Société d'Histoire du Vésinet, décembre 2023

Félicien Challaye (1875-1967)

Félicien Robert Challaye, né le 1er novembre 1875 dans le 6e arrondissement de Lyon, fils d'un comptable et d'une sous-directrice d'école primaire, fait ses études secondaires au lycée Ampère et, après le baccalauréat, prépare avec succès le concours d'entrée à l'École normale supérieure où il est le condisciple de l'historien Albert Mathiez et de Charles Péguy. Reçu premier à l'agrégation de philosophie en 1897, il effectue son service militaire à Romans où il est rappelé à l'ordre pour la lecture du journal L'Aurore, qui a publié le J'accuse…! de Zola le 13 janvier 1898.
Boursier d'étude en Allemagne (1898) il consacre les deux années suivantes à des enquêtes outre-mer : Inde, Java, Annam, Égypte, Japon, etc. [1] avant de se consacrer à l'enseignement au lycée de Laval (1901), à Evreux (1902-1903), puis dans des lycées de Paris et sa région : Louis-le-Grand, Hoche à Versailles, Janson-de-Sailly, Charlemagne et enfin Condorcet où il terminera sa carrière en 1937.[2]
Très proche de Péguy qui lui fait découvrir le socialisme, Challaye devient un ardent dreyfusard.
En 1905, Félicien Challaye est envoyé au Congo avec Pierre Savorgnan de Brazza par le ministre des Colonies pour enquêter sur des scandales révélés par la presse. En 1906, il publie – seul, Savorgnan étant décédé – ses notes de voyages dans la revue de Péguy Les Cahiers de la Quinzaine sous le titre « Le Congo français » (notes qu'il reprendra dans le volume Souvenirs sur la colonisation en 1935). En 1911, il signe un article intitulé « Politique internationale et journalisme d'affaire » dans la Revue du mois où il dénonce les agissements de la compagnie de la N'goko Sangha, société concessionnaire opérant au Congo et en Oubangui-Chari, actuelle République centrafricaine.

Félicien Challaye et son épouse Jeanne (née Marguerite Marie Jeanne Boudot)
Militante de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (LIFPL) ; membre du Parti communiste en 1921-1922.

Mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, il est favorable à l'Union sacrée. Il sert au Front comme sergent d'infanterie dès 1914. Blessé en juillet 1915, il reste un an en convalescence à l'arrière. En novembre 1915, il est partisan d'une paix qui donnerait partiellement satisfaction aux revendications de l'Allemagne, lui laisserait ses colonies, et même l'Alsace-Lorraine. Après un court retour aux armées, il est placé en sursis d'appel et envoyé en missions de propagande au Japon entre octobre 1916 et mai 1919. [2]
Le 30 septembre 1919, à la mairie du 14ème arrondissement, il épouse Marguerite Marie Jeanne Boudot (1883-1970) comme lui militante pacifiste qui lui donnera un fils Jean (1918-2000). Domiciliée à Paris (14e) au 1 rue Léopold Robert, la famille Challaye s'installera peu après au Vésinet, 11bis rue Thiers.
Après le conflit, et de nouveaux voyages en Chine au Japon et en Indochine, Challaye participe activement au combat anticolonialiste au sein de la Ligue de défense des indigènes (qui deviendra en 1927 la Ligue contre l'impérialisme et l'oppression coloniale) et du Parti communiste français. En 1931, lors du congrès de la Ligue des droits de l'homme, Challaye dénonce l'hypocrisie du prétexte civilisateur de la colonisation défendu alors par une fraction de la Ligue. Il s'éloigne du Parti en 1935, tout en publiant la même année ses Souvenirs sur la colonisation.

Membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, il condamne l'antisémitisme et le nazisme mais refuse toute idée de conflit avec l'Allemagne. Challaye rejoint alors la minorité ultra-pacifiste de la Ligue des droits de l'homme. Il écrit en 1933: « Si douloureuse qu'elle puisse être, l'occupation étrangère serait un moindre mal que la guerre.» En 1933 il publie Pour une paix désarmée même en face de Hitler. Il préside également la Ligue internationale des combattants de la paix. Il se rend en Allemagne à l'automne 1938 et en revient persuadé de la volonté pacifiste des dirigeants allemands.
En décembre 1939, il est un moment incarcéré pour avoir signé le tract pacifiste de Louis Lecoin : Paix immédiate.
Après l'armistice et l'instauration du régime de Vichy, il se rapproche de Marcel Déat et de son parti collaborationniste RNP. Il reçoit Subhas Chandra Bose lors de son passage à Paris en mai 1942. Il écrit dans une revue de la gauche vichyste L'Atelier animée par d'anciens militants, venus à la collaboration par pacifisme intégral. Il collabore également à Aujourd'hui, journal collaborationniste dirigé par Georges Suarez. Il publie encore dans Germinal. Cependant, il ne dénonça personne et ne sera pas longtemps inquiété à la Libération, perdant cependant son honorariat.
À partir de 1951, il participe avec Émile Bauchet, Robert Jospin et Paul Rassinier aux activités du Comité national de résistance à la guerre et à l'oppression (CNRGO, future Union pacifiste de France), notamment à son organe La Voie de la paix. Il meurt le 26 avril 1967 (à 91 ans) à Paris (18e).

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    Notes et sources.

    [1] Reçu premier à l'agrégation de philosophie en 1897, il fit son service militaire en 1897-1898 à Romans (Drôme). Après une année d'études à l'Université de Berlin en 1898-1899, il entreprit deux ans de voyage autour du monde (septembre 1899-août 1901) comme boursier de l'Université de Paris (fondation Albert Kahn). Il visita ainsi l'Égypte, l'Inde, l'Australie, la Nouvelle Zélande, puis Java, l'Indochine française, la Chine du Sud, le Japon.

    [2] En 1903, Challaye se fixa à Paris après avoir été jugé indésirable au lycée de Laval (Mayenne), ville dans laquelle il avait participé à la création d'une Université populaire. C'est à Paris qu'il enseignera la philosophie après la guerre et qu'il sera professeur au lycée Concordet de 1919 à 1937.

    [3] Jeanne Boudot avait été mariée de 1902 à 1913 à Albert Mathiez (historien, professeur agrégé au Lycée de Chateauroux, puis à la Sorbonne) qui avait été le condisciple de Challaye à Normale Sup'. Elle en avait eu quatre enfants dont deux filles : Jacqueline Mathiez (1908-1984) élève des beaux arts (architecture) et Hélène Mathiez (1910-1996) qui vécurent aussi au Vésinet et firent leurs études au Lycée de St-Germain-en-Laye. Devenue avocate, Hélène prendra part à la création du Planning familial.

 


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