Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, 13e année, Tome 22, n°22, 1er avril 1893. Léopold Decron, architecte de l'École Boulle à Paris L'école Boulle, à Paris. — Notre photographie (ci-dessous) donne une vue, pendant son exécution, de la belle construction en fer, actuellement terminée, dans laquelle sera installée une des intéressantes écoles d'apprentissage de Paris, l'école Boulle. Ce beau bâtiment, en briques et fer, a été construit par M. Decron, un de nos architectes parisiens les plus distingués. [1] Sans renoncer aux chefs-d'œuvre de pierre, par lesquels s'est immortalisé le goût français, M. Decron est de ceux qui se sont approprié avec talent et succès l'emploi du fer et qui savent en tirer un merveilleux parti : il est de ceux qui comprennent que l'on peut, sans renoncer aux traditions respectables du passé, étendre le champ d'application des matériaux nouveaux fournis par l'industrie, et les approprier, en les soumettant aux règles de l'art, à de nouveaux besoins. [2] Vue de l'École Boulle, à Paris, pendant sa construction. L'ancienne école [2], que celle-ci va remplacer, était située au n°25 de la rue de Reuilly. Elle donne l'instruction à 180 élèves, dont le nombre pourra être porté à 400 dans la nouvelle installation. Ces jeunes gens reçoivent un enseignement général de l'art de l'ameublement, dans lequel le laborieux faubourg Saint-Antoine, à Paris, s'est acquis une renommée que la concurrence la plus acharnée et les contrefaçons les plus audacieuses ne feront pas disparaître de sitôt, car il repose sur l'instinct artistique et sur le goût français, et ce sont des qualités natives que le travail développe mais qu'il ne permet pas de conquérir à leur origine. Les élèves de l'Ecole Boulle, fils d'ouvriers ou d'industriels, sont mis en mesure de recevoir un véritable apprentissage, bien fructueux en ce temps où les nécessités pressantes de l'existence abrègent trop souvent l'apprentissage au point de le rendre illusoire. L'enseignement qui leur est donné a pour but de réagir contre la spécialisation à outrance ; il tend à élargir le cercle de leurs conceptions et de leurs moyens d'action et à leur faciliter la possibilité de trouver véritablement la voie dans laquelle leurs efforts seront le plus profitables à leur avenir. Le bois, les étoffes et les métaux sont mis à leur disposition, en même temps qu'on leur indique les moyens de les mettre en œuvre et de les harmoniser : ils sont initiés à la menuiserie, au tournage, à l'ébénisterie et même à la sculpture sur bois. Les noms de Gouthière, de Martin, de Sirasse, inscrits sur la façade de la nouvelle école, montrent que ses promoteurs savent se reporter aux traditions des maîtres, tout en les adaptant aux mœurs nouvelles et aux besoins nouveaux. La nouvelle construction, qui fait le principal objet de cette brève note, développe plus de 400 mètres de façade en fer, et présente un aspect de légèreté qui fait valoir son caractère grandiose. Elle montre d'une façon évidente que le fer, dans la construction, a définitivement acquis son style ; nos architectes n'en sont plus à de timides essais. M. Decron a trouvé dans l'accomplissement de sa tâche des collaborateurs distingués en MM. Julien et Maylan, pour la partie architecturale, Fontanet et Morel pour la construction en fer, Geneste et Herscher pour le chauffage et la ventilation.
...En savoir plus: L'Ecole Boulle aujourd'hui • *** Notes et sources. [1] Le projet de Léopold Decron fut classé premier au concours relatif à la construction de l'Ecole Boulle (25 avril 1890). Les autres projets étaient dus à M. Guyon (2e), Blavette (3e) et Durand (4e). Le jury décida en outre de confier l'exécution du projet à son auteur. Le samedi 27 juin 1891, on procéda publiquement, dans la salle du Conseil de préfecture, au palais du Tribunal de commerce, « en présence du receveur municipal de la ville de Paris et de M. Decron, architecte, à l'adjudication, au rabais, sur les prix de la série de la ville de Paris en date du 1er novembre 1882, et sur soumissions cachetées, de l'entreprise, en huit lots, des travaux de diverse nature à exécuter pour la construction de l'école Boulle, 57 rue de Reuilly (12e arrondissement) ». Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n°158, 14 juin 1891. [2] Dans le rapport d'une Commission du Vieux Paris (séance du 2 mars 2006) il est indiqué que Ies bâtiments de l'Ecole ont été « réalisés en 1889 par Léopold Decron d'après les plans de Charles-Albert Mussigmann ». Ce rapport était destiné à l'élaboration du PLU de Paris. Selon nos recherches, si M. Mussigmann a bien proposé deux projets en 1887 et 1888 (tous deux refusés) c'est celui de M. Decron en 1890 qui fut retenu. [3] Fondée en 1886 par application des conclusions d'un mémoire d'Octave Gréard sur l'apprentissage, lequel concluait à la nécessité d'une école d'apprentissage pour chacune des grandes industries parisiennes. Des locaux appartenant à la Ville de Paris et situés 25, rue de Reuilly, furent aménagés à son usage en attendant l'achèvement de l'édifice spécialement construit sur les plans de M. Decron, au n°57 de la même rue. [4] Lors de l'inauguration officielle, en 1895, l'école fonctionnait depuis plus d'un an ; on avait donc pu se rendre compte depuis longtemps que l'École Boulle répondait à un véritable besoin, que son programme était bien accueilli, et qu'elle pouvait beaucoup pour le relèvement de l'industrie du meuble. La Renaissance de l'art français et des industries de luxe, n°1, janvier 1921. [5] A. Lavy - L'Ecole Boulle et le Meuble d'Art (extrait) dans La Lanterne, journal politique quotidien - n°7795, 25 Août 1898.
Société d'Histoire du Vésinet, 2014 - www.histoire-vesinet.org |