Jacques Nouailhat, Bulletin municipal n°18 p. 42 - Mai 1971.

Une « première » au Vésinet en 1863
La construction de l'église Sainte Marguerite en béton aggloméré

La revue technique Bâtir de décembre 1970, a reproduit à la rubrique de L'Album de famille, un article paru le 1er décembre 1867 dans Le Moniteur des Architectes, donnant le texte d'une lettre adressée au directeur de la revue par Louis Auguste BOILEAU, architecte de l'église Ste-Marguerite du Vésinet, sur les bétons agglomérés ; nous en donnons ci-dessous des extraits qui ne manqueront pas d'intéresser les Vésigondins :

Le Journal des Débats du 29 septembre dernier (1867) a publié, sous la signature de M. Adolphe Viollet-Leduc, un article étendu, consacré aux constructions en bétons agglomérés de M. Coignet; il me fournira, si vous le voulez bien, l'occasion d'être utile à bon nombre de mes confrères qui m'ont demandé de faire connaître ce que l'expérience m'a appris, touchant les propriétés de cette matière, par l'emploi que j'en ai fait en grand dans la construction de l'église du Vésinet dont parle l'article. Avant d'aller plus loin, je dois déclarer que je n'ai pas eu le mérite de l'initiative pour l'adoption du béton aggloméré remplaçant la maçonnerie ordinaire dans la construction de l'église dont il s'agit. C'est M. Pallu, fondateur du parc du Vésinet, homme de progrès, porté à favoriser les inventeurs, qui a fourni l'occasion d'appliquer, pour la première fois, son procédé à un monument. Ma responsabilité d'architecte ayant été dûment mise à couvert à cet égard, je n'avais rien à objecter contre une expérience aussi intéressante.
Bien que le béton aggloméré ne remplace, dans l'église du Vésinet, que des maçonneries qui ne constituent pas les éléments de la stabilité proprement dite de l'édifice, puisque la construction des nefs repose sur un système d'ossature en métal (fonte et fer) voûté en pigeonnage ordinaire, les murs de clôture et surtout le clocher où il a été appliqué présentent un spécimen de cette matière moulée en élévation au-dessus du sol jusqu'à 30 mètres de hauteur, avec tous les détails d'architecture et de sculpture voulus.
Le mortier, dit béton aggloméré, dont l'article a expliqué avec autant de clarté que d'exactitude la composition élémentaire, ainsi que l'emploi analogue à celui du pisé, acquiert une grande solidité par l'élimination de l'eau dans la malaxation et par le pilonnage dans le moulage. Dès que la prise, qui est fort rapide, se trouve accomplie, il résiste aux efforts de la pression sans s'écraser, ainsi qu'à l'action de l'air et de la gelée. Le bon état du clocher du Vésinet, sous le rapport de l'aplomb et de la conservation des parties inférieures surchargées, fait ressortir la première qualité, comme l'épreuve de trois hivers atteste la seconde. On trouve, en outre, dans l'état actuel de cette construction, un indice de la force de cohésion de la matière dont il sera parlé plus loin. Sous le rapport des formes et de l'aspect de la décoration, on ne doit pas s'attendre à obtenir avec le béton aggloméré la pureté de lignes et de surfaces à laquelle nos bons tailleurs de pierre atteignent. Sous le rapport économique, le béton aggloméré ne peut être avantageux pour les constructions que dans les localités où la pierre à bâtir étant d'un prix très élevé, à cause de sa rareté, le sable de rivière pourrait être pris sur place à peu de frais. A Paris, où la maçonnerie coûte en moyenne le double de ce qu'elle vaut dans les départements qui possèdent des carrières, le prix du béton aggloméré équivaut à celui de la maçonnerie, tout à fait imperméable, en pierre de meulière garnie de ciment romain. Pour les ouvrages d'architecture qui comportent des moulures, il coûte autant que la pierre de bonne qualité posée et taillée. Sous réserve de ce qu'une plus longue épreuve du temps pourra révéler, les avantages et les inconvénients du béton aggloméré, qui date à peine de dix ans, et qui n'a pu être observé que pendant quatre années à l'église du Vésinet, peuvent aujourd'hui se résumer ainsi :

    — Résistance à l'air, à l'écrasement et à la gelée ;

    — Perméabilité prononcée ;

    — Dilatabilité et contractabilité sensibles ;

    — Adhérence difficile entre les différentes couches ;

    — Irrégularité des formes décoratives ;

    — Economie non justifiée.

Je désire que les renseignements qui précèdent répondent à l'attente de ceux de mes confrères qui ont bien voulu compter sur moi, pour savoir à quoi s'en tenir sur les résultats obtenus dans l'emploi du béton aggloméré.

    L.-A. BOILEAU

On pourra constater qu'Alphonse Pallu était vraiment un innovateur sur tous les plans et n'a pas hésité à faire appel à ceux qui avaient des idées pour sortir des sentiers battus de son époque, c'était un promoteur dans le bon sens du terme. Après s'être assuré le concours du Comte de Choulot pour le tracé d'un parc original, il a confié à L.A. Boileau la construction d'une église selon un procédé non encore utilisé pour un monument de cette importance et dont chacun de nous peut apprécier la bonne tenue. Le Vésinet est vraiment un cas exceptionnel, et un exemple à bien des égards.


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