Société d'Histoire du Vésinet, avril 2007

Les premières décorations de l'église Sainte-Marguerite

Dès sa consécration en juillet 1865, avant la réalisation des principaux vitraux, et bien avant les chefs d'œuvre de Maurice Denis, l'église Ste Marguerite fut décorée de différentes peintures dont la plupart ont été inventoriées (Base Palissy, Ministère de la Culture). Outre celles apportées par le premier curé, l'abbé Maret, on relèvera la présence de deux très grandes toiles qui, durant près d'un siècle demeurèrent de part et d'autre de l'entrée principale, sous la tribune des orgues. Elles furent décrochées en 1968 à l'occasion de la transformation du décor de l'église et entreposées sans grand ménagement dans la crypte. [1]

Sainte Marguerite

Sainte Marguerite, patronne de l'Eglise du Vésinet, tenant dans sa main gauche la palme du martyr.

Huile sur toile, un seul lé, grain très large, toile fixée au châssis par des clous. Châssis à deux traverses. dimensions : 373 cm x 149 cm Etat de conservation médiocre. Toile détendue, fendue, en décomposition dans sa partie inférieure, couche picturale usée, préparation du fond inexistante.

Référence Palissy  IM78001971.

Saint Henri de Hongrie.

Huile sur toile, un seul lé, grain très large, toile fixée au châssis par des clous. Châssis à deux traverses. dimensions : 373 cm x 149 cm Etat de conservation médiocre. Toile détendue, fendue dans sa partie inférieure, couche picturale usée.

Référence Palissy IM78001970.

On sait que le premier tableau, signé Claire Giard, fut offert par cette dernière à l'occasion de la consécration de l'église, le 2 juillet 1865. On ignore la provenance du second. Pourtant, l'examen de leurs descriptions plaide en faveur d'une même origine  : toile identique en matière comme en dimension, celle-ci plutôt inhabituelle. Châssis semblable.
Si le premier tableau s'avère parfaitement approprié puisqu'il représente la patronne de la nouvelle église, la seconde toile pose davantage de questions. [2]
En premier lieu, pourquoi ce nom de Saint Henri de Hongrie, dénomination plutôt insolite  ? Tout indique qu'il s'agit de Saint Henri, empereur d'Allemagne de 1002 à 1024, debout, tenant l'épée et le globe, insignes de sa charge. La mention Sanctus Henricius Imperator permet de lever le moindre doute.
Henri II le Saint, empereur d'Allemagne, le dernier de la dynastie saxonne, né en 972, était le fils du duc de Bavière Henri le Querelleur. Après la mort de son cousin, Othon III, qui n'avait point laissé de descendance, il parvint à se faire élire empereur en 1002. Il soumit Hermann, duc de Souabe, son compétiteur, contraignit à l'hommage la Thuringe, la Lorraine et la Saxe, chassa le roi de Pologne, Boleslas III, de la Bohême, et donna ce pays à Jasomir de Bavière. Il érigea la Hongrie en royaume
[d'où peut-être le nom], et descendit trois fois en Italie pour combattre Arduin, marquis d'Ivrée, qui s'était fait proclamer roi par les Lombards. Couronné empereur par le pape Benoît VIII, à Rome en 1014, il jura, en échange, une fidélité inviolable au Saint-Siège, préparant ainsi des luttes terribles entre Rome et l'Empire au sujet de la suprématie.
C'était un prince très pieux, ainsi que sa femme Cunégonde, et tous deux furent canonisés.

    Armoiries de la paroisse

    Sur le fond de la toile, à droite, l'église Sainte Marguerite du Vésinet est peinte sommairement. Elle a pu être ajoutée simplement pour justifier le don de la toile originellement destinée à un autre emploi. La différence de proportion entre les deux personnages exclut qu'ils aient été prévus initialement pour faire pendant.

    En haut à gauche un écu d'or à l'arbre de sinople, au chef d'azur cartonné à dextre et à senestre de deux marguerites....Le tout posé sur une Aigle bicéphale portant la devise ROBUR ET VENUSTAS (force et beauté). Cet emblème, celui d'Henri-le-Saint, évoque irrésistiblement celui qui sera proposé plus tard comme les premières armoiries du Vésinet (à gauche).

    L'arbre deviendra un chêne (robur), les deux marguerites et les couleurs seront conservées.

    La famille Pallu a conservé dans ses archives un dessin original accompagné d'un descriptif héraldique un peu différent : D'or ou d'argent, à un chêne de sinople englanté d'or, au chef d'azur, Chargé d'un monogramme SMV d'or acosté de deux marguerites tigiées et feuillées d'argent, Avec la devise : Quercus margaritis emicant. Une autre devise, ajoutée au crayon était lisible : Robur et venustas.

     

Claire Giard, née Couverchel ou son frère Alfred Couverchel (1834-1867) qui se promettait d'offrir un Saint Louis à Cheval à l'église et qui n'a peut-être pas trouvé le temps de l'achever, seraient-ils à l'origine de ces mystérieuses armoiries ? Alfred était un héraldiste amateur. On raconte qu'il peignit lui-même les armes de l'évêque de Basse-Terre, " azur à la croix ancrée d'argent contournée de quatre étoiles" , sur la porte du Presbytère en l'honneur de Monseigneur Boutonnet (évêque de Basse-Terre) qui séjournait alors au Vésinet. Un ouragan avait ravagé la Guadeloupe le 6 septembre 1865 et le prélat sillonnait la France en quête de fonds. Une grand-messe fut célébrée à Ste Marguerite le 15 novembre en faveur des sinistrés. [3]

Dans une brochure publiée en 1877, on trouve un inventaire sommaire des œuvres qui décoraient alors l'église Ste Marguerite  : «  On y remarque quelques bons tableaux, notamment une Sainte Famille peinte sur bois, un autel en onyx, une chaire à prêcher, de style gothique, ornée d'onyx, des vitraux dont plusieurs sont des chefs-d'œuvre sortis de la maison Lobin, de Tours, entre autres une Sainte Marguerite, copie du Guerchin, un Saint Léon le Grand, une Immaculée Conception, Saint Jean Baptiste, Saint Joseph, Saint Etienne, Saint François de Sales, Saint Alphonse de Liguori, etc., et des peintures à fresque qui produisent le plus gracieux effet, et qui présentent à la porte d'entrée les écussons des six évêques de Versailles et ceux de la famille Pallu des Rotours et du curé fondateur, prélat de la maison du Pape. » [4]
On peut penser que les décors en onyx de l'autel et de la chaire provenaient des ateliers de la Société Pallu &   Cie des marbres onyx d'Algérie. Ils n'ont malheureusement pas été conservés.

Statue de Saint Joseph

Un article dans L’Industriel de Saint-Germain-en-Laye daté du 21 avril 1866 nous apprend l'origine de cette petite statue de Saint Joseph.

La nouvelle et intéressante paroisse du Vésinet, se complète peu à peu, grâce à la générosité et au zèle des nombreux paroissiens de la localité. On nous annonce pour demain dimanche 22 avril, à l’occasion de la fête du Patronage de Saint-Joseph, la bénédiction d’une statue de ce saint, véritable œuvre d’art sortant des ateliers de M. Froc-Robert sculpteur à Paris, rue Bonaparte. [5]

C’est à l’initiative d’une pieuse famille du Vésinet, qu’est due cette cérémonie cette famille a voulu contribuer pour sa part à l'ornementation de l’église en offrant une image d'un saint protecteur et patron.

La cérémonie de bénédiction, selon le rite romain, aura lieu avant la messe paroissiale, à dix heures.

 

On inaugurera également à la même heure, un orgue d’accompagnement que l'organiste de la paroisse, M. Mansion fils, voudra bien céder ce jour-là au célèbre Th. Nisard, dont le nom seul signifie harmonie religieuse. Cet orgue-harmonium de quatre jeux puissants, a été fourni par la maison Baudet, rue Neuve-Popincourt plusieurs artistes musiciens se sont donné rendez-vous demain au Vésinet, pour assister à cette double cérémonie, et entendre l'habile maestro, à qui les plus illustres compositeurs ont dédié leurs œuvres musicales.

Quant à la Sainte Famille peinte sur bois, elle fut inventoriée en 1986 (Base Palissy) et une description sommaire fut ainsi rédigée  : Un panneau de bois formé de 2 planches de 146  x  103 cm. La peinture représente " La Vierge assise, une fleur dans la main droite, tourne la tête vers le ciel. Debout, l'enfant Jésus tend sa main vers elle mais regarde vers la droite. A droite, Sainte Anne et un vase de fleurs" .
L'origine de l'œuvre était définie de façon incertaine  : le curé Maret « camérier du Pape, évêque de Sura  » [6] aurait pu la rapporter de Rome. La nature du support, la qualité picturale et esthétique de l'œuvre la situeraient « dans l'ambiance florentine du XVIe siècle  ». Une note de synthèse complète la fiche d'inventaire  :

Vierge, enfant Jésus, sainte Anne.

La composition est marquée par deux obliques allant l'une de la main de la Vierge au pied de l'enfant, passant par le drapé et le bras de Jésus, l' autre donnée par les deux regards de la Vierge et de l'enfant entre lesquels se trouve le bras de la Vierge. Ces obliques sont calées par la ligne droite donnée par le corps de l'enfant et poursuivi par le drapé de sainte Anne.

Attitudes contournées, divergence des regards, contrastes appuyés des jeux d'ombres et de lumières font de ce tableau une œuvre maniériste. Cependant, les rapprochements entre cette œuvre et la Sainte Agnès d'Andréa del Sarto (Duomo de Pise) nous prouve que nous n'avons pas une composition novatrice mais une reprise exacte du modèle de la sainte pour la Vierge, cette dernière tient une fleur à la place de la palme de martyr, à ses côtés l'enfant remplace le mouton.

Doit-on voir dans le tableau du Vésinet un pastiche à la manière d'Andrea del Sarto [7] qui aurait été exécuté durant la lère moitié du XIXe siècle peut- être en ltalie, ou bien une œuvre contemporaine  ?

En ce cas, nous attribuerions l'œuvre à l'école d'Andrea del Sarto.

Référence Palissy, IM78001975

Le tableau avait été relégué dans la crypte puis dans un local municipal après la transformation des décorations de l'église répondant aux critères instaurés par le Concile Vatican II (1968). En 2014, à l'occasion des travaux de restauration de l'église, il fut réexaminé et sa restauration fut entreprise. [8]
«  C'est un tableau atypique inspiré de deux œuvres différentes peintes dans le Nord et le Sud de l'Europe. L'une représentait sainte Anne et l'autre sainte Agnès regardant une lumière. De ce fait, la Vierge regarde au loin alors que les codes de l'époque auraient voulu qu'elle fixe l'enfant Jésus  » explique Cécile Garguelle-Hébert [9], conservateur délégué des antiquités et objets d'art des Yvelines, qui a supervisé la restauration. «  Cette toile est liée à l'histoire du Vésinet et à la construction de cette église. Elle a une forte valeur patrirnoniale.  »
Elle a retrouvé désormais sa place dans le décor de l'église Ste Marguerite.

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    Notes et sources  :

    [1] On a dû renoncer à sauver ces grandes toiles qui étaient trop détériorées lorsqu'un nouvel inventaire fut dressé en 2014.

    [2] Les recherches menées à l'occasion du 150e anniversaire de l'église et pour la préparation du livre ont établi que cette toile fut offerte par D'Escrivan (elle serait due à J. Gatti).

    [3] L'Industriel de St-Germain, du 18 novembre 1865. La quête rapporta près de 200 frs.

    [4] Charles Maillard de Broys, Édouard de Naurois, sa vie et ses oeuvres. Le Vésinet. Auteuil. Paris, 1877.

    [5] La maison connue sous le nom de Froc-Robert a été fondée en 1855 par Claude François Besand, architecte jurassien, au 41 puis au 38 rue Bonaparte, à Paris, jusqu’en 1903, date à laquelle elle cessa son activité. La maison Froc-Robert acquit une grande réputation et fut l’un des principaux concurrents de la maison Raffl. Cependant, les lois anticléricales qui se succédèrent au tournant du XXe siècle portèrent un coup fatal à l’entreprise, lui faisant perdre une grande partie de sa clientèle. Elle fut alors contrainte de mettre la clé sous la porte. Cette statue ne figure pas dans l'inventaire de 1986.

    [6] Une fois de plus Léon Maret est confondu avec son homonyme Henri Louis Charles Maret [1805-1884] un prélat et théologien éminent, évèque in partibus de Sura.

    [7] Andréa del Sarto (1486-1530), peintre florentin de la Haute Renaissance.

    [8] L'analyse des pigments a permis de dater le tableau de la fin du XVIe siècle. Les archives paroissiales ont permis d'établir qu'il fut offert à la nouvelle paroisse en 1865 par Paul Edouard Taconnet, propriétaire de Wood Cottage.

    [9] Courrier des Yvelines, 3 février 2016.


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