D'après Béatrice Vivien dans "L'Empereur et l'Ouvrière" Ed. Le temps de lire (2011)

La chapelle de l'ancien Asile impérial

L'arrêté du 5 décembre 1997 inscrivant l'hôpital, ancien asile impérial, à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques précise que cette protection concerne « les façades et toitures de l'hôpital, ainsi que sa chapelle et son parc (cad. AR 73 à 79) ». Ainsi, la chapelle est le seul élément intérieur à être concerné par cette protection. [1]
La chapelle est située en position axiale, au fond de la cour d’honneur. Elle surmonte le vestibule du bâtiment principal, dans l’axe de l’allée centrale. Elle est coiffée du grand dôme carré qui la met en évidence. Ce dôme à l’impériale, était à l’origine surmonté d’une couronne également impériale.
L’intérieur de la chapelle, conservé dans son état d'origine, est dit de style byzantin, faute de mieux. [3] De plan carré, la chapelle est couverte par une voûte surélevée sur croisée d’ogives, ouvrant de chaque côté par trois occuli qui donnent un éclairage sommital. Les trois fenêtres lancéolées sont ornées de vitraux. [2]

Deux des trois vitraux modernes dus à Emmanuel Chauche (1938-2021)

mis en place en 1986 pour remplacer les grisailles d'origine.

La chapelle s’ouvre par deux larges arcades sur les ouvroirs permettant ainsi à l’ensemble des convalescentes de suivre les offices. Le décor peint au pochoir sur les murs (fleurs sur fond ocre) et sur la voûte (étoiles aujourd’hui disparues) est complété par des motifs de draperies en trompe-l’œil d’inspiration « byzantine » entre les pilastres composites de la partie supérieure et, autour des arcades, de frises de pampres de vigne, gerbes de blé accompagnant des lys et l’inscription : « edent pauperes et laudabunt dominum ». Placé au centre, l’autel mêle références italiennes et byzantines : table et tabernacle sont surmontés d’un dais d’exposition encadré par quatre anges céroféraires qui, juchés sur des colonnes, semblent matérialiser le départ d’un vaste ciborium dont le ciel serait la coupole de la chapelle.
Eugène Laval, l'architecte, a entièrement pensé le décor et le mobilier de la chapelle, décrits ainsi par Sophie Cueille [3]

    Les murs sont recouverts d’un décor peint de fleurs sur fond ocre. Des draperies en trompe l’œil couvrent les murs, des frises de pampre et de vignes, symboles eucharistiques, entourent les fenêtres. L’autel, en position centrale dans la chapelle, est surmonté du tabernacle entouré de quatre anges porteurs de cierges. Un dais est peint en trompe l’œil au sommet de la voûte.

Chapelle de l'Asile. Vue d'ensemble (à gauche) et arcade donnant sur l'ouvroir (à droite).

Clichés SHV 2010.

 

Chapelle de l'Asile. Autel : vue d'ensemble (à gauche) et tabernacle avec l'ostensoir (à droite).

Clichés SHV 2010.

Le mobilier, les vêtements, les objets liturgiques dont quelques-uns ont été conservés, avaient été commandés et achetés selon les prescriptions des Commissions [4] et prévus avec le plus grand raffinement, compte tenu du statut impérial de l'établissement. Leur descriptif a été publié par Béatrice Vivien [5]

    L’ostensoir, ainsi que les chandeliers, sont en cuivre doré ; le calice et le ciboire sont en argent doré, ainsi que le plateau qui soutient les burettes de cristal. Dans le diocèse de Versailles, on exigeait un pavillon de ciboire. Celui en usage ici était donc un pavillon en soie garni d’or fin. La croix pour les enterrements ainsi que le bénitier sont en cuivre argenté. Un antiphonaire, deux vases à fleurs en porcelaine, une boîte à pain d’autel, une boîte à encens, un goupillon en cuivre verni, un éteignoir de souche avec bâton, une coquille à eau bénite en bronze, dorée à l’intérieur, un étui pour l’ostensoir, un étui pour le calice, une garniture de tout l’intérieur du tabernacle en damas de soie forment une liste jugée indispensable. Les vêtements sont d’une grande richesse et couvrent l’année liturgique: chasuble de moire cramoisie pour les jours de grande fête ou les célébrations de martyrs, médaillon brodé en soie jaune avec le voile de calice en soie jaune au chiffre de Jésus.

    D’autres chasubles en moire blanche pour les fêtes, au chiffre de Marie, en moire verte pour les jours ordinaires, médaillon brodé en soie blanche, voile de calice au chiffre Jésus, enfin en moire violette et noire pour les périodes de l’Avent, du Carême et les deuils forment un ensemble complet. Tout le linge nécessaire à la célébration de la messe est prévu par douzaines : amicts, purificatoires, lavabos, corporaux, nappes et garnitures d’autel. Aubes, rochets, surplis de baptiste garnie de tulle complètent le vêtement du prêtre avec deux étoles pastorales dont l’une en soie blanche, brodée d’or fin avec des bouquets et l’autre en soie rouge, revers violet.
    Les enfants de chœur ne sont pas oubliés avec les soutanes, aubes de toile, ceintures et calottes rouges.
    Les ornements d’église ne diffèrent de ceux de Vincennes que par le style qui, ici, sera Renaissance.
    Les prie-Dieu sont prévus : huit prie-Dieu ordinaires, huit chaises prie-Dieu pour les religieuses et six autres de plus grande taille, comme à Vincennes. Le banc de communion de la chapelle est jugé de la plus indispensable nécessité pour que les femmes de l’Asile puissent accomplir leurs devoirs religieux. Douze crucifix en zinc bronzé sont prévus pour orner les pièces principales et rappeler la religion.

    On procède à l’achat des ornements et objets nécessaires aux enterrements qui se feront obligatoirement à la chapelle, le cimetière étant situé à l’extérieur de l’établissement : drap mortuaire, garniture d’autel, chape noire, rituel, office des morts. La chapelle étant isolée du promenoir et de l’ouvroir par deux portes en bois découpé à jour, l’intérieur de la chapelle est exposé à la vue.

Histoire

Le premier aumônier de l’hôpital sera le Père Jean-Baptiste Bissinger (1805-18..) [6] auquel succédera en 1864 le père Joseph Léturgie (1801-18..) originaire du Pas de Calais. L’abbé Léturgie, ancien aumônier du couvent des Dames de la Nativité et ancien curé de Mareil-Marly, était au moment de sa nomination premier vicaire de la paroisse de Saint-Germain-en-Laye.
Aucune loi n’imposait la présence d’un aumônier mais les archives donnent à penser qu'on faisait très souvent appel à lui pour assurer le service religieux. La Restauration laissait aux commissions administratives le soin de déterminer les modalités du culte. Mais ce sont des règlements intérieurs qui fixent le nombre et le salaire des aumôniers, sous le contrôle des préfets. Le système subsistera jusqu’à la loi de 1905.
La chapelle fut le théâtre d'événements historiques importants, à commencer par sa bénédiction lors de l'inauguration de l'Asile impérial le 20 septembre 1859.

Vue intérieure de la chapelle le jour de la bénédiction, 20 septembre 1859, par Mgr l'Archevêque de Paris.

Gravure et légende parues dans Le Monde illustré du 8 octobre 1859. [7]

    A onze heures, Mgr Mabile, évêque de Versailles, a été reçu par l’aumônier de la chapelle de l’asile, il était accompagné de M. le curé de Croissy, assisté lui-même de tout le clergé de la paroisse.

    S. Exc. le ministre de l’intérieur; MM. Ferdinand Barrot, sénateur, Manceaux, conseiller d’Etat, Letellier, Lafosse, Charles Robert, maître des requêtes, tous quatre membres de la commission des Asiles Impériaux ; le conseiller d’Etat secrétaire général du ministère de l'intérieur; M. Multedo, chef du cabinet du ministre; le préfet de police, le préfet de Seine-et-Oise, le secrétaire général et les conseillers de préfecture du département; M. de Watteville, inspecteur général des établissements de bienfaisance; M. F. Normand, chef de bureau des mêmes établissements; des sénateurs, des députés au corps législatif, des conseillers d’Etat, les directeurs des divers établissements généraux de bienfaisance, le directeur de l’asile ou Vésinet, M. le vicomte de Lastic ; toutes les autorités, enfin, invitées à la cérémonie, ont immédiatement occupé, dans la chapelle, les places qui leur avaient été réservées...[8]

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    Notes et sources :

    [1] En 2016 une demande de classement comme Monument Historique à part entière de la chapelle fut rejetée, ce qui réduit à néant les chances d'obtenir, avant longtemps, ce statut.

    [2] Ceux que l'on peut voir de nos jours ont été réalisés en 1986 par Emmanuel Chauche, maître-verrier installé boulevard Carnot au Vésinet, pour remplacer les vitraux d’origine (grisailles).

    [3] Ce classement découle d'un article dans Le Moniteur des Architectes (1863-1865), l'expression exacte étant « dans le goût des églises byzantines ». Dans l'inventaire de 1986, on précise que « l'ensemble a été conçu selon un goût qualifié par les contemporains de byzantin ».

    [4] Sophie Cueille dans Le Vésinet, modèle français d'urbanisme paysager (1858-1930) Cahier de l'inventaire n°17, Imprimerie Nationale, Paris, 1989 (rééd. 2002).

    [5] Dès le début de la mise en fonction de l'asile impérial, des commissions ont été mises en place pour en assurer le fonctionnement : Commission d'ameublement, commission d'habillement, ... dont les archives partiellement conservées et publiées depuis l'inventaire général de 1986, permettent de reconstituer certains aspects de la vie de l'établissement.

    [6] Jean-Baptiste Bissinger était apparenté à une famille (Bissinger) de villégiateurs du Vésinet d'origine allemande.

    [7] La légende de la gravure mentionne « Mgr l'archevêque de Paris » mais les articles de presse sont unanimes pour attribuer à Mgr Mabile, évêque de Versailles, cette bénédiction.

    [8] Le Messager de Paris, 1er octobre 1859.


Société d'Histoire du Vésinet, 2024 • www.histoire-vesinet.org