D'après le musée virtuel du protestantisme (Fondation pasteur Eugène Bersier), 2003-2016 ; données complémentaires, SHV 2016.

Les origines de la banque Courvoisier Berthoud & Cie

Plusieurs familles protestantes, venues de Suisse, se sont illustrées dans la création de banques au XIXe siècle à Paris.
Jean-Jacques Henri Berthoud (1736-1811), est originaire de Fleurier, village du Jura suisse, depuis longtemps passé à la Réforme. Protestant fervent, il est « ancien d'église ». Il dirige une petite fabrique de montres – de véritables bijoux, grâce à la beauté des matériaux et des formes – et envoie à Paris en 1785 ses fils Henri puis Jonas, afin d'y ouvrir une succursale.
Jonas Berthoud (1769-1853) étend de façon très importante l'activité de son établissement en ouvrant des comptoirs en province puis à Londres et à Genève. Mais la Révolution française que Jonas vit à Paris, lui permet de transformer peu à peu son activité d'horloger bijoutier en gestionnaire de fortunes abandonnées, sur le sol français par les émigrés.
La probité et la compétence financière de Jonas, lui assurent une clientèle de plus en plus importante d'aristocrates et pendant les années incertaines du Directoire et du Consulat, il reste horloger, tout en cherchant à développer son activité bancaire. Dès les premières années de l'Empire, son frère Auguste, le rejoint, puis après le retour de Jonas en Suisse en 1813, prend seul la direction de la banque Berthoud Frères, dont les activités en continuelle augmentation lui permettent de rejoindre le groupe très fermé des banques privées parisiennes : Rothschild, Hottinguer, Mallet, Hentsch.
Les fils, cousins, neveux toujours très protestants par leur éducation et par leurs mariages entrent dans l'affaire. La banque a beaucoup diversifié ses placements ; elle soutient par exemple les campagnes de pêche des baleiniers qui partent au-delà du Cap de Bonne-Espérance jusqu'en Australie, en Chine où à Tahiti. Mais les soubresauts politiques de la première moitié du XIXe siècle atteignent sa maison comme les autres « maisons de banque ». Pourtant, comme elles, Berthoud Frères profite du développement industriel et en particulier de l'extension du réseau ferroviaire, possèdant notamment des actions et obligations dans la construction de celui-ci.
Lorsqu'éclate la Révolution de Février 1848 à Paris, Louis est seul associé gérant. La crise économique et financière qui règne sur le pays conduit à un effondrement de la Bourse.
En 1851, la raison sociale se transforme en Louis Berthoud & Cie. Les affaires sont florissantes jusqu'en 1870 où le pays se trouve menacé par la guerre tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Les affaires sont partout arrêtées. Pour poursuivre ses activités, Louis Berthoud participe aux grandes opérations financières nationales ou privées.
A la mort de son père en 1884, puis de son frère, Edouard Berthoud dirige les affaires ; le nom devient Edouard Berthoud et Cie de 1896 à 1910. Il fait entrer ses neveux Jean-Louis et Charles Courvoisier, fils de sa sœur, suivis d'André [1] le cadet quelques années plus tard. La maison familiale devient Berthoud Courvoisier & Cie de 1910 à 1912.

Les frères Courvoisier

A la mort d'Edouard Berthoud, Jean-Louis Courvoisier devient directeur de l'établissement qui s'appelle dès lors Courvoisier Berthoud & Cie, de 1912 à 1931. Jean-Louis Courvoisier ouvre de nouveaux secteurs d'investissements à la banque : celle-ci participe à la fondation des Forges et Aciéries d'Ugine, possède des actions dans le Groupe Industriel de la Distribution d'Electricité et de la Société Générale d'Entreprises.

Charles Courvoisier (1876-1933) dans son jardin du Vésinet.

Associé à ses frères, Jean-Louis et plus tard André, il fut aussi administrateur des Forges électriques Girod. Comme financier et comme membre de la colonie suisse parisienne, il fut trésorier de la Chambre de Commerce suisse en France où il fit un gros effort pour le rapprochement économique des deux pays.
Mais c'est comme philanthrope qu'il a joué un rôle éminent durant la première guerre mondiale. Fondateur de l'Œuvre des Colonies étrangères en France, trésorier de la section suisse, il en fut un des membres les plus actifs. Il fit en sorte de faciliter pour les familles françaises indigentes ou très modestes les visites à leurs parents internés en Suisse. Il œuvra aussi au rapatriement des prisonniers civils.
Il fut aussi trésorier général de la Cité des Fleurs, œuvre protestante fondée en 1866 par lady Harriet Cowper, reconnue d'utilité publique en 1915, de nos jours hôpital privé spécialisé en gériatrie.
Marié avec Jeanne Berthoud arrière petite fille du fondateur de la banque Berthoud, ils eurent cinq enfants dont la dernière, Suzanne [2], est née au Vésinet en 1924.
Le nom de Charles Courvoisier figure parmi les souscripteurs de la Maison du Combattant, avenue du Général Clavery. Il était alors propriétaire d'une villa au 5, avenue du Belloy. La famille Courvoisier fit don à la paroisse réformée du Vésinet, en 1911, d'un orgue de Salon que la paroisse fera ensuite agrandir. [3]
Charles Courvoisier est mort à l'hôpital de Neuchâtel, en Suisse, après une courte maladie, le 9 mars 1933.

Pour faire face aux finances qu'exige le développement des affaires commerciales, Jean-Louis Courvoisier fonde la Banque Courvoisier avec des souscripteurs trouvés pour la première fois en dehors de la famille fondatrice et un Conseil d'Administration constitué d'anciens associés et de clients fidèles. Cette formule des deux banques donne quelque temps satisfaction mais rapidement la crise de 1929 touche la France et les deux maisons, pour avoir soutenu deux nouveaux secteurs – le cinéma et les motocyclettes – en principe prometteurs mais mal dirigés, se voient contraintes de déposer leur bilan en 1931. Jean-Louis Courvoisier ne renonce pas et avec l'aide de son fils Jean [4], ouvre la même année une nouvelle banque, Courvoisier Fils & Cie, au capital de 1 million de Francs réuni grâce aux amitiés que la famille a su conserver au travers de cette épreuve.


La villa Courvoisier, 5 avenue du Belloy au Vésinet (Collection particulière)
La propriété qui couvrait alors plus de 8000 m² a été plusieurs fois divisée depuis.

De son côté, la banque Odier Bungener, de tradition protestante elle aussi, se rapproche de Courvoisier Berthoud, et au milieu du XXe siècle, la nouvelle raison sociale devient OBC, banque privée. [5]
Celle-ci affirme toujours haut et fort son appartenance au protestantisme, puisque son directeur général est président de la Fédération protestante de France de 1970 à 1977, et Charles Bungener, autre associé, Trésorier général de la même Fédération.
La banque sera nationalisée de 1981 à 1986. Elle appartient aujourd'hui au groupe ABN AMRO.

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    Notes et sources :

    [1] André Courvoisier s'engagea dans la Légion étrangère en 1914 avec le grade de Capitaine. Il fut gravement blessé en 1918. Croix de Guerre avec de nombreuses citations et Légion d'honneur. Il fut associé de ses frères jusqu'en 1922.

    [2] Suzanne Courvoisier (1924-1999) - mariée à Albert Vernet (en 1952) et Alexis de Schulthess.

    [3] Toujours en tribune, au-dessus du choeur, l'orgue du temple du Vésinet (Cavaillé-Coll – Mutin 1901) est un ancien orgue de salon de la famille Courvoisier. Il fut donné en 1911 à l’église réformée. Il sera agrandi en 1979 par Muller (12 jeux, 2 claviers de 56 notes, Pédalier de 30 notes. Traction mécanique. Console en fenêtre). Archives départementales des Yvelines.

    [4] Jean Courvoisier , né le 19 septembre 1904, à Paris, Jean Courvoisier, ingénieur civil des mines, a fait sa carrière à la banque Odier-Bungener-Courvoisier et Cie, dont il a été le président. En 1948, il a dirigé le service de l'aumônerie des camps de prisonniers. Il fut, ensuite, président de la Société des missions évangéliques. Élu, en 1970, président de la Fédération protestante de France, il le restera pendant sept ans. Il était particulièrement attaché à l'unité des Églises. Il laisse le souvenir d'un homme modeste, désintéressé, dont le rayonnement est international. Le Monde 5 mars 1982.

    [5] Banque Odier, Bungener, Courvoisier et Cie, Calmann-Levy, Paris, 1988.


Société d'Histoire du Vésinet, 2016 - www.histoire-vesinet.org