D'après Jean Perrin, Marie-Josèphe Cotelle-Clère, sculpteur, Editions de la Vigie-Dieppe, Mers-les-Bains, 1984.
Les ateliers de Madame Cotelle-Clère
... Comme chacun, l'artiste a noté deci-delà les démarches, rencontres et faits importants de sa carrière.
Dans ses souvenirs, revient fréquemment la mention « Mon Atelier », et, parfois, avec une insistance telle qu'elle en parle comme d'une personne vivante.
Son premier lieu de « création » fut [...] le balcon de la maison familiale de Besançon. Puis, le second, cette pièce que lui concéda quelque temps son oncle et parrain dans la maison de Chatou. La jeune fille ne prit conscience exacte d'un authentique « Atelier » qui lui permit d'œuvrer en statuaire, que chez Claude Grange, à la Villa Montmorency d'Auteuil.
Dès son retour à Paris en 1945, elle avait, en effet, tout essayé pour trouver un local où travailler. Mais ses tentatives de s'embaucher comme vendeuse dans une galerie d'art pour s'en procurer les fonds ayant échoué, et le maigre salaire de ses cours de dessin lui permettant juste de payer ses moulages, elle s'était estimée trop heureuse de bénéficier de cet hébergement provisoire. Cependant, le volume de ses propres ouvrages aurait trop longtemps encombré l'aire pourtant grande de l'atelier du Maître, s'il ne l'avait aidée à trouver un local personnel. C'est alors qu'un de ses oncles devint son « Mécène », en lui offrant les premiers loyers de son atelier. Elle n'oubliera jamais ceux qui l'aidèrent lors de ses débuts.
C'est ainsi qu'en 1948, Grange lui obtint de reprendre, dans la Villa Montmorency même, l'atelier du sculpteur Octobre, récemment décédé. M.-J. Clère est lyrique pour parler de cet événement ! Et, cependant, le moment est critique. Elle ne dispose guère que de quoi payer le transport de ses moulages et sa chambre pour la fin du mois, même après le succès de sa première Exposition.
Et pourtant, « je suis une artiste heureuse, dit-elle : J'ai un atelier !... Aucun obstacle ne peut m'arrêter ». La joie de créer l'emporte sur les incommodités de la verrière qui coule, l'absence de poêle et d'électricité, l'exiguïté du local où il lui reste juste assez de place pour entreposer son début de matériel. Mais, qu'est tout cela au regard de l'artiste, toute à « la joie de créer les œuvres que l'on veut, répète-t-elle, sans souci des modes, des tendances et de l'opinion... ».
M.-J. Cotelle-Clère, La Loire, 1960.
« Créer » s'affirme en elle à la manière d'un besoin de « passer à d'autres le goût du beau et de l'enthousiasme ». Bientôt son éthique personnelle embellira encore cette passion.
Elle travaillera plusieurs années dans cet atelier à quelques-unes de ses principales œuvres, avant de devoir céder pied devant les tracasseries et exigences du propriétaire. Et, lorsque quelques années plus tard, le sculpteur Marie-Josèphe Clère devenue par son mariage Madame E.M. Cotelle-Clère évoquera ses migrations vers son atelier d'Orléans puis à Chatou avant d'aboutir au Vésinet, elle confirmera sa joie de pouvoir enfin donner leur échelle à ses œuvres dans un atelier où l'art est le « seul maître... et l'habitation encore possible ».
A Chatou, on doit à M.-J. Cotelle-Clère le monument dédié « Aux 27 martyrs de la Libération », dans les jardins de l’Hôtel de Ville (cliché) ainsi que le groupe de jeunes danseuses à l'entrée de l'école Victor Hugo ou encore le chemin de Croix de la nouvelle église Sainte-Thérèse. [1]
Au Vésinet
La volonté, la persévérance de Monsieur et Madame Cotelle (-Clère) d'en faire une demeure à leur goût n'étaient pas superflues ! Ladite demeure du Vésinet qui fut celle du peintre Léon Comerre n'était pas un paradis, en dépit des chênes du jardin ombrageant la maison : « L'atelier abandonné depuis 1916, était immense et glacial », nous dit l'artiste : « L'eau pourrissait le plancher. La verrière était brisée... Pas d'eau ni d'électricité... ». Enfin, viendra le moment où l'atelier redeviendra « havre de joie pour les artistes ».
Madame Cotelle-Clère dans son vaste atelier du Vésinet où l'artiste accueille de jeune élèves et enseigne son art. « Elle façonne inlassablement la matière, tantôt aux ciseaux, tantôt au modelage, selon les commandes publiques ou privées »...« Ainsi vierges, pietas, calvaires, chemins de croix, mais aussi monuments aux morts, ou encore bustes d’enfants, d’êtres chers naissent et prennent corps et vie au travers de ses mains, suivant un amour de la tradition et du beau ».[2]
Il n'est pas hors de propos de situer les lieux où se succèdent les artistes, comme de Lieux où résida l'Esprit. Certains, d'ailleurs, ne semblaient-ils disposés de longue date à cette fonction, avant que, depuis deux ou trois décennies les promoteurs n'en aient délogé les peintres et sculpteurs ?
Le « besoin » de réaliser dans leur grandeur monumentale les œuvres auxquelles elle songeait, valurent à M.-J. Clère-Cotelle de subir aussi les affres qu'entraîne la simple opération d'installer son atelier ici ou là. Mais la liste considérable des études, sculptures et autres travaux de l'artiste justifierait — s'il en était besoin — son acharnement à se pourvoir d'un local à elle où ses œuvres puissent naître à la vie.
Les Sirènes de Gémignani
Ce groupe monumental créé en 1945 par le sculpteur Ulysse Gémignani (1906-1973), prix de Rome de sculpture en 1933, attribué au Vésinet en avril 1946 [3].
Il est « vandalisé » une première fois en 1986, les trois Sirènes ayant perdu leur tête.
Marie-Joseph Cotelle-Clère se propose alors de les recréer d'après les photographies mais les trois têtes sont retrouvées au fond du lac.
Les statues sont restaurées par les soins de l'artiste, mais en avril 2013, elles sont de nouveau victimes de malveillance. Deux des trois têtes seront repêchées la troisième restant introuvable.
Une autre sculptrice vésigondine, Christine Blanc, se chargera de la restauration en 2017, dans une facture plus personnelle.
Bien sûr, écrit son ami Robert Falcucci [4] toute l'œuvre de Marie-Josèphe Cotelle-Clère « prouve un tempérament, une maîtrise et le sérieux du travail, mais je puis dire que dans son Charles de Foucauld, son Rodin, son général Leclerc, son Christ de Montmartre s'irradie et scintille l'étincelle du génie. »
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Notes et sources complémentaires :
[1] D'après Suzanne Bertauld, mairie de Chatou.
[2] Florence Mary, dites-le nous, myvesinet.com.
[3] Le groupe dit « L'Eau » ou « Les Sirènes » (ronde bosse, numéro d'inventaire 6768, identifié comme Groupe relié composé de trois figures féminines, en pierre (200 x 180 x 90 cm ; emprise maximale de l'oeuvre sans le socle) fut acheté à l'artiste le 19 avril 1945 par le Fonds national d'Art Contamporain et confié à la Mairie du Vésinet le 22 mai 1946 pour être installé dans le site classé du lac des Ibis. Un autre monument, Les Chasseresses de J. Rivière, installé à la même époque et également vandalisé en 1952, est relégué depuis dans un entrepôt.
[4] Robert Falcucci (1900-1989). Peintre, illustrateur, affichiste, décorateur, auteur de la préface du livre de Jean Perrin dont est tiré le texte ci-dessus.
Société d'Histoire du Vésinet,
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