D'après des extraits de l'Histoire de la Ville de Montdidier (Tome 3) de Victor de Beauvillé, Paris, 1875. [1] Galoppe d'Onquaire : « Currit, non fugit » Pierre Jean Hyacinthe
Adonis Galoppe-Donquaire, connu sous le pseudonyme de Cléon Galoppe
d'Onquaire, naquit le 16 avril 1805 à Montdidier (Somme). Il était
le fils de Louis-Joseph Hyacinthe Galoppe-Donquaire, marchand drapier
et de Thérèse-Alexandrine Devillers. La maison où il vit le jour formait
l'angle de la Place et de la rue de la Halle-aux-Draps. ... Après avoir commencé ses études à Montdidier, Galoppe les termina à Saint-Acheul, où il révéla ses dispositions pour la poésie en chansonnant les professeurs. Son père le destinait à la carrière médicale mais, aussitôt arrivé à Paris, le jeune poète ne songea qu'à s'amuser. Pour le ramener à la raison, il fallut l'enrôler dans un régiment de cavalerie. Envoyé à l'École d'application de Saumur, il en sortit avec les chevrons de sous-officier au 2e Lanciers. Là se borna son avancement. Bien que dans plusieurs de ses productions Galoppe se pose en ancien officier, jamais il ne put gagner l'épaulette. Le temps qu'il passa au régiment en compagnie de sous-officiers et de soldats exerça sur lui une influence regrettable et dans plusieurs de ses écrits percent trop le ton et les allures du maréchal des logis. Dégoûté du service, Galoppe revint à la vie civile et à Montdidier où il publia dans la Feuille d'affiches des Chroniques montdidiériennes. En 1837, il présenta au concours de l'Académie d'Amiens une pièce en vers, Illusions, que la Société jugea digne d'éloges. L'année suivante parut son premier roman, Fumée. Son père n'est pas tendre pour ces débuts littéraires: «Cléon a voulu peindre le monde et il ne l'a entrevu que par le trou d'une serrure.» Ce désavœu familial explique peut-être pourquoi il fit paraitre quelques ouvrages sous le pseudonyme de Pétrus Noëlc. ...Le surnom de Cléon, sous lequel notre poète était connu, lui fut donné par son père, qui jouait la comédie bourgeoise avec une prétention amusante et crut du suprême bon goût d'affubler son fils d'un nom de théâtre. Mais il semble qu'il fût mal inspiré car il choisit précisément le nom du personnage que Gresset a stygmatisé sur la scène. Il s'agit de Jean-Baptiste Gresset, dans Le méchant, une comédie en cinq actes de 1830 qui avait connu une certaine vogue.
Dans l'été de 1845, Galoppe s'installa à Assainvillers,
dans la Somme, dans une modeste maison qu'il transformait, au gré
de sa vanité, en un château ayant dans sa dépendance une ferme considérable;
comme un autre Tantale, il n'en avait que la vue". Mais c'est
à Amiens, 30, rue Pierre-L'Hermite (devenu 6, rue Péru-Lorel), qu'il
composa la Femme de quarante ans, comédie en trois actes et en
vers, à
laquelle il dut sa notoriété. Une circonstance fortuite signala cette
pièce à l'attention de Desnoyers, régisseur du Théâtre-Français:
elle était écrite avec de l'encre bleue. Intrigué
par la rareté du fait et un peu aussi par la singularité du titre, Desnoyers
jeta les yeux sur le manuscrit, trouva la pièce à son gré et en donna
lecture au comité, qui la reçut à
l'unanimité. Buloz, commissaire royal, en informa l'auteur, et la Femme
de quarante ans fut mise immédiatement à l'étude. Représentée le
20 novembre 1844 avec Léontine Volnys (une des
"stars" de l'époque) dans le rôle principal, la pièce obtint
un succès complet et resta à
l'affiche pendant plusieurs mois. ... (salaire de quelques articles élogieux sur le coup d'État du 2 décembre). Sa mauvaise étoile le ramena au théâtre. Au mois de septembre 1862, il donna à l'Odéon Marie de Beaumarchais, drame en quatre actes, dont la chute fut lamentable. La même année, il brocha quelques vaudevilles totalement oubliés. La main qui crayonnait une pochade pour le théâtre du Palais-Royal alignait aussi de pieux alexandrins pour les pensionnats de demoiselles. L'Amour pris aux cheveux et les Fêtes de l'Eglise Romaine coulaient indistinctement de la même plume. Des romans dont la lecture est absolument impossible venaient encore élargir le vide que Galoppe avait fait entre lui et les hommes de goût. Rien de trivial comme sa prose. La chute des Vertueux de province, comédie par laquelle il fondait les plus grandes espérances, lui fut extrêmement sensible. La critique parisienne se montra impitoyable : "Ah! la comédie insipide, Ah! le style impossible, Ah! l'immense ennui que représente à l'Odéon cette comédie en vers de M. Galoppe d'Onquaire, intitulée à tout hasard les Vertueux de province !" Délaissant le théâtre, Galoppe se mit à écrire de petits proverbes de société qu'il colportait de salon en salon et là, entouré d'un auditoire complaisant, il oubliait pour un moment ses infortunes dramatiques et se consolait de ses échecs en savourant à longs traits les félicitations mielleuses et hyperboliques de la maîtresse de maison. Triste fin d'un homme qui pouvait prétendre à de plus hautes destinées, car il avait un talent poétique incontestable. Galoppe était grand, maigre, d'un tempérament bilieux; il avait le visage long, le teint et les cheveux bruns, le front très ridé, les yeux petits; deux rides profondes qu'il eut de bonne heure, lui sillonnaient les joues et ajoutaient encore à la longueur de ses traits. Son buste, exécuté par Dantan Jeune en 1863, est flatté. [3] Buste par Jean Pierre Dantan (1800-1869) La conversation de Galoppe était vive, enjouée, mais très inégale ; il tombait promptement dans le calembour et le loustic de régiment reprenait bientôt le dessus. Avant tout il voulait briller, faire l'homme d'importance, et il était enchanté lorsque, se caressant la moustache, on prenait l'ex-maréchal des logis pour un officier supérieur en retraite. Son blason était des plus superbes : un cheval au galop avec cette fière devise : "Currit, non fugit". Jamais colonel général de la cavalerie n'en eut un pareil. Galoppe se mêlait de blason sans y rien connaître ; il n'avait, du reste, qu'une instruction superficielle, et, possédé de la fureur d'écrire à tout propos et sans réflexion, il donna trop souvent la preuve de son manque de connaissances. [4] En 1858, Galoppe quitta définitivement
Assainvillers, et vint au Vésinet, alors "annexe de Chatou",
où il mourut d'une maladie du foie, le 9 janvier 1867. Il habitait
au 35, route de la Plaine, une maison aujourd'hui disparue. Hippolyte
Chaminade, le père de la compositrice Cécile Chaminade, inspecteur général de la compagnie d'Assurance La Gresham, signa
l'acte de décès comme témoin. Deux jours après, le corps fut transporté à Montdidier. **** Notes et sources. [1] Documents fournis par la Société d'Etudes et de Recherches Historiques et Archéologiques de Montdidier et sa Région. [2] Il fut secrétaire de la direction générale des Musées impériaux du Louvre de 1852 à sa mort. [3] M. Hourdequin, directeur du Musée de Montdidier, vient d'obtenir pour le celui-ci le buste de M. Galoppe d'Onquaire par Dantan. Au bas de ce buste, M, Hourdequin a fait graver cette galante inscription « Poète charmant, écrivain spirituel et fécond, auquel Montdidier s'honore d'avoir donné le jour. » La Chronique des arts et de la curiosité : supplément à la Gazette des beaux-arts (Paris) 23 novembre 1862. [4] Les quelques citations qui accompagnent le texte sont de Victor de Beauvillé et montrent que M. Galoppe-Donquaire n'avait pas que des admirateurs dans sa ville natale. Ce florilège des jugements négatifs n'est pas, loin s'en faut, représentatif des avis contemporains. On pourra se reporter à la nécrologie de l'homme de lettres par son ami Paul Bernard (1827-1879) compositeur de nombreuses mélodies dont Galoppe d'Onquaire fut le parolier, pour trouver un juste milieu. [5] Charlotte Adelaide Sarah Galoppe Donquaire, a épousé Edmond de Guerle, un Vésigondin qui fut préfet dans la Somme puis de la Gironde. Il était aussi ancien employé de la compagnie d'assurance La Gresham (dont M. Chaminade était alors le directeur). MM. de Guerle et Chaminade furent ensemble témoins à l'acte de décès de Galoppe d'Onquaire, au Vésinet, en 1867.
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