D'après Le Cri des cantons de Saint-Germain-en-Laye, Maisons-Laffitte, Marly-le-Roi (Voir notes en bas de page).

La rue Watteau, voie sacrifiée

Au printemps 1926, le journal Le Cri des cantons fit paraître une série d'articles, parfois motivés par les courriers de lecteurs, avec pour sujet l'état de la voirie autour de la gare de marchandise du Pecq. Les articles se poursuivirent durant plusieurs années traduisant l'importance d'une question récurrente dans les récriminations des lecteurs et des habitants. En voici quelques extraits.

    La rue Watteau est, lorsqu'il pleut, un véritable ruisseau de boue noire. On peut en dire autant de la rue des Merlettes. M. Galampoix [1], dans ses excursions de promeneur nocturne n'y risque pas ses pas. Et puis, comment s'y reconnaître ? Les numéros des maisons y défient la numération. On dirait que chaque propriétaire a mis le numéro qui lui a plu. Un petit tour, M. Galampoix, dans la rue des Merlettes. Seulement mettez des bottes et prenez une boussole. [2]

    La Gare des marchandises du Pecq. Après la passerelle entre les voies, curiosité naturelle du Réseau de l'Etat, voici la curieuse gare des marchandises du Pecq. Il est classique de dire que le Pecq n'a pas de gare. En effet la gare des voyageurs du Pecq est sur le territoire du Vésinet. Cependant, le Pecq a une gare sur sa commune ; c'est la gare des marchandises. Cette gare récemment agrandie, occupe entre la rue des Merlettes et la route de Sartrouville un large espace. Elle porte le nom du Pecq ; elle est établie sur le territoire pecquinois [3], sa partie nord est à quelques mètres de la route de Sartrouville et des usines du Pecq, or l'administration de l'Etat persiste à en assurer la sortie et l'entrée sur le Vésinet.
    Il en résulte d'interminables détours pour les voitures, l'effondrement permanent de la rue Watteau (oh ! l'affreuse rue noire et cahoteuse qui porte ce joli nom) ; et il est heureux pour les Pecquinois
    que le Vésinet n'ait pas d'octroi ; sinon, ils devraient payer des droits pour retirer d'une gare qui est dans leur ville, et qui en porte le nom, les objets qu'ils en retirent. Il est question de faire déboucher l'accès de cette gare, encore plus nettement sur territoire du Vésinet, sur la route de Montesson. Pourquoi ne pas la faire déboucher sur le territoire de Chatou ?
    La passerelle entre les voies [4], la gare du Pecq, qui n'a d'accès que sur le Vésinet ! Quelles belles histoires !  

    Et combien le charroi du charbon et le passage des poids lourds coûte-t-il à la Ville du Vésinet, qui chaque année doit faire recharger, inutilement, la rue Watteau. Cela fait des dépenses inutiles de transports, de l'usure des routes, alors qu'un peu de réflexion éviterait tout ce gaspillage inutile en ouvrant au nord la gare du Pecq sur la route de Sartrouville, ce qui n'empêcherait pas au Sud l'ouverture sur la route de Montesson ou sur le boulevard de Belgique. [5]
     

La « gare de débord » (déchargement) du Pecq, développée entre les deux guerres, est très peu représentée. Aucune photographie n'en a été publiée dans les livres consacrés à la Commune du Pecq. Elle occupait trois hectares environ aux limites de la commune avec Montesson à l'Est et Le Vésinet au Sud. Elle voisinait avec l'usine à gaz du Vésinet (elle aussi sur le territoire du Pecq et autre source de nuisances) et l'usine Binet (usine métallurgique, fabrique de segments et pistons). Très enclavée le long de la voie ferrée elle était desservie au nord par la Route de Sartrouville et au sud par les voies communales du Vésinet. (Ci-contre, Plan du Syndicat des Propriétaires du Vésinet, 1925).
La passerelle d'origine, qui a donné son nom à la route qui y aboutit, permettait aux piétons de franchir la voie du Paris – St-Germain (rehaussée pour le RER, elle est toujours au même endroit aujourd'hui) mais elle ne franchissait pas les nouvelles voies desservant la gare de marchandise et l'usine Binet. Elles étaient, comme les voies des tramways, établies dans la chaussée. En 1930, la ville du Vésinet sera autorisée à souscrire un emprunt pour prolonger cette passerelle mais les travaux ne seront jamais entrepris.
Une importante zone d'activités s'est développée à cet emplacement, en plusieurs tranches, au cours des années 1970 et 1980.

L'hiver 1926-1927 provoque le retour des fondrières, de la boue et des désagréments déjà évoqués et les articles du Cri reprennent de plus belle :

    Est-ce la rue Watteau, ou la rue Bateau ?...
    On opine presque pour ce dernier nom. Watteau, le délicieux Watteau s'indignerait en traversant ce ruisseau de boue qui porte son nom ; des flaques d'eau charbonneuse sont projetées sur les maisons du voisinage et sur les rares passants. La chaussée s'excave peu à peu, et telle une chaussée de la zone des Armées en période de guerre, se creuse de trous qui rappellent les trous d'obus.
    Ah ! la pauvre rue Watteau ! A quoi pense le promeneur aux petits pois ? Pourquoi donc son œil averti, ne va-t-il pas faire un tour rue Watteau ?
    Ce ne sera pas le voyage à Cythère, et il fera bien d'adjoindre à ses jambes des grandes bottes, ou d'emmener avec lui, un petit bateau, avec l'inscription de « Fluctuat nec mergitur ». Peut-être déciderait-il de faire établir des passerelles ?
    [5]

    La rue Alexandre-Dumas. Les riverains de cette rue nous signalent que le trafic de l'ancienne gare des marchandises du Pecq est beaucoup moins intense depuis quelques temps et que d'ici peu, il ne leur en restera qu'un mauvais souvenir. Ils nous demandent si la chaussée et les trottoirs ne pourraient pas être remis en état, car à l'exemple de la Watteau et des Merlettes, la rue Alexandre-Dumas est une véritable fondrière. (Le Promeneur Diurne). [6]
     

La conclusion, si l'on peut dire, vint un an plus tard. Par arrêté municipal (janvier 1928), on décida de mettre en place des barrages restreignant la circulation des voitures sur le boulevard de Belgique, l'allée des Maraîchers et la rue des Merlettes en vue de canaliser par la seule rue Watteau, les charrois allant à la gare des marchandises du Pecq ou en revenant. Les usagers de ces voies étant « priés de consulter le texte de l'arrêté qui sera publié incessamment et affiché aux abords des passages barrés ».
En d'autres termes, la rue Watteau fut sacrifiée.

    ***

    Notes et sources

    [1] Polycarpe Joseph Galampoix, Adjoint au maire du Vésinet. Retraité de l'Enseignement, fondateur d'un Collège laïque au Vésinet, Joseph Galampoix avait pris sa retraite au Vésinet en 1914. Il habitait 1, rue des Chênes. Il reçut la Légion d'Honneur en 1927. Souffrant d'insomnie, il était connu (et parfois moqué) pour ses promenades nocturnes dans la ville-parc.

    [2] Le Cri des cantons, 5 mars 1926.

    [3] Sobriquet désignant ici les habitants du Pecq, le nom officiel étant les Alpicois du latin Alpicum, ancien nom du Pecq.

    [4] Le Cri des cantons, 29 mai 1926.

    [5] Ibid. 29 janvier 1927.

    [6] Ibid. 12 mars 1927. Le promeneur diurne est une nouvelle allusion aux promenades noctures de M. Galampoix.

    [7] Ibid. 21 janvier 1928.

 


Société d'Histoire du Vésinet, 2014 - www.histoire-vesinet.org