En 1840,
peu de temps après son équipée malencontreuse de Boulogne, Louis-Napoléon
Bonaparte était condamné par la chambre des pairs à la détention perpétuelle.
Pendant six ans, le neveu de l'Empereur Napoléon resta enfermé au fort de
Ham dans la Somme. C'est dans cette prison qu'il fit la connaissance d'Eléonore
Vergeot, surnommée "la belle sabotière". Celle-ci lui donna
deux fils. Alexandre Louis Eugène, né le 25 février 1843 à Paris, et Louis
Ernest Alexandre, né le 18 mars 1845 à Paris-Batignolles.
Dès leur naissance, les deux enfants furent confiés à Mme Corner, ancienne
nourrice des enfants de la reine Hortense. A leur sortie de nourrice,
ils furent l'un et l'autre confiés à Miss Howard, la maîtresse
anglaise de leur père, qui les éleva pendant dix ans d'abord à Paris,
rue du Cirque, puis au château de Beauregard, avec le fils qu'elle avait
eu en 1842 de François Montjoy Martyn, futur comte de Béchevêt.
En 1858, des deux frères prirent le nom de Bure après avoir été reconnus
par l'époux de leur mère qui les récupéra, au grand dam de Miss Howard.
Pierre Bure, fils d'une femme de la maison de la reine Hortense et « frère
de lait » du futur empereur, chargé après l'évasion de Ham de veiller
sur Eléonore, était devenu l'amant de celle-ci et lui avait donné à son
tour un fils, puis deux autres, avant de l'épouser le 3 août 1858.
La fortune de Pierre Bure est lié à celle de Napoléon III. Nommé trésorier
général de la Couronne, il géra les biens personnels de Louis-Napoléon
et reçut la rosette d'officier de la Légion d'honneur. Peu de temps avant
sa chute, Napoléon acheta à l'intention de la famille Bure, un vaste domaine
situé dans les Landes, au sud-ouest de Saint-Vincent de Tyrosse, ayant
appartenu au Comte Walewski, fils naturel de Napoléon Ier. Et, par décret
impérial du 11 juin 1870, il créait l'aîné de ses fils Comte d'Orx et
le cadet Comte de Labenne. Les garçons choisirent des voies bien différentes,
l'un diplomate, l'autre commerçant.
Eugène, comte d'Orx (1843-1910)
L'aîné
des deux garçons, Alexandre Louis Eugène, né en 1843 fut, on l'a vu, reconnu
le 3 août 1858 par Pierre Bure, lors du mariage de ce dernier avec Eléonore
Vergeot. Après de bonnes études, Eugène entra dans la carrière diplomatique
comme secrétaire d'ambassade à Saint-Petersbourg où il provoqua un beau
scandale en enlevant une actrice, maîtresse de l'ambassadeur de France.
Cela lui valut d'être muté dans le corps consulaire à des postes obscurs
et lointains, successivement attaché au consulat général de New-York (2
juillet 1861), attaché surnuméraire à la direction des fonds (12 octobre
1864), agent vice-consul à Rosas, Catalogne, en Espagne (28 juin 1865),
agent vice-consul à Belfast (17 février 1866), consul à Zanzibar (31 mars
1868), à Danzig (5 juin 1869), à Charleston (14 mars 1870), à Assomption
au Paraguay (2 juillet 1870). Il ne verra jamais cette dernière affectation.
En effet, l'Empire étant entré en guerre, plutôt que de partir pour l'Amérique
du sud, il suivit son père aux armées. Le 11 juin 1870, par décret, il
fut fait comte d'Orx du nom d'une commune des Landes par Napoléon III.
La propriété des Landes était formée surtout d'anciens marais en cours
d'assèchement depuis 1843. En 1850, le prince-président en avait accordé
la concession à M. Lefêvre-Béziers, en vue de gagner sur les marécages
1200 hectares de terres cultivables, grâce au creusement de 110 kilomètres
de canaux – notamment celui de Boudigau – rigoles et fossés. En 1858,
le concessionnaire cédait ses droits au comte Walewski qui prit le parti
de poursuivre les travaux. De Biarritz, Napoléon III vint visiter la propriété.
Installé dans les Landes, le comte d'Orx, épousait à Neuilly sur Seine en 1877, Alphonsine-Pauline Homel dont il eut quatre enfants. Demeurant au château de Castets, il devint maire de Saint-André-de-Seignanx en 1885 et le resta jusqu'à sa mort en 1910. Il est enterré au cimetière du village. Il fut également conseiller général du canton de Saint-Martin-de-Seignanx. Il eut quatre enfants, deux garçons dont un mort-né et deux filles. Leur descendance est toujours représentée
aujourd'hui.
****
Alexandre, comte de Labenne (1845-1882)
Louis
Ernest Alexandre, le cadet né en 1845 à Paris-Batignolles, fut également
reconnu le 3 août 1845. Comme son frère, il fit ses études au collège
Sainte-Barbe, à Paris. Il fut nommé le 21 avril 1865 au secrétariat de
la trésorerie général de la Couronne. Il prit part à l'expédition française
au Mexique, se maria à Puebla où il faillit, dit-on, être empoisonné par
sa belle-mère, quitta l'armée pour s'installer à Mexico où il fit de mauvaises
affaires. Il regagna finalement seul la France à la fin de l'année 1869.
Il sollicita alors l'aide de son père naturel et fut nommé receveur des
finances. Mais la chute de l'Empire l'empêcha de rejoindre son poste.
Le 12 mars 1879, il épousait à Paris, en secondes noces, Marie-Henriette
Paradis, âgée de 22 ans, riche héritière d'un banquier décédé trois ans
plus tôt. Curieusement, le témoin du marié, Philippe Wolmar ancien caissier
central du trésor de la Couronne, tenait le même rôle en 1858, lors de
la régularisation de la situation d'Eléonore Vergeot et de Pierre Bure.
De ce mariage naquit à Paris, le 20 mars 1880, Georges-Henri Louis Bure
de Labenne.
Quelques mois plus tard, la famille s'installait à Paimpol où Labenne
entreprit avec Charles Tellier, la construction d'une usine grâce à la
fortune de sa femme. Tellier était l'inventeur des chambres frigorifiques
installées à bord des navires transportant la viande de l'Amérique du
sud vers l'Europe. On lui devait aussi un nouveau procédé de séchage de
la morue par air chaud qui avait séduit l'armateur Le Goaster.
Mais l'opposition de certains hommes politiques et d'industriels de la
région finit par décourager Labenne qui, déjà malade, abandonna la partie
et regagna Paris où il mourut, au n°69 de la rue de Miromesnil, le 11
janvier 1882. Il n'avait que 38 ans.
Sa dépouille sera transportée plus tard en Bretagne par sa veuve pour
être inhumée avec celle de leur fils Georges, mort le 10 décembre 1884,
à l'âge de quatre ans et neuf mois. Des obsèques grandioses, baptisées
par dérision le « retour des cendres » par la presse locale, furent
célébrées au début de 1885, avec la participation de tout ce que la région
comptait encore de fanatiques de l'Empire.
****
Notes et sources
• Henri Ramé, Les demi-frères du prince impérial, Historia, n°486 juin 1987.
• Jean Tulard, Dictionnaire du Second Empire. (articles Labenne, Orx, Vergeot), Fayard, 1995.
• Eddy de Tassigny, Les Napoléonides, Editions Memodoc, 2012.
Société d'Histoire du Vésinet,
2005-2013 - www.histoire-vesinet.org