D'après Edouard Clavery, La mort tragique du Général Clavery, Paris, 1941 [1]

Hommage d'Henri Cloppet au Général Clavery (1930)

Dans son ouvrage consacré à la mort tragique de son frère, le Général Amédée Clavery, Edouard Clavery qui est alors maire adjoint rapporte le discours prononcé par Henri Cloppet, Maire du Vésinet lors de l'inauguration de la plaque portant, pour l'ancienne Rue Latérale, le nom nouveau de "Général Clavery" le 14 juillet 1930, en coïncidence avec l'inauguration de la Maison du Combattant.

    ...Messieurs, chers camarades...

    Le Président de la section du Vésinet U.N.M.R.A.C.[2] et le Président de l'U.N.M.R. viennent de vous exposer les raisons profondes qui nous ont fait construire au Vésinet la Maison du Combattant sorte de foyer des Anciens Combattants de la Grande Guerre. Au nom de la Municipalité du Vésinet permettez-moi de vous parler d'un de ses enfants mort au Champ d'Honneur.

    Sans doute ils sont nombreux les enfants du Vésinet qui ont donné leur vie à la Patrie ; sans doute ils sont nombreux les enfants du Vésinet qui portent dans leur chair la marque indélébile des sacrifices loyalement consentis à la France, mais si je juge nécessaire aujourd'hui de vous parler de l'un d'eux en particulier, c'est que, au-delà de l'enceinte du Vésinet, au-delà même des mers, d'autres ont pensé rendre hommage au Général Clavery. Rabat au Maroc a dénommé une rue de son nom. Un monument a été élevé par les soins du Gouvernement français au Djebel Arlal dans le sud Oranais, à l'endroit où il est mort [3]. L'Ecole militaire de Saint-Maixent a voulu commémorer le souvenir de son héroïsme et de son abnégation en donnant à une promotion le nom de Général Clavery. Celui-ci né à Paris en Janvier 1870, troisième d'une famille de neuf enfants, était donc tout jeune quand ses parents, son père Paul Clavery, alors directeur des Consulats, vinrent habiter Le Vésinet. On peut dire que la famille Clavery est une des plus anciennes de notre coquette cité.

     

    Inauguration officielle du Monument à la mémoire du Général Clavery

    Djebel Arlal, Sud Oranais, le 28 janvier 1932 [3]

     

    Après avoir fait de solides études au Lycée Condorcet il s'engagea en 1888 au 74e Régiment d'Infanterie, à Rouen ; puis il fut élève à l'Ecole Militaire de Saint-Maixent d'où il sortit sous-lieutenant en 1893 pour aller servir en Afrique où il devait rester la plus grande partie de sa vie, revenant seulement pendant la Grande Guerre le temps suffisant pour se voir décorer de la Croix de Guerre avec 5 palmes.

    Puis la guerre terminée, ayant soif de servir encore il retournait dans cette Afrique qu'il connaissait si bien et où il avait rendu les services signalés et c'est là après 35 ans de sa vie passée dans le désert qu'il devait mourir au retour d'une inspection au cœur du Sahara.

     

    Le Monument à la mémoire des victimes de l'attaque du 8 décembre 1928

    Elevé au lieu de l'attaque, sur la route de Colomb-Béchar à Taghit

     

    Laissez-moi vous conter les péripéties de ses derniers moments. Ainsi que je vous le disais, le Général Clavery commandant supérieur du territoire d'Aïn Sefra, revenait d'une tournée d'inspection qui l'avait conduit du 26 novembre au 8 décembre jusqu'à Adrar-Touat. La route était jalonnée d'un certain nombre de postes de sécurité formés d'indigenes. Pour quelle raison arrivant au Djebel-Arlal, le Général Clavery au lieu de rencontrer des troupes amies se vit-il attaqué par des dissidents ? Nul ne pourrait le dire. La liste est longue du martyrologe des français tombés en Afrique pour l'expansion de la civilisation française, sous les coups de la trahison de ceux, que quelquefois nous sommes amenés à considérer comme nos amis. Toujours est-il que le Général Clavery accompagné d'une petite escorte comprenant deux officiers, des sous-officiers et quelques tirailleurs répartis sur trois voitures, se vit attaqué au col du Mangzen par une vingtaine de dissidents. La première voiture précédait les deux autres d'environ vingt minutes, à peine avait-elle dépassé une espèce de cirque et s'était-elle engagée dans un défilé qu'elle fut arrêtée par les assaillants dissimulés derrière les rochers, ses occupants tués à coups de fusil. Ensuite vint la deuxième voiture celle du Général qu'accompagnait un officier; elle avait franchi environ deux cents mètres à découvert que les dissidents ouvrirent le feu blessant mortellement le capitaine. Le Général descendait de voiture muni d'un mousqueton pour se défendre, à peine avait-il fait quelques pas qu'il tombait frappé d'une balle, pour ne plus se relever. Quelques instants après arrivait la troisième voiture occupée par le maréchal-des-logis René Clavery, son fils et le sergent Schweicher. Ceux-ci crurent tout d'abord que les marocains entourant la voiture arrêtée, appartenaient à l'escorte qui devait les attendre, leur illusion fut de courte durée; une volée de balles leur montra leur erreur. Le sergent Schweicher était blessé, le maréchal-des-logis Clavery s'allongeant près de la voiture se mit en devoir de se défendre et eut la chance de tuer le meurtrier de son père qui s'enfuyait. Pendant quatre heures il soutient seul la fusillade jusqu'au moment où les assassins jugèrent utile de s'enfuir.

    Il était alors 8 heures du soir. Au petit jour ,une petite troupe d'amis venait à son secours. Trois mois après sur le lieu même du guet-apens, le Ministre des Colonies, Maginot remettait à René Clavery la médaille militaire.

    Devant tant de dévouement, la Municipalité du Vésinet a décidé de donner le nom de Général Clavery à la rue Latérale où habitait le Général Clavery pendant sa jeunesse et d'où il était parti il y a 40 ans pour servir la France.

     

La cérémonie au cours de laquelle le regretté Maire de la cité-jardin en 1929-1934 [4], rendit le chaleureux hommage à la mémoire d'un enfant du pays, résulte d'un vote du Conseil Municipal du 12 novembre 1929. Il reproduisait ici la partie du procès-verbal de la séance relative à cette décision.

M. le Maire donne lecture de la pétition suivante revêtue de nombreuses signatures d'habitants du Vésinet :

    Messieurs,

    Un des plus nobles enfants du Vésinet, le Général Clavery, mort pour la France est l'objet d'une distinction posthume de la plus haute signification.

    La promotion 1929, de l'Ecole Militaire de Saint-Maixent a été baptisée du nom de"Promotion Général Clavery". Ne vous semble-t-il pas que la ville du Vésinet , où a été élevé le Général Clavery, fils d'une magnifique famille de neuf enfants, dont le nom respecté est synonyme d'honneur, de sacrifice, de dévouement aux plus nobles causes se doit à elle-même d'honorer à son tour, son illustre enfant en donnant à l'une de ses rues le nom de Général Clavery ? Elle magnifiera ainsi, à la fois, le glorieux soldat"Mort pour la France" et son vaillant fils qui a vengé de sa main la mort de son père.

    Elle honorera également les nombreux enfants et alliés de la famille Clavery qui se sont illustrés et dont plusieurs sont morts au service de la France.

    Cet hommage rendu au Général Clavery et aux admirables parents qui ont façonné à leur image et à leur exemple une famille de neuf enfants parmi lesquels vous avez tenu à recruter l'un de vos adjoints sera un précieux témoignage de respect et de l'intérêt que la Ville du Vésinet porte aux familles nombreuses qui sont à la fois l'honneur du pays et la meilleure sauvegarde d'une paix solide, digne et fière.

    Nous avons la confiance que vous voudrez bien prendre en considération ce vœux dont l'adoption réjouira et réconfortera les bons Français sensibles aux égards que les représentants des Pouvoirs Publics témoignent aux familles nombreuses, par lesquelles la France vit, se défend, se perpétue et demeure fidèle, malgré les plus dures épreuves, aux traditions et aux vertus de sa race.

    Veuillez agréer, Messieurs avec nos hommages réspectueux, l'assurance de notre patriotique dévouement aux intérêts matériels et moraux de la belle cité qui nous a confié l'honneur de la représenter. »

     

De nos jours (2016) le monument en grès rouge d'Aïn Sefra

demeure en place mais tronqué et privé de ses ornements, à 67 km au sud de Béchar (Algérie).

A la suite de cette lecture, le Conseil Municipal, par acclamation, accepte cette proposition et décide de donner le nom de Général Clavery à la rue Latérale. M. Edouard Clavery déclare ne pas prendre part au vote. Puis il adresse ses remerciements au Conseil Municipal pour le grand honneur fait à la mémoire de son frère le Général Clavery, tombé dans l'accomplissement de son devoir.
La séance était présidée par M. Henri Cloppet, Maire. Etaient présents : MM. Aubrun, Clavery, Couturier et Caüet, adjoints ; Galliard, Billard, Pommier, Albertini, Fleury, Langlumé, Robert, Jonemann, Joly, Veyrier, Giry, Gromest, de Tomaz, Colombey et Suzé. La pétition réunissait plus d'une centaine de signatures. [5]
[...] Les auteurs de cette pétition auraient pu et dû, peut-être, parmi les familles nombreuses fixées au Vésinet, en citer deux, celles de M. et Mme Antoine Mimerel, François-Louis Engelhard, qui, chacune, ont donné trois fils à la patrie, tombés au Champ d'Honneur pendant la guerre de 1914-1918.

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    Notes et sources :

    [1] La fin tragique du général Clavery, sud Oranais, le 8 décembre 1928, par Edouard Clavery, Editions du Génie Français, 10, Rue Thibaud, Paris 14e et chez l'auteur, 24, Av. Galliéni, Le Vésinet, S. & O.).

    [2] Union Nationale des Mutilés et Reformés Anciens Combattants.

    [3] Il sera inauguré un an et demi plus tard. A la suite de cette cérémonie, Edouard Clavery publia à la Librairie Poutine (au Vésinet) un opuscule intitulé Le Général Clavery (1870-1928) sous-titré "Inauguration le 27 janvier 1932 par le Gouverneur Général Carde au Djebel Arlal (lat. N. 31° 4' 10" ; long. 4° 33' 4" Ouest de Paris) du Monument élevé à sa mémoire et à celle des Capitaines Debenne et Pasquet, du Maréchal des Logis Estienne et du Légionnaire Decaux tombés avec lui le 8 Décembre 1928." Le texte est largement repris dans La fin tragique du général Clavery de 1941.

    [4] Allusion au rôle d'Henri Cloppet dans la mise en route des mesures de protection (classement, inscription à l'inventaire des sites, plan d'aménagement et d'embellissement) qui feraient du Vésinet le précurseur reconnu des cités-jardins.

    [5] On doit l'initiative de cette pétition M. André Dupont, assureur (Maison Dupont & Cie, de Lille et Paris) qui habitait au 24, rue du Marché. Il quittait Le Vésinet en 1933.

 


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