Jean-Marie Dumont [1] Echos du Passé in Le Vésinet, revue municipale n°48 septembre 1979.
Qui était Villebois Mareuil ?
En France, peut-être plus qu'ailleurs, on aime à perpétuer le souvenir des grands hommes en donnant leur nom à des places, des rues, des avenues. Cette habitude très louable en soi a pourtant des inconvénients. Bien souvent le souvenir des héros se perd et nul ne sait plus la véritable raison de son éphémère notoriété.
C'est le cas du colonel de Villebois-Mareuil, héros oublié de la guerre des Boers qui a ravagé l'Afrique du Sud en 1900, dont une rue de notre Commune porte le nom depuis le 21 décembre 1900.
Georges Henri Anne Marie Victor de Villebois de Mareuil était né le 2 mars 1847 à Nantes. [2] Il était de noble lignée, un de ses ancêtres s'étant illustré à la bataille de Bouvines en 1214. Il fit ses études à Paris au collège des Jésuites de Vaugirard.
A vingt ans, il sort de Saint-Cyr et choisit pour arme l'infanterie de Marine et commence sa carrière militaire en Cochinchine. Mais la guerre de 1870 l'oblige à revenir en France. Nommé capitaine, il participe à la reprise de Blois sur les Prussiens, action au cours de laquelle il est grièvement blessé. Décoré sur le champ de bataille, il passa ensuite neuf mois à l'hôpital où il fut bien prêt de perdre la vie.
En 1877, il entre à l'école de guerre. Pendant son stage il part étudier aux Balkans les champs de batailles de la guerre russo-turque qui vient de se terminer.
Il sort de'l'école en 1879, 11e sur 67 élèves. En 1881 il participe à la campagne de Tunisie.
Le 11 février de cette même année, il épouse Paula Estrangin, une jeune fille de 15 ans plus jeune que lui, fille d'un armateur marseillais. De ce mariage naîtra une fille Simone.
Promu lieutenant-colonel en 1889, il part pour Alger comme chef d'Etat-Major de la division. Il quitte cette ville avec regret en 1892, promu colonel et nommé dans la métropole. A 45 ans, il est le plus jeune colonel de France.[3]
Colonel-comte G.H.A.M.V. de Villebois de Mareuil
Le Vésinet, revue municipale n°48 septembre 1979
Ce militaire aimait aussi écrire. Il rédigea plusieurs ouvrages sur l'organisation de l'armée et même, avant son mariage, plusieurs romans. Mais la carrière de Villebois-Mareuil allait être bouleversée par l'affaire Dreyfus et les séquelles de celle-ci sur l'armée.
On connaît l'affaire des fiches organisée par le Ministre de la Guerre, le Général André. Chaque officier était fiché selon ses convictions politiques et religieuses et Villebois-Mareuil était de droite et fort catholique. Il venait d'être nommé à la tête du 1er régiment de la Légion Etrangère lorsqu'on lui refusa l'autorisation de suivre celui-ci à Madagascar. Ulcéré, très affecté par son récent veuvage, il donne sa démission.
En octobre 1899, éclate la guerre des Boers. Figure marquante des cercles nationalistes français, de Villebois-Mareuil offre ses services au Dr Leyds, envoyé du Président Krüger en Europe.
Quittant Marseille le 26 octobre, il atteint Pretoria à la fin de novembre. Il rejoint les généraux Joubert et Botha à Ladysmith et participe à la victoire de Colenso sur les Anglais. Cette victoire, dont la presse anglaise lui attribua tout le mérite, causa une grande sensation en Europe. Mais les jours du héros étaient comptés. Le 17 mars, le Colonel de Villebois-Mareuil est nommé général et prend le commandement de la Légion des Volontaires Etrangers dont le nombre atteignait près de trois mille.
Après les victoires Boers des premiers mois, les Anglais s'étaient ressaisis et avaient envoyé des renforts de tout l'empire. Villebois-Mareuil décide de tenter un coup de main sur la ville de Boshof mais il apprend le 4 avril que cette ville est fortement tenue par plusieurs milliers d'Anglais, sous le commandement de Lord Methuen. Il décide alors d'aller couper la voie ferrée qui, au sud-ouest, sert au ravitaillement de la ville.
Nous emprunterons à Noël Laurent, le récit de la fin tragique du colonel-comte de Villebois-Mareuil.
« ... Les volontaires sont cernés par des centaines, des milliers de fusillés anglais tirant jusqu'à bout portant avec l'appui de six pièces d'artillerie en batterie à 800 mètres... »
C'est maintenant le lieutenant de Breda qui avait accompagné Villebois-Mareuil dans cette aventure qui raconte la mort de son supérieur : " Il venait de faire baisser les drapeaux blancs qu'on avait hissés contre ses ordres. Un officier anglais arriva sur lui et fut encore abattu d'un coup de revolver. Mais au même instant, il fut atteint au côté droit par un éclat d'obus et il tomba sans prononcer une parole. »
Son adversaire, Lord Methuen, vivement ému par son courage, lui fit rendre les honneurs et le fit enterrer selon les volontés qu'il avait exprimées, près du lieu où il était tombé, dans le cimetière de Boshof.
Villebois-Mareuil repose maintenant depuis 1970 dans le sanctuaire national sud-africain de Magersfontein.
L'annonce de cette mort glorieuse eut un grand retentissement en France. Le duc d'Orléans offrit d'aller chercher le corps du héros sur son yacht. Mais il fallut respecter le testament.
Une messe solennelle de requiem fut chantée le 18 avril 1900 à Notre-Dame devant une assistance considérable. De nombreuses villes donnèrent le nom de Villebois-Mareuil à une de leurs rues. Notre Commune n'a pas perdu de temps, puisque la décision fut prise deux mois et demi après la mort du héros de rebaptiser de son nom la rue de la Station [4]. Le fait d'arme et la bravoure du Colonel cristallisèrent le nationalisme français. Fachoda était encore dans toutes les mémoires et la guerre des Boers avait sérieusement terni le prestige de l'Angleterre qui pour beaucoup de Français restait la perfide Albion. Moins de quinze ans plus tard, les terribles holocaustes de la première guerre mondiale où la France et l'Angleterre allaient combattre côte à côte, donnèrent à la guerre sud-africaine la dimension d'une péripétie coloniale et peu à peu le souvenir du colonel de Villebois-Mareuil s'effacerait.
Puisse cet article contribuer à le rappeler.
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Notes et sources :
[1] Jean-Marie Dumont fut conseiller municipal de 1971 à 1983. Chevalier de Ordre National du Mérite, diplômé d'HEC, il fut sous-directeur au Gaz de France.
[2] Ecrivant son nom de sa main, il écrit G.H.A.M.V de Villebois de Mareuil. Il signe d'abord Georges de Villebois, puis à partir de 1896, Villebois Mareuil.
[3] Chevalier de la Légion d'Honneur en 1871, il est élevé au rang d'Officier en 1896 (L.2718029).
[4] La rue de la Station était devenue en 1882 rue de la Station du Vésinet pour la différencier de la rue de la Station du Pecq qui, elle même, devint rue Alexandre-Dumas en 1898.
 
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