D'après René Clozier, architecte, pour Foyer-magazine. Revue mensuelle, janvier 1936 [1] – La Revue de l'habitation, avril 1931 [2] et Bulletin de Association nationale des architectes anciens combattants (Paris) n°4, décembre 1931 [3].

René Clozier contre le « nudisme » dans l'Architecture Moderne

La Thèse des architectes modernes nudistes et internationalistes est que la construction se suffit à elle-même. L'œuvre architecturale étant terminée, l'ornement devient superflu et l'architecture étant ainsi réduite à la satisfaction des besoins de l'habitant, sa dernière expression est une cellule de ciment armé, qui peut être construite indifféremment en France, en Pologne ou en Amérique.
D'autres architectes, non moins modernes et qui pensent, tout comme les premiers, que l'architecture doit avant tout répondre aux besoins d'une époque, estiment en outre devoir donner à leur architecture un caractère national et régional.
Nous trouvons, nous, particulièrement néfaste, du point de vue artistique comme du point de vue social, la phobie de la décoration et l'antirégionalisme qui caractérise toute une école d'architectes modernes.
On peut reprocher, en particulier, aux nudistes de prétendre que ce qui caractérise obligatoirement l'architecture moderne c'est l'emploi exclusif d'un certain matériau de construction — matériau merveilleux, mais qui n'enlève aucune valeur au bois, à la pierre, à la brique avec lesquels il est possible de construire dans un esprit aussi moderne qu'avec le ciment armé, si l'on veut s'entendre une bonne fois pour définir l'architecture moderne : toute construction à base de création et non de pastiche.

Une autre erreur des nudistes est de prétendre que ce qui caractérise obligatoirement l'architecture moderne, c'est l'emploi de certaines formes dites modernes, dont certaines résultent de la structure même du ciment armé et sont alors logiques, mais dont d'autres ne proviennent que de la mode ou d'une intrusion bien dangereuse de la philosophie dans l'art. La décoration du 19e siècle n'a aucun rapport avec la construction qu'elle s'emploie à camoufler alors qu'à toutes les belles époques, la décoration est l'aboutissement logique de la construction qu'elle enjolive, en l'extériorisant.
Si le Grand Palais nous apparaît comme chaotique c'est que ses colonnes plus ou moins corinthiennes, ses chapiteaux plus ou moins composites n'ont aucun rapport avec la structure propre de l'édifice, monument en fer dont la belle nef, lumineuse et hardie a, de l'intérieur, grande allure, alors que les façades de Notre-Dame ne sont que l'extériorisation sincère de la construction. Les modernes ont eu un grand mérite : celui de rénover l'excellent principe de la construction apparente et belle par elle-même. Ils ont dénoncé le préjugé des bons matériaux qu'on devait cacher par de bons matériaux. Avec du fer, du ciment armé, on peut faire des chefs d'œuvre. Avec du marbre, de la pierre, on peut faire des horreurs... Jusque là tous les architectes modernes sont d'accord, mais où les nudistes exagèrent, c'est lorsque, justement fiers de la construction devenue apparente, ils éprouvent le besoin de la montrer ... toute nue. C'est lorsqu'on aura trouvé une décoration moderne habillant parfaitement la construction, que l'architecture moderne arrivera à son apogée.
Il est absolument certain qu'actuellement cette phobie de la décoration, prive de travail une pléiade d'artistes qui pendant des siècles ont assuré la suprématie de la France dans les arts plastiques et attiré les étrangers chez nous, en ornant nos monuments.

Une villa au Vésinet [4]

Illustration d'une construction considérée comme ni nudiste ni internationaliste,

déja publiée par Clozier en 1931 [2]

 

Une villa au Vésinet [4]

par R. Clozier architecte D.P.L.G. et de la Préfecture de Police.

    Cette construction présente, vers une belle vue sur le lac [supérieur] du Vésinet, toutes ses pièces habitables, et de l’autre côté les services. Elle comprend :

    1° Au sous-sol, sous toute la surface, une grande buanderie installée, pouvant servir de garage ; une chaufferie et deux caves ;

    2° Au rez-de-chaussée, un grand hall desservant directement water-closet, lavabo, escalier, cuisine installée, avec paillasse de faïence ; évier, revêtement faïence, placard et garde-manger ; enfin comme réception, une grande salle à manger et un salon réunis par une cloison mobile et ouvrant sur une grande terrasse couverte ;

    3° Au premier, deux grandes chambres ouvrant sur une autre terrasse, une loggia, une autre petite chambre, un 2e water et une grande salle de bains toilette ;

    4° Au deuxième, deux belles chambres et deux greniers.

Une Villa au Vésinet (R. Clozier, architecte DPLG)

construite non loin du Lac Supérieur et du Château d'eau.

Adresse actuelle : 18 allée des Bocages.

 


Une Villa au Vésinet (R. Clozier, architecte DPLG)

Elévation postérieure : terrasse et bow-window.

 

Plaque d'architecte encore visible au 18 allée des Bocages, Le Vésinet

cliché shv 2023.

   

Cette courte biographie de René Clozier est parue au même moment que les articles ci-dessus. Epurée de quelques détails superflus (que les lecteurs intéressés pourront retrouver dans les références) elle sera complétée par lquelques données issues des dossiers de l'élève de l'Ecole des Beaux-Arts ou de l'Ordre de la Légion d'Honneur.

    René CLOZIER (1886-1965)

    Architecte, Peintre, Ecrivain

    Né à l'Isle-Adam, le 9 octobre 1886, René Clozier s'est fait apprécier par la diversité de ses dons et de ses productions, s'étant révélé tour à tour comme architecte, peintre et écrivain.[5]

    Architecte de la Préfecture de Police, Clozier, qui a remporté le deuxième prix du meilleur diplôme de sa promotion en 1913, mentionné depuis au Salon des Artistes Français, Sociétaire et membre du Jury au Salon d'automne, après d'importantes constructions en régions libérées et quelques maisons de rapport, monuments aux morts, usines, etc., s'est surtout spécialisé autour de Paris par la construction de très nombreuses villas [...] dont on admirera la bonne composition, la simplicité et l'harmonie. Ce sont ces mêmes qualités que l'on retrouve d'ailleurs dans ses aquarelles et peintures à l'huile. Ce sont elles également que l'on retrouve dans son oeuvre d'écrivain.

    En première ligne, pendant toute la guerre, Clozier trouva le moyen, tout en gagnant deux citations qui comptent parmi les plus belles que nous ayons eues à enregistrer, de distraire ses camarades comme auteur, acteur et organisateur de tournées théâtrales, montant 250 spectacles sur tout le front, de la mer du Nord aux Vosges, en passant par le théâtre Sarah Bernhardt. [...] Enfin, douze ans après la guerre, il écrit de mémoire « Zouaves »,  que toute la critique littéraire s'accorde à reconnaître comme un des meilleurs livres de guerre. [6]

Marié en 1919 à Paris (13e) avec Yvonne Guénot (1890-1983) qui lui a donné deux filles, René Clozier est mort à son domicile parisien, 25 rue Victor-Duruy (15e) le 12 septembre 1965. Son nom figure sur un caveau familial du cimétière communal de Cézy (89) mais le faire-part de ses obsèques indiquait que ses cendres seraient déposées au colombarium du cimetière du Père Lachaise.

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    Notes et sources

    [1] L'article reproduit le résumé d'une causerie faite quelques mois auparavant (mars 1935), devant la section parisienne de la Ligue de l'Organisation ménagère, par René Clozier, architecte, écrivain et auteur dramatique. Foyer-magazine. Revue mensuelle, janvier 1936.

    [2] La Revue de l'habitation n°121 avril 1931 (numéro spécial) dont le sous-titre est Ma petite Maison.

    [3] Bulletin de Association nationale des architectes anciens combattants (Paris) n°4, décembre 1931.

    [4] La photographie servant d'illustration à l'article ci-dessus (sans autre explication) représente une villa publiée en 1931 par René Clozier (voir notes 1 et 3)

    [5] Clozier, René Théophile (1886-1965). Fils d'un couple d'instituteurs. Son père est mort alors qu'il n'avait pas 2 ans.

    [6] Dispensé de service militaire comme orphelin en 1906, il fut affecté en 1914 comme sergent au 1er régiment de Zouaves., Croix de guerre 1914-1918, Médaille militaire, Officier d'Académie, Officier de l'Instruction publique (1932), Chevalier de la Légion d'honneur (1957) en qualité d'architecte et écrivain (40 ans de services civils). Il avait choisi comme parrain Pierre Chantraine qui était alors président de l'Association des écrivains combattants (il compte parmi les habitants célèbres du Vésinet). Ne pas confondre René Clozier avec son homonyme (1888-1987) écrivain, agrégé d'histoire et de géographie, auteur d'une série de Que sais-je sur la géographie de la France.

 


Société d'Histoire du Vésinet, 2023 • www.histoire-vesinet.org