Laboulaye, Ch, Dictionnaires des Arts et Manufactures, de l'agriculture, des mines., etc., Tome 1, Paris 1873 - Les chemins de fer Chemins de fer atmosphériques La première idée d'un chemin de fer atmosphérique est due à un Anglais nommé Vallance, qui la conçut dès 1824 mais elle ne fut mise en exécution que beaucoup plus tard par MM. Clegg et Samuda, qui établirent un chemin de cette espèce de 2 722 mètres de longueur, en Irlande, entre Kingstown et Dalkey. Voici en quoi consiste ce système: Au milieu de la voie se trouve un tuyau en fonte alésé à l'intérieur, dans lequel se meut un piston qui se divise en deux parties ; si à l'aide d'une machine pneumatique on fait le vide dans l'une du ces parties, le piston se mouvra en vertu de la différence des pressions exercées sur ses deux faces et pourra entraîner dans son mouvement un poids variable, dépendant de l'étendue de sa surface et de la perfection du vide; toute la question consiste donc à transmettre le mouvement de ce piston au convoi. La tige métallique C (fig. 56) fixée au premier wagon du convoi est liée à un châssis qui porte à une de ses extrémités le piston moteur, et à l'autre un contre-poids qui sert à l'équilibrer. M. Hallette avait proposé de remplacer la soupape compliquée que nous venons de décrire par deux boyaux en cuir, ou autre tissu quelconque imperméable, remplis d'air comprimé; ces deux boyaux seraient renfermés sur la plus grande partie de leur pourtour, dans deux petits tubes placés sur les deux rebords parallèles de la rainure du tube propulseur (figs. 58 et 59), de manière cependant à se presser par une partie de leur surface. Ces boyaux étant élastiques laisseraient aisément passer la tige métallique communiquant au convoi le mouvement du piston, et se refermeraient d'eux-mêmes immédiatement après. M. Hédiard a aussi inventé un mode de fermeture assez satisfaisant, et qui consiste en deux ressorts flexibles formant deux lèvres et serrant un cuir gras. Nous n'insisterons pas sur les imperfections évidentes d'un système aujourd'hui abandonné. D'un côté, les pertes par la soupape longitudinale (si difficile à conserver hermétiquement fermée sur de grandes longueurs) sont considérables, et croissent proportionnellement à la longueur du tube propulseur ; de l'autre, le frottement du piston contre les parois du tube propulseur, étant un frottement de glissement, est assez considérable par suite de l'étendue des surfaces frottantes, le piston ayant un fort diamètre. Sous ce rapport, le piston adopté au chemin de fer de Paris à Saint-Germain, et que représente la fig. 60, est très bien combiné. Il se compose d'un disque d'un diamètre un peu inférieur celui du tuyau, et portant un cuir embouti pour rendre la fermeture complète. Un double piston assure toute garantie à cet égard. Indiquons aussi l'avantage qu'offre ce piston, qu'il suffit de l'incliner à l'aide du levier l e pour que le système se meuve sans résistance, par exempte pour descendre, par la seule action de la gravité, la pente le chemin que le chemin de fer atmosphérique a pour objet de franchir. Le chemin de fer atmosphérique n'a pas dépassé l'état d'essai ; aussi les questions de passage de niveau, des changements et croisements de voies, etc., sont loin d'être résolues d'une manière satisfaisante, et rien ne prouve qu'on puisse atteindre ce résultat. Malgré cela, nous pensons qu'il ne sera pas sans intérêt de dire quelques mots sur le chemin qui se relie à celui de Paris au Pecq, et arrive au pied du château de Saint-Germain, sur la place de l'église principale et à l'entrée de la forêt. Le système atmosphérique y est établi sur une longueur de 2 500 mètres, depuis la plaine, dans le bois du Vésinet, jusqu'au plateau, dans le parterre de Saint-Germain ; une différence de niveau de 54 mètres est rachetée par une pente de 1 950 mètres. Deux doubles machines à vapeur sont placées à Saint-Germain les cylindres des machines vapeur ont 0,80m de diamètre; les pistons ont 2 mètres de course et 2 mètres de vitesse par seconde. Les pistons des cylindres pneumatiques ont 2,53m de diamètre et 2 mètres de course; leur vitesse est de 0,40m par seconde, et ils aspirent chacun, dans cet intervalle de temps, 2 mètres cubes d'air. Les quatre cylindres des machines à vapeur ci-dessus représentent une force de 400 chevaux-vapeur. Les chaudières occupent un vaste bâtiment et se composent de 12 corps cylindriques réunis deux à deux et avec un foyer par couple chaque corps cylindrique a 3 mètres de long et 1,10 m de diamètre, et au-dessus sont des réservoirs cylindriques de vapeur de 0,80m de diamètre et de 2,80m de hauteur. Comme ces machines ne sont destinées à fonctionner que 3 a 4 minutes par chaque passage de train, on tient le feu constamment allumé sans trop de dépenses en fermant les registres de tirage, et, au moment voulu, on le ranime à l'aide d'un ventilateur. La consommation est d'environ 3,000 kilos de charbon par 24 heures. Deux petites machines séparées, de la force de 25 chevaux, font le service de l'eau pour les chaudières et de la condensation pour les machines; elles font également la ventilation du foyer et les mmanoeuvres de descente du train, à l'aida de cabestans pneumatiques ; une autre machine placée au bas de la côte élève l'eau de la Seine pour alimenter les appareils. Ces diverses machines sont sorties de l'atelier de M. Ballotte, d'Arras, et ont été construites sur les plans et sous la direction de M. Eugène Flachat.
A la rampe de Saint-Germain, le tube propulseur a 0,6m de diamètre, pèse 500 kilos par mètre courant et coûte seul environ 200,000 frs par kilomètre. Le prix total du chemin de fer atmosphérique s'est élevé à 1 800 000 frs par kilomètre. La vitesse obtenue régulièrement depuis l'ouverture du chemin atmosphérique de Saint-Germain, qui a eu lieu le 44 avril 1847, varie, suivant la pesanteur des convois, de 32 à 70 kilomètres à l'heure. Un wagon, chargé d'un poids égal à celui de 40 voyageurs, lancé dans la gare de Saint-Germain et abandonné à lui-même, acquiert dans la descente une vitesse maximum de 77 kilomètres à l'heure, qu'il perd ensuite peu à peu jusqu'à son arrêt naturel sur la partie horizontale dans le bois du Vésinet. Le système atmosphérique est aujourd'hui abandonné sur les chemins de Londres à Croydon, de Dublin à Kingstown, comme sur celui de Saint-Germain [1]. La traction se fait par locomotives. Les frais de premier établissement sont trop considérables ; la perte de force qui résulte de l'emploi de la soupape longitudinale toujours perméable à l'air est énorme et ne permet pas de compter sur un abaissement moyen de la colonne barométrique de plus de 0,37m ; il n'est pas possible d'employer économiquement de puissantes machines fixes qui ne fonctionnent que pendant quelques minutes chaque jour. Ou n'a jamais pu songer sérieusement à en faire application ailleurs que sur quelques plans inclinés exceptionnels et les progrès réalisés dernièrement dans la construction des locomotives rendent assez improbable qu'on y ait de nouveau recours. Notes : A noter aussi l'étude très complète et remarquablement documentée de Paul Smith « Les chemins de fer atmosphériques », publiée en deux parties dans In Situ 10, 2009, [http://insitu.revues.org] éditée par le Ministère de la culture et de la communication, direction générale des patrimoines. Le cas du Vésinet est détaillé dans la seconde partie.
Société d'Histoire du Vésinet, 2009 - www.histoire-vesinet.org |