D'après Patrick Vazeille, Echos du passé in Le Vésinet revue municipale , n°65 décembre 1983

Histoire d'un parc, Le Vésinet

Il y a cent ans paraissait un ouvrage de 444 pages, intitulé Histoire des jardins chez tous les peuples depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, illustré de plus de 400 dessins [1]. Son auteur, Arthur Mangin, commençait ainsi son étude :

Si j'avais à définir les jardins, je dirais qu'ils sont le chef-d'oeuvre du génie de l'homme, inspiré par le chef d'oeuvre de la nature. En effet, soit que l'on considère les jardins naturels ou les jardins artificiels, on voit que ce qui constitue les uns et les autres ce n'est rien moins que l'harmonieux assemblage des objets les mieux faits pour charmer nos sens et paire à notre esprit.

... ce n'est pas seulement l'histoire anecdotique et la description des jardins, c'est aussi et surtout un essai historique et j'oserai dire philosophique sur les jardins en général et sur l'art des jardins, considéré dans ses rapports avec les moeurs, l'état social ...

La quatrième partie du livre était consacrée aux jardins de cette époque. Dans son introduction sur l'art des jardins au XIXe siècle, Arthur Mangin relevait que la tendance dominante était "au développement des courbes, à l'adoucissement des transitions, à la recherche des effets résultant soit de l'harmonie, soit du contraste des formes et des couleurs. [...] Ainsi, s'est constitué peu à peu le genre qui prévaut aujourd'hui en France, et dont les règles sont désormais nettement établies."

Paul de Lavenne, comte de Choulot (1794-1864)

Parmi les hommes de talent et de savoir, horticulteurs autant que dessinateurs dont la détermination et l'application méthodique avaient fait triompher le style paysage, l'auteur citait le comte de Choulot, le créateur du parc du Vésinet. Parc qui était cité comme exemple, dans le chapitre consacré aux jardins publics français créés au XIXe siècle, de ce que des "spéculateurs intelligents "pouvaient réaliser :

En regard des travaux de luxe exécutés dans les bois de Boulogne et de Vincennes par l'Etat - ou par la ville de Paris, c'est tout un - considérons la transformation analogue qu'une compagnie, dirigée par l'honorable M. Pallu, a fait subir au bois du Vésinet, situé près de Saint-Germain-en-Laye. Le bois du Vésinet n'avait pas, il y a une centaine d'années, meilleur renom que la forêt de Bondy.

En 1856 MM. Pallu & Cie s'en sont rendus acquéreurs, Ils l'ont métamorphosé en un parc magnifique de quatre cent cinquante hectares, avec lacs, rivières, cascades, et le reste. Mais ce parc n'est pas seulement une promenade. Sous ses grands arbres s'élève, avec la rapidité des cités américaines, une ville nouvelle, une ville comme on en voit peu, entièrement composée de charmantes maisons de campagne.

Ces châtelets, ces cottages, appartiennent à des gens du monde, à de simples bourgeois, à de modestes employés, à des artisans même, qui viennent passer là, durant la belle saison, leurs jours de loisir. Le terrain leur a été vendu à bas prix, par lots de toutes grandeurs, avec toutes facilités de paiement. Ils sont là chez eux. Ce sont leurs maisons qu'ils occupent, ce sont leurs jardins qu'ils cultivent ; c'est dans leur parc qu'ils se promènent, car le parc est à eux aussi : C'est le bien de la colonie. Ils ont pour rues des allées ombragées et de jolis sentiers, pour places publiques de vertes pelouses. Ce rêve de la vie à la campagne que caresse tout habitant des grandes villes, et cet autre rêve, non moins séduisant, de la propriété, du toit sous lequel on pourra mourir en paix, du coin de terre que l'on transmettra à ses enfants, ils l'ont réalisé sans s'imposer ni sacrifices ni privations, à l'aide de leurs modestes épargnes.

Voilà ce qu'ont fait au Vésinet des spéculateurs intelligents ; voilà ce qu'ils feront ailleurs lorsqu'on aura compris en France que les meilleures choses et les plus grandes se font ainsi, par libre initiative, par libre contrat, au nom des intérêts privés ; et que rien ne vaut ce qu'on a le droit de prendre ou de laisser, qu'on achète parce que cela vous convient, que l'on paye pour soi et non pour les autres, et qui est à vous lorsqu'on l'a payé.

Ce texte était agrémenté d'une gravure [dont le dessin original, en couleur, est proposé ci-dessus] qui représente le Lac Supérieur, quelque peu arrangé par l'artiste, œuvre d'Auguste Anastasi (1820-1889). Paysagiste et lithographe français, élève de Delacroix et Corot, il est l'auteur de nombreux paysages des environs de Paris, notamment de la région de Fontainebleau, mais aussi de la Normandie, de la Hollande et de Rome, ces derniers étant très appréciés. Pour certaines de ses œuvres, il a trouvé l'inspiration dans les champs et les berges de Seine du voisinage. Il a une allée à Croissy.

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    [1] Arthur Mangin - Histoire des jardins chez tous les peuples depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, 1883. Dessins par Anastasi, Daubigny, V. Foulquier, Français, W. Freeman, H. Giacomelli, Lancelot.

 


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