Source: Académie des Sciences morales et politiques. - http://www.asmp.fr - Nécrologie de
Jean Cazeneuve Mes chers confrères,
Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure,
agrégé de philosophie, docteur en lettres et diplômé de Harvard, Jean
Cazeneuve a tout d'abord été pensionnaire de la Fondation Thiers de 1946
à 1948, puis maître de conférences à la faculté des lettres d'Alexandrie
jusqu'en 1950. Chercheur au CNRS, il participa à une mission ethnologique
chez les Indiens Zunis du Nouveau-Mexique. Devenu maître, en 1959, puis
directeur de recherche, de 1964 à 1966, au CNRS, il fut élu professeur
de sociologie à la Sorbonne en 1966. Il enseigna également à l'université
de Louvain de 1963 à 1964.
Mais, jetant dix ans plus tard, un regard en arrière sur l'évolution des trois chaînes de télévision nées de l'éclatement de l'ORTF, notre confrère déplorait dans les colonnes du Matin un fâcheux recul des "limites de la décence", lui qui estimait qu'il convenait de tenir compte des "goûts du public, ne serait-ce que pour les affiner". Le souci humaniste, on le voit, celui de "l'honnête homme" cherchant à utiliser à des fins nobles les outils de la modernité, fut en effet toujours le sien.
Philosophe, sociologue, ethnologue, autorité
reconnue dans le domaine de l'audiovisuel, il exerça aussi ses talents,
de 1978 à 1980, comme ambassadeur permanent de la France auprès du Conseil
de l'Europe à Strasbourg. Quelques années plus tard, en 1988, il put mettre
à profit cette expérience de diplomate lorsqu'il succéda à Maurice Schumann
à la présidence du Centre d'études diplomatiques et stratégiques. Ses
nombreuses activités, comme par exemple la vice-présidence du Haut Comité
de la langue française ou encore la présidence du Centre national de la
communication, ne le détournèrent pas de notre Académie. Il contribua
au contraire très régulièrement, jusqu'à ce que ses forces ne lui permettent
plus de participer à nos travaux, au rayonnement de notre compagnie. En
1983, succédant à Suzanne Bastid, il assura une année de présidence consacrée
à "la communication". Reprenant des thèmes qui lui étaient chers,
il se pencha particulièrement sur l'influence de la télévision sur la
culture et sur l'ordre des valeurs, sujets dont l'actualité semble encore
plus prégnante aujourd'hui qu'il y a vingt ans. A qui n'aurait ni connu ni lu notre défunt confrère, cette bibliographie très partielle pourrait donner une impression d'austérité rebutante. Mais ce serait méconnaître un des traits les plus marquants de la personnalité de Jean Cazeneuve : son optimisme et son humour. L'oeil toujours malicieux et le sourire aux lèvres, il irradiait un authentique bonheur de vivre. Parmi ses ouvrages que je n'ai pas cités figurent la Psychologie de la joie, Bonheur et civilisation, Aimer la vie, De l'optimisme, et surtout son dernier livre, magnifique testament philosophique publié en 1999 : Les Roses de la vie. Variations sur la joie et le bonheur. Voilà pour l'optimisme, viscéral et raisonné à la fois, qui faisait écrire à Michel Droit, en juin 1977 dans les colonnes du Figaro, que Jean Cazeneuve était un "prophète du bonheur, nageant avec courage à contre-courant des modes intellectuelles dominantes". Quant à l'humour, il se cristallisa dans deux livres aussi exquis qu'érudits : Le Mot pour rire en 1983 et Du calembour, du mot d'esprit en 1996. Lorsqu'en juin 1999, notre confrère Yvon Gattaz, alors Président de l'Académie, décida de consacrer une séance à "l'humour dans le sérieux", il fit naturellement appel à Jean Cazeneuve. Permettez-moi donc, pour conclure, de citer trois phrases de cette communication, dont la profondeur mérite méditation:
Pour saluer la mémoire de notre confrère, je vous demande de respecter une minute de silence.
Société d'Histoire du Vésinet, 2005 - www.histoire-vesinet.org |