommoderait-elle pas d'une union qui la ferait la femme d'un homme considérable, riche, puissant dans le pays, et qui, sous peu de temps, va devenir quelque chose comme le président du conseil général de son canton ? Hélas! en raisonnant ainsi, M. Jacob Gaspard fait preuve, vraiment, d'un défaut de psychologie affligeant pour son âge. N'a-t-il donc point lu Molière ? Mais où et quand cet ancien commerçant eût-il trouvé le loisir de lire ceux qui ont étudié la vie ? A défaut d'érudition, il eût pu avoir du bon sens ; ne connaît-il point le cœur des jeunes filles, et comment peut-il supposer que Thérèse hésitera entre un gros et vieux bonhomme comme lui et le cavalier jeune, beau, idéal, qu'elles espèrent toutes rencontrer et qu'elles rencontrent toutes, surtout lorsqu'il y a là un romancier pour le placer sur leur chemin?. Vous vous doutez que ce jeune premier, la jeune fille l'a déjà entrevu ; qu'il est jeune, amoureux et libre (bien entendu), qu'il est venu la rejoindre au fond de l'Helvétie, qu'elle l'aime déjà en secret (naturellement), mais qu'elle ne lui a rien avoué (sans doute), quoiqu'il soit séduisant au possible, aimable, distingué, avocat et Français (ô joie !). Vous connaissez Mme Guggli, mais vous ignorez encore Mme Bettlerin-Heer, la fougueuse Mme Betlerin-Heer et ses cinq filles pas encore mariées, hélas et qui mènent une misérable existence dans leur pauvre maison délabrée du Schooren, se nourrissant presque exclusivement de café au lait et de pommes de terre sans beurre. Pauvre Mme Bettlerin. Sa figure serait navrante si elle n'était vraiment aussi cocasse. Qu'un étranger ne s'avise pas d'arriver dans la petite ville, qu'un profil nouveau de jeune homme ne se silhouette pas aux environs sans trêve et sans pitié, Mme Bettlerin s'agrippera à lui en compagnie de ses cinq filles. dans l'espoir. hélas ! problématique qu'il daignera s'éprendre de l'une d'elles. Et Maxime n'y échappera pas plus que les autres. Vous connaissez Mme Bettlerin-Heer et sa nichée ; mais que d'originaux renferme encore ce placide et typique village suisse ; que de bons bourgeois ventrus, gorgés de bière et gonflés d'ambition pour la plupart, haineux envers les étrangers, satisfaits de leur propre personne, indiscrets et bavards, ainsi qu'il convient à des habitants de petite ville, mais sans l'étourderie française, avec toute la lourdeur de l'Allemagne proche, avec tout son entêtement tourné vers la stupidité. Ce sont de bons, d'excellents tableaux pittoresques qu'a brossés là M. Gaston Rouvier. Mais voici venir enfin le drame. Jacob Gaspard a voulu mettre à exécution son projet de mariage avec Thérèse, et, par une suite de circonstances qu'il serait trop long de narrer ici, celle-ci a été contrainte d'accepter, si bien que voilà Maxime désespéré, et, avec lui, la mère de Thérèse qui n'est pas morte, ainsi que le contait M. Jacob Gaspard, mais mène une vie plutôt déréglée dans la ville voisine. Et le pauvre Gaspard toucherait au bonheur s'il n'était bientôt assassiné par sa sœur elle-même qui marche sur une de ses usines à la tête d'une bande de malandrins et au chant de l'Internationale, tandis qu'à la vue de tant d'horreurs, Thérèse devient folle entre les bras de celui qui l'aime, impuissant à prévenir ou à réparer de telles catastrophes. Je l'ai dit, cette fin nous gâte les heureux et sobres tableaux du début, mais ne nous les fait cependant pas oublier. Nous savons gré à M. Gaston Rouvier d'avoir recréé avec tant d'adresse et de vérité l'atmosphère d'une petite ville de la Suisse et d'avoir pu rappeler, en quelques pages, la manière pittoresque et savoureuse d'un Erckmann-Chatrian dont le sourire se teinterait d'ironie. [6] Gaston Rouvier a choisi pour décor de ce premier roman le pays d'origine de sa femme. il a épousé, Rosalia Wehrli (1870–1930), petite-fille de l'ingénieur suisse Johann Nepomul Wehrli (1789-1862), installateur du métier Jacquard à Saint-Gall, et fille de Johann Baptist Wehrli (1830–1883), inventeur de la machine à broder qui devait faire de Saint-Gall la capitale européenne de cette industrie [7]. S'est-il inspiré de personnages rencontrés à l'occasion de séjours dans sa belle-famille ? ... Simplicité de la vie, simplicité des mœurs, vertu et bonheur c'est assurément ce que Gaston Rouvier nous veut enseigner. J'aime on ne peut mieux M. Gaston Rouvier, journaliste qui n'est pas de talent médiocre. Mais pourquoi nous compte-t-il de si bizarres histoires romanesques ? Il m'inquiète plus qu'il ne m'émeut. Il m'étonne plus qu'il ne me touche. Et s'il veut m'amuser, il risque de m'irriter. J'ai lu, je ne sais où, que Gaston Rouvier avait Dickens pour maître, et que Dickens pouvait s'enorgueillir de cet élève. Qu'y a-t-il de vrai ? Je ne saurais le dire. Dickens est du moins un maître fort honorable et le livre de Gaston Rouvier est un livre très estimable. Je vois bien que Gaston Rouvier a beaucoup lu Dickens, je vois aussi qu'il l'imite par moment d'une manière assez apparente. Il mettra les titres de chapitre à la façon de Dickens : D'un petit homme que sa soeur dérange et que sa nièce attriste. Où l'auteur a l'avantage de présenter une mère et ses cinq filles en liberté. Où le lecteur a l'honneur de faire la connaissance d'un ancien mendiant. Où l'auteur a le regret de faire périr un de ses personnages les plus sympathiques. Imitation superficielle, pour trouver un pittoresque facile. C'est peu de chose. Ce n'est rien. Ailleurs Gaston Rouvier transposera un peu ingénument Dickens : « Aussitôt sur ses jambes, M. l'ex-directeur se jeta sur le jeune homme, en garde. Le poing droit de Maxime découvrit une courbe élégante; il vint, je ne sais comment, se mettre en contact avec la tempe gauche de M. Poplain, et la tempe, de ce contact inattendu, sortit toute bleue. On entendit sonner deux ou trois pan pan à la suite desquels M. Poplain, sans se rendre un compte suffisamment exact de la façon dont ceci était advenu, se trouva pour la deuxième fois assis sur le plancher. Mais cette fois il resta tranquille, la tête douloureuse entre les mains, et mâchonnant des mots inintelligibles. » Même si les critiques sont plutôt négatives, la parution de ce premier roman n'est pas passée inaperçue. les suivants ne connaîtront pas le même écho. **** Notes et sources : [1] Il sera plus tard Secrétaire général de l'Association franco-scandinave créée à la Sorbonne en 1904. [2] Officier en 1919 pour ses services exceptionnels durant la guerre, il sera fait commandeur en 1934. [3] Entré dans l'administration en 1906 comme Inspecteur adjoint de 2e classe, il est promu à la 1ere classe en 1913. [4] Bulletin de l'AHH, n° 26, 1984. [5] Gaston Rouvier - Le retour vers les Pôles, la Nouvelle Revue, janvier-mars 1900. [6] Critique de Jules Bertaut dans La Revue hebdomadaire (romans, histoire, voyages) Librairie Plon (Paris) Novembre 1905. [7] Leur fils Henri Rouvier (1897–1979), revint de Suède, où il était en stage d'études, pour s'engager à 17 ans en 1914 au 11e cuirassiers. Blessé en 1915, plus grièvement en 1917, il recevra la croix de guerre, la médaille militaire et la croix de la Légion d'honneur. Expert du marché européen de la pâte à papier, il sera directeur général d'industries franco-scandinaves, puis représentera les firmes helvétiques, et sera conseiller du commerce extérieur de la France. [8] Critique de Jean-Ernest Chasles dans La Revue politique et littéraire, T4, n°1, 1905. [9] Suzan Quinn. Marie Curie, a life, DA Capo Press, 1995.
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