D'après le Journal des Débats Politiques et littéraires, Jeudi 13 novembre 1851.

Vol de moutons dans le Bois du Vésinet

Le parquet de Pontoise fut chargé, au début de novembre 1851, de l'instruction d'une affaire de vol présentant des singularités fort curieuses. "Depuis quelque temps, plusieurs individus avaient formé une espèce d'association pour exercer le commerce des bestiaux, mais en réalité pour commettre des vols. Les rôles avaient été aussitôt distribués, et il fut décidé qu'on exploiterait spécialement les marchés hebdomadaires de Sceaux et de Poissy et principalement le marché de cette dernière ville où l'on pensait avoir plus de chance de succès".
Les choses ainsi réglées, les associés se rendaient assidûment, tous les jeudis, au marché de Poissy où l'un d'eux faisait l'acquisition d'un lot de dix ou douze moutons, sur les sept à huit mille qui y sont exposés en vente à chaque marché. Ils se dirigeaient ensuite tous ensemble vers le bois du Vésinet [1]. Là, ils plaçaient la douzaine de moutons sur le bord de la route en attendant l'occasion d'exercer leur coupable industrie.

Marché à bestiaux de Poissy,

vers 1850.

© BNF.

Après le marché, il arrivait assez souvent qu'un seul berger fût chargé de conduire à Paris un troupeau de cinq à six cents moutons; c'est cette circonstance qui était exploitée par les voleurs. Pendant que l'un d'eux faisait semblant de se reposer près de son petit lot, les autres étaient couchés dans les fossés, et aussitôt qu'un troupeau traversait le bois du Vésinet, ils saisissaient par les pattes tous les moutons qui se trouvaient à leur portée, et ils les marquaient en toute hâte à leur marque avec de la craie rouge préparée à cet effet, puis ils les poussaient immédiatement au milieu du petit lot acheté qui finissait par être plus que décuplé à la fin de la journée. Les vols étaient commis avec tant d'adresse que les conducteurs des troupeaux ne s'apercevaient qu'ils avaient été volés qu'en faisant leur recensement en arrivant aux abattoirs [2].

Esquisses de moutons,

milieu du XIXe siècle.

Les moutons une fois pris, l'un des voleurs (il avait été garçon boucher dans plusieurs étaux à Paris) se chargeait du placement, qui était assez facile pour lui en raison de son ancienne profession et de celle de marchand de bestiaux qu'il prenait actuellement.
Cependant, cette coupable industrie devait avoir un terme. En octobre 1851, l'un de ces individus et l'un de ses complices, qui se disait fermier, voulant étendre leurs relations d'affaires, se rendirent dans une commune du département de Seine-et-Oise avec un lot de moutons qu'ils offrirent en vente à un cultivateur de l'endroit. Le maire de la commune, informé de ce fait et suspectant la légitime propriété des montons, questionna les vendeurs. N'ayant pu obtenir d'eux des réponses satisfaisantes, il les fît arrêter, et envoyer à Pontoise où l'on n'a pas tardé à connaitre toutes leurs manœuvres.
Des mandats d'arrêt furent décernés immédiatement contre leurs complices, et plusieurs furent arrêtés les jours suivants dans le département de Seine-et-Oise. Enfin, le 11 novembre 1851, le service de sûreté auquel on s'était adressé pour ceux qu'on présumait être dans le département de la Seine arrêtait un boucher des environs de Paris, inculpé de complicité par recel, qui fut envoyé aussitôt à la disposition du parquet de Pontoise, chargé de l'information de cette affaire qui fit apparaître des ramifications assez étendues.

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Journal du Cher, 20 juin 1857 [3]

On sait que les troupeaux de bœufs et de moutons dirigés sur Paris sont conduits pendant la nuit, afin de leur épargner les chaleurs accablantes du jour, qui seraient mortelles à ces animaux, aux montons principalement. Ces convois, qui se composent de trois à huit cents têtes de bétail, occupent un long espace sur les routes : les conducteurs ne peuvent donc exercer qu’une surveillance fort imparfaite.
Depuis quelque temps, on a eu lieu de remarquer que des moutons disparaissaient un assez grand nombre le long de la forêt du Vésinet, à leur retour de Poissy. Jusqu’ici, les maraudeurs n’ont pu être découverts. On a constaté néanmoins certaines circonstances dont la concordance fait supposer à bon droit que ces hardis voleurs accomplissent leurs tentatives coupables en se plaçant dans des fossés auprès de la route. Si la nuit est très obscure et si les conducteurs sont loin de là, les malfaiteurs enlèvent les moutons, qu’ils portent, ensuite dans des voitures stationnant au milieu du bois du Vésinet.
L’autorité a pris les mesures nécessaires afin d’empêcher à l’avenir le renouvellement de ces vols.

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    Notes et sources:

    [1] Après la suppression de la Liste civile par la République de 1848, forêts domaniales de l'arrondissement de Versailles, faisant précédemment partie du domaine de cette ancienne liste civile furent mises en adjudication quant au droit de chasse. Le 5 août 1848, les pavillons du nord et du sud du bois du Vésinet furent adjugés au sieur Francois-Maximilien Pied, moyennant 1,050 frs.

    [2] Il y avait alors à Paris les abattoirs de Montmartre, Ménilmontant, Villejuif, Grenelle, Roule et celui de La Vilette, mis en service en janvier 1850, au lieu dit les Petis-Noyers.

    [3] Six ans après l'affaire, tandis que se préparait le projet d'aménagement de la forêt du Vésinet par la Compagnie Pallu, le problème des vols était encore d'actualité


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