D'après les Archives des Yvelines (2012) et la Société d'Histoire du Vésinet (2022)

Pourquoi une route de Bergerac dans la forêt du Vésinet ?

Visible dès l'apparition des cartes scientifiques du début du XVIIIe siècle, elle est nommée « route de Bergerac » ou parfois « de Bergeraque » et traverse le bois du Vésinet de part en part selon un axe nord-est sud-ouest. Elle passe par deux des principaux carrefours de la forêt : le carrefour royal (actuel rond-point du Cerf) et le carrefour de Croissy, effacé par les aménagements paysagers du comte de Choulot au milieu du XIXe siècle.

Détail d'une carte du XVIIIe siècle

Plan de la forest du Vezinet fait en l'année 1783 par Main, premier arpenteur en la Maîtrise des Eaux et Forest de St Germain (détail).

Depuis la création de la colonie du Vésinet, les historiens locaux se perdent en conjectures sur la présence de ce nom. Cyrano était-il un familier de notre bois ? Ou est-ce l'hommage fait à un auteur à succès trop tôt disparu ?

    Hercule Savinien Cyrano, dit Cyrano de Bergerac, est né le 6 mars 1619, rue des Deux-portes à Paris. Il tient son nom d'une terre que possède sa famille depuis 1582, située à Saint-Forget dans la vallée de Chevreuse et dénommée « Bergerac » du fait de ses anciens propriétaires. [1]

    Cyrano embrasse d’abord la carrière militaire et s'engage dans les combats opposant Français et Espagnols, lors de la guerre de Trente ans. Blessé à plusieurs reprises, il décide de se consacrer à une carrière littéraire. Il écrit plusieurs comédies, dont Pédant joué et La mort d'Agrippine, ainsi que des romans que l'on qualifierait aujourd’hui de « science-fiction », comme l'Histoire comique des États et Empires du Soleil, inachevée à sa mort, décrivant un voyage imaginaire vers le soleil.[2]

    Poète et libre-penseur, se battant dans de nombreux duels, Cyrano de Bergerac mène une vie tourmentée qui inspirera à Édmond Rostand le personnage principal de sa pièce Cyrano de Bergerac. Il meurt le 28 juillet 1655 à l'âge de 36 ans, après avoir été blessé par la chute d’une poutre, alors qu'il entrait dans la maison de son protecteur, le duc d'Arpajon, à Sannois.[3]

C'est en 1645 que Cyrano attache à son patronyme le nom de « Bergerac », alors même que son père a déjà revendu la propriété !

Portrait de Cyrano de Bergerac par Desrochers (XVIIIe siècle)

La légende accrédite l'origine gasconne erronée du personnage.

Par le plus étrange des hasards, si l'on prolonge sur une carte l'avenue Horace-Vernet, dernier vestige de l'ancienne route de Bergerac (sur une distance d'environ 23 km !) on aboutit à la commune actuelle de Saint-Forget qui s’étire au fil d’un coteau, entre le plateau agricole du Mesnil-Sevin et la vallée boisée de l’Yvette, rivière bordée à l’est par le domaine de Mauvières où Hercule Savinien a passé une bonne partie de sa jeunesse.

Le château de Mauvières au XXe siècle

Cyrano n'a pas connu le corps de logis principal (XVIIIe) mais sans doute ses annexes.

Cyrano, qui n'était pas gentilhomme, n'a jamais mis les pieds en Gascogne et il faudra attendre le XIXe voire le début du XXe siècle pour trouver des éditions plus complètes de ses œuvres, par exemple dans l'édition en deux volumes de Frédéric Lachèvre, Les œuvres libertines de Cyrano de Bergerac, parisien (1619-1655), en 1921, dans la série « Le libertinage au XVIIe siècle ».

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    Notes et sources :

    [1] Le Fonds de la Maison royale Saint-Louis à Saint-Cyr conserve le contrat d'acquisition par Abel de Cirano et sa femme Espérance Bellanger le 3 juillet 1636, du fief de Bergerac, relevant de la Seigneurie de Chevreuse (Archives des Yvelines, D1556). Le fief de Mauvières, dont le premier seigneur connu est Bernard de Malverius (XIIe siècle), a été donné par le duc d’Anjou à Ramond de la Rivière de la Martigue dans la deuxième moitié du XVIe siècle, en remerciement de son aide contre les Anglais pour reprendre Bergerac. Celui-ci donne alors aux terres de Mauvières le nom de Bergerac. Les châtelains sont désormais seigneurs de Mauvières et de Bergerac.

    [2] Les œuvres principales de Cyrano de Bergerac sont publiées à titre posthume, notamment son diptyque romanesque, Les États et empires de la lune et du soleil. Rédigés à partir de 1650, ces textes ont d'abord circulé sous forme manuscrite, avant de paraître deux ans après sa mort. En 1657, Charles de Sercy fait paraître un volume intitulé Histoire comique par Monsieur de Cyrano Bergerac, contenant les Estats & Empires de la Lune.

    [3] 78 personnalités illustrent les Yvelines, Archives Yvelines, 2012.


Société d'Histoire du Vésinet, 2023 • www.histoire-vesinet.org