L'Architecture Usuelle, E. Thézard & fils éd., Dourdan (Seine & Oise) p. 173-176.

Eglise Sainte-Pauline du Vésinet (Seine-et-Oise)   
 
M. DEBEAUVE-DUPLAN, Architecte.

"Je me félicite, disait un brave curé à l'un de ses confrères, d'avoir choisi M. X... comme architecte. Grâce à lui, mon village sera doté d'une cathédrale en miniature". On rapporta le propos à l'architecte; homme d'esprit, il se contenta de sourire. Comme notre confrère, celui-ci n'avait jamais eu l'idée de faire une cathédrale ni une miniature, mais simplement une église moderne de réalisation économique et nous ne pouvons mieux faire que de résumer, ci-après, le rapport rédigé par M. Croisilles pour l'inauguration.

Il est assez curieux de constater que l'architecture religieuse, en France, depuis ces dernières années, a pris un essor nouveau que l'on eut été fort en peine de prévoir. Alors que des considérations de toutes natures semblaient devoir, de moins en moins, encourager la construction d'édifices affectés aux cultes, on a pu vérifier, tout au contraire, et par quelques exemples, notoirement typiques, qu'il y a en notre pays des artistes pour bâtir des églises et des fidèles pour les fréquenter.
En cette Revue même nous avons eu l'occasion, il y a quelques années, d'attirer l'attention de nos lecteurs sur une église en matériaux factices édifiée à Mureil (Drôme), par M. C. Fermond, architecte (Arch. Us. n°136) dérivant du même principe : utiliser économiquement les nouveaux matériaux. On pourrait ajouter à ce témoignage, qui est par lui-même singulièrement démonstratif, la récente construction de l'église Saint-Jean-de-Montmartre, œuvre du regretté maître A. de Baudot, architecte des monuments historiques. On pourrait encore consulter les catalogues des Salons annuels, à la Section d'Architecture, et y vérifier, non sans étonnement peut-être, que des architectes ont édifié et étudient présentement encore des sanctuaires destinés à être réalisés en un temps prochain sur des points nombreux du territoire français. Nous ne voulons tirer de cette constatation aucune morale sinon celle qui résulte, professionnellement parlant, de cet ensemble de constructions à caractère religieux; nous ne voulons que retenir le bienfait qui en peut résulter pour l'architecture de notre pays, puisque cette émulation, sur ce terrain particulier, permet que ne reste pas en arrière un genre constructif qui fut une des gloires du génie français. Il est heureux qu'il en soit ainsi, alors que dans ses multiples autres applications, notre architecture contemporaine se manifeste sous des aspects si vivants et parfois si personnels.
Il nous semble, en effet, que le problème de l'architecture religieuse restant posé au début du XXe siècle, il n'est pas inutile de chercher à lui donner des solutions non moins XXe siècle. C'est dire que si, dans son principe même, dans ses ordonnances essentielles, dans son détail rituélique et consacré par l'ancestrale tradition, la maison de Dieu doit rester aujourd'hui ce qu'elle fut dans le recul des siècles, il y a néanmoins une possibilité d'associer son caractère inamovible et les procédés structuraux que nous apporte le temps où nous vivons.

C'est exactement ce qu'a pensé M. Debeauve-Duplan, lorsqu'il fut appelé, sur le désir d'une généreuse donatrice, à composer les plans et à choisir la matière en laquelle serait réalisée l'église Sainte-Pauline du Vésinet. Le programme était celui d'une église pour une charmante petite cité, dont la prospérité s'accroît de jour en jour, le Vésinet. Cette ville possède déjà une autre église qui a été rendue célèbre par l'ensemble des compositions picturales que créa pour elle M. Maurice Denis. L'église Sainte-Pauline ne visait à autant d'importance, ni à autant d'honneur; elle voulait être l'édifice simple, économiquement construit et tel pourtant qu'il s'adornât d'une parure digne de sa destination.

L'intéressant de cet effort était qu'il devait répondre à la nécessité première de ne pas outrepasser un capital donné, on pourrait même dire généreusement donné [1]. M. Debeauve-Duplan adopta comme "matériau" le ciment aggloméré Système Bérard. C'est depuis quelques années seulement que cet ingénieux et logique emploi du ciment aggloméré a fait ses preuves, mais on doit reconnaître qu'il les fit de façon si éclatante qu'il bénéficia dans l'opinion, et du premier coup, d'une renommée incontestable.
Composé par des moyens rigoureusement rationnels, il est tout indiqué pour répondre à des besoins également rationnels; sa malléabilité, la souplesse avec laquelle il se conforme aux exigences des programmes les plus variés, la simplicité des techniques qui concourent à son emploi, tout enfin le désigne à la sympathie des constructeurs.
Alors que d'autres matériaux, d'une nature aussi moderne, peuvent encore, dans certains cas, rester discutables quant à la durée et à la solidité, le ciment aggloméré n'a soulevé nulle part, et en aucun cas, la moindre objection théorique, et toujours, dans la pratique des faits, il a rendu des services dont l'opportunité a été unanimement reconnue.

    Chantier de l'Eglise Sainte Pauline
    Résumé des dépenses

     (frs)

    Terrasse, maçonnerie

    Voûtes

    Charpente et menuiserie

    Sculpture

    Couverture

    Plomberie, eau et gaz

    Serrurerie

    Chauffage central

    Peinture, vitrerie

    Vitraux

    Autel

    Horlogerie

    Cloche (beffroi)

    Parquet sans joint

    Mosaïque d’art

    Menuiserie d’art

55.000

  6.200

28.000

  1.000

17.600

  7.000

24.000

  6.000

15.500

  3.200

10.000

  6.800

  2.000

  2.500

  1.500

10.000

    Total (†)

231.300

    (†) avant majoration, non compris les honoraires.

Le plan de l'église Sainte-Pauline du Vésinet est celui d'une église à nef centrale et à deux collatéraux. La nef est en berceau, soutenue par une pile gothique à quatre fûts accolés, et les collatéraux sont, eux aussi, traités en berceau, et clos par un système de claires-voies élancées, favorisant dans l'intérieur de l'édifice une abondante distribution de lumière.
Après une sorte de narthex, que précède un porche surélevé qui correspond en plan au clocher proprement dit, on accède dans l'église pour apprécier tout de suite la juste proportion du triple vaisseau, la relation excellente des surfaces entre les trois nefs et l'abside.

Derrière cette abside se greffe une partie plus basse, à usage de sacristie et de services divers. C'est sous cette annexe que prend jour la descente vers le sous-sol, descente adroitement arrangée en façade postérieure, suivant le dispositif d'un perron dont un seul rampant monte alors que l'autre est originalement remplacé par les gradins descendant au sous-sol. En ce sous-sol, une salle de catéchisme, une chaufferie et divers services.

Le caractère de l'œuvre a une netteté d'allure qui, sans aucun doute, correspond à la franchise des procédés de construction. C'est là une démonstration excellente, et une fois de plus, du sage emploi d'une matière disciplinée elle-même et nettement conditionnée par l'aftectation qu'on lui donne.


Vue de la façade latérale.

    


Coupe transversale (éch. 0,007 p.m.)

    


La grande Nef et la Tribune d'orgue

    


Coupe longitudinale. (éch. 0,005 p.m.)

  


La grande Nef et l'Autel.

  

C'est ainsi que, dans le clocher, apparaît nettement la technique d'une construction qui revient à superposer des blocs préalablement moulés et rigoureusement goujonnés, les joints très avoués déterminant le volume de chaque élément. Ainsi en va-t-il dans le reste de cette façade principale et surtout dans les façades latérales où la technique collabore presque automatiquement, pourrait-on dire, à suggérer à l'architecte un heureux mode de décoration.

En effet, par le simple agencement de meneaux et d'arcatures où, de bloc à bloc, peut exactement se préciser dans quelle proportion participent, à l'équilibre général, des éléments types, homogènes de matière et mécaniquement réalisés par une économique industrialisation, on peut arriver à se rendre compte que la proportion des baies ne pouvait être différente.

Sans avoir jamais été commandé par son matériau, l'architecte, en la circonstance, s'est en quelque sorte appuyé sur lui, sur les qualités qu'il lui savait et sur les conditions de sa fabrication, pour aboutir à définir le style de son édifice. C'est là un fait capital et dont l'importance s'élève bien plus haut encore que la pointe du clocher de l'église Sainte-Pauline du Vésinet.

    [1] Don de Madame Adèle Chardron, en souvenir de son mari, Joseph Armand Chardron. Le nom de Pauline est celui de Pauline Chardron, leur fille, disparue en 1886, à l'âge de 20 ans.


Société d'Histoire du Vésinet, 2011- www.histoire-vesinet.org