D'après La Construction Moderne, 6 juin 1926 et autres sources (voir notes).

Monsieur Robert Fournez, architecte

Nous avons eu l'occasion de présenter précédemment les constructions conçues et réalisées à Brignoud (Isère) par l'architecte Robert Fournez aux usines Henri Fredet pour le logement des ouvriers et des ingénieurs en publiant deux types d'habitations choisis parmi ceux qu'il a composés.
Robert Fournez, un des architectes de la superbe mosquée et de l'Institut Musulman à Paris a pris aussi une large part à l'Exposition des Arts décoratifs, comme architecte d'abord du Pavillon de l'Afrique du Nord qui réunissait l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, et ensuite du Hall du Vêtement, au rez-de-chaussée du Grand-Palais et du Pavillon de l'Élégance au Cours-la-Reine.

Si de grands usiniers ont fait appel à son concours pour construire des habitations ouvrières dans un goût si particulier, plaisant et même coquet, il n'en apparaît pas moins comme un artiste familiarisé avec toutes les beautés de l'art musulman et aussi comme un architecte qui, ainsi que ses confrères, doit se consacrer à l'architecture courante, c'est à dire à celle des grands immeubles de rapport, d'hôtels à voyageurs, de banques, de villas. Il apporte dans cette architecture courante les modes de constructions nouvelles et une note très moderne. C'est pourquoi nous l'avons trouvé auteur de deux parties importantes de l'Exposition des Arts décoratifs conçues dans un goût essentiellement français et moderne : le Hall du Vêtement et le Pavillon de l'Elégance.

Robert Fournez (1873-1958)

Pour l'exposition du vêtement qui comprenait les présentations des grands couturiers, des tailleurs en confection, des fourreurs complétées par celles de la chaussure, de la plume, de la broderie et des riches tissus, Robert Fournez avait pu disposer d'un très vaste emplacement qu'il avait converti en hall d'un grand hôtel. Le sujet, choisi par lui, lui avait permis de réaliser une architecture toute nouvelle: les côtés du hall étaient formés par des façades percées de baies et de fenêtres avec des parements entièrement couverts d'une décoration extrêmement curieuse, extrêmement nouvelle de Râteau, décorateur, composées d'ornements répétés exécutés en sculpture de peu de saillie. Des tentures de Rodier, des appareils d'éclairage de Guenne, des tapis de Braquenié complétaient ce hall somptueux.

    Le Pavillon de l'Elégance [1]

    Ainsi qu'on l'a très justement fait remarquer, une Exposition des Arts Industriels et Décoratifs pouvait surgir aux quatre coins du monde, le Pavillon de l'Elégance ne serait apparu que sur une rive de la Seine. Heureuse initiative d'une élite, accord parfait de talents et de genres très divers, le Pavillon de l'Elégance est une réussite totale et l'on y retrouve véritablement la tradition éternelle de l'harmonie et du bon goût français.

    Nous avons rendu compte, dans notre avant-dernier numéro, des diverses manifestations de la toilette féminine aux réunions hippiques de printemps à Paris. Le triomphe de la couture parisienne, et, par contre-coup, des soieries lyonnaises, est pourtant moindre, à l'heure actuelle, aux réunions sportives qu'à l'Exposition des Arts Décoratifs, et plus spécialement au Pavillon de l'Elégance.

    Installé sur le Cours la Reine, à proximité de la porte d'Honneur (numéro 103 du plan publié précédemment), ce pavillon est l'oeuvre de l'architecte Robert Fournez et présente des lignes extérieures très simples, agrémentées d'une sobre ornementation due à Paul Plumet. M. Râteau en a assumé l'aménagement intérieur avec beaucoup de tact et d'adresse.

    Là se trouve groupé, avec un goût infini, tout ce qui, constituant essentiellement l'élégance féminine, contribue, pour cette raison même, au charme et à l'harmonie de l'existence.

    Une sélection d'exposants hors pair a permis l'étroite coordination des efforts et donne toute garantie quant à la tenue artistique de l'ensemble : quatre parmi les meilleurs couturiers parisiens : Callot, Jenny, Jeanne Lanvin, Worth ; deux fabricants de tissus, Bianchini, Férier et Rodier ; un illustre ferronnier d'art, Bagues ; un des joailliers les plus réputés, Cartier ; un maître maroquinier, Hermès, tels sont les représentants du goût français qui ont apporté leur offrande dans ce temple de l'Elégance dont nous avons nommé les auteurs.

    Conformément à l'esprit général de l'Exposition, les robes et tissus présentés sont nettement modernes et tout à fait caractéristiques de l'âme de notre temps, ce qui a fait émettre à quelques bons esprits le désir de voir les modèles les plus typiques entrer au musée Carnavalet.

     

    Le Pavillon de l'élégance - R. Fournez, architecte.

    Les lignes extérieures imaginées par l'architecte M. R. Fournez, en sont fort simples, droites, comme il sied à ces armatures, si vite établies, qui servent de squelette au ciment. La partie inférieure en est revêtue d'une très légère ornementation, comparable aux lames d'une cuirasse, et formée de feuilles de lierre superposées. Les alvéoles d'une ruche ne sont pas plus régulièrement creusées que les légères cavités que forme le centre dé chacune de ces feuilles. [3]

     

    Le Hall du Vêtement [2]

    Autrement désigné comme "Classe 20" présidée par Mme Lanvin, il occupe une surface de 1.025 m carrés environ situés dans l'aile nord du Grand Palais des Champs-Elysées, limités au nord, par la Classe 21, à l'ouest par la Classe 13, à l'est par la Galerie centrale de droite, au sud par la rotonde centrale. Il se compose d'un hall central flanqué à gauche d'un jardin dont la partie couverte communique avec un jardin à ciel ouvert ; à droite d'un salon de thé ; au fond, d'une galerie de circulation aux deux extrémités de laquelle se trouvent deux escaliers d'accès au premier étage. A l'arrivée de ces escaliers, au premier étage, on retrouve une galerie de circulation située à l'aplomb de celle du rez-de-chaussée. Perpendiculairement à cette galerie sont disposés un salon de contrats et un salon de danse et de lumière. La structure est en bois et fer ; les parois sont en staff, les sols en parquet. La décoration (en collaboration avec M. Armand Rateau) comporte des staffs moulurés et moulés représentant des motifs de sculpture, elle comporte des tapis, des meubles et des peintures décoratives enrichies de dorures.

C'est ainsi que Robert Fournez se révéla pour beaucoup – cela va le faire sourire – l'architecte de l'Elégance ; nous soulignons cette expression exacte parce qu'elle marque l'énorme différence entre les divers genres de son architecture, puisque nous l'avons montré précédemment comme ayant particulièrement réussi dans les maisons ouvrières des grandes usines Henri Fredet. Il n'y a donc pas à être étonné que Jeanne Lanvin l'ait choisi pour édifier deux villas modernes au Vésinet.

    Le pavillon de l'Afrique du Nord [3]

    Ce pavillon, dont l'architecte est aussi Robert Fournez, est situé cours Albert-Ier, entre le pavillon de l'Afrique occidentale et le pavillon de l'horticulture. Il comprend, communiquant entre elles, trois sections occupées par la Tunisie, l'Algérie et le Maroc. La section de Tunisie comporte au rez-de-chaussée une cour-jardin autour de laquelle se trouvent une salle à manger, une salle des hôtes, une chambre de harem, un bureau, une chambre à coucher ; au premier étage, des pièces de service et une terrasse ouverte.
    La section de l'Algérie se compose d'un vaste hall.
    La section du Maroc présente au rez-de-chaussée une grande salle d'exposition, un bureau, deux escaliers d'accès. Au premier étage se trouvent une chambre et une salle de bains, une petite salle d'exposition, une terrasse couverte.
    Le pavillon est construit en fer et agglomérés de ciment ; à l'extérieur, les murs sont enduits en chaux ; à l'intérieur, ils sont enduits en plâtre et peints. La couverture des terrasses, en coupole et celle du porche principal sont couvertes en tuiles vernissées ; les sols intérieurs sont en carrelage aggloméré de ciment, de terre cuite et de marbre.
    La décoration de la section de Tunisie est due à MM. Fournez et Valensi, architectes ; elle utilise les arts du bois, de la faïence, du cuir et des cuivres. La décoration de la section de l'Algérie est exécutée d'après les dessins de M. Montaland, architecte à Alger ; elle sera composée de panneaux peints de Cauvy, de tapis, de faïence, etc. La décoration de la section du Maroc a été conçue par MM. Tranchant de Lunel, architecte des Expositions du Maroc, et Fournez. Elle emploie des bois sculptés, des cuirs, des cuivres et des ta
    pis.

     

     

Vingt ans plus tôt, Robert Fournez avait eu comme première grande commande le Palais de la Mer ou Pavillon d'océanographie à l'Exposition coloniale de Marseille de 1906. L'océanographie était une science alors toute jeune, dont l'importance et l'utilité pratique ne dépassaient pas encore l'intérêt spéculatif mais lui assuraient dès ses débuts une place primordiale. Il était donc tout naturel de lui réserver une place d'honneur à l'Exposition coloniale de Marseille. M. Charles-Roux l'avait si bien compris qu'il en avait fait une section internationale. Le concours précieux du prince de Monaco lui était assuré. Placée sous sa haute protection et celle des ministres de la Marine et des Travaux publics, la section avait pour commissaire Henri Malo. Le Palais de la Mer occupait 14 000 m² de superficie, reposant sur « un élégant et robuste soubassement formé de stalactites surplombant des vagues tourmentées qui baignent les pieds des murailles et viennent se briser sur les piliers ».

    Le Palais de la Mer à l'Exposition coloniale de Marseille [4]

    C'est M. Robert Fournez qui a été l'architecte du Palais de la Mer, ainsi qu'on le nomme. Il faut le louer, ayant à faire une construction d'un caractère aussi spécial, d'avoir évité certaines puérilités dans le choix des attributs et ornements. Evidemment, le style de l'édifice devait être, avant tout, maritime; il l'est, mais un palais maritime n'est pas un aquarium, c'est ce que M. Fournez a compris et très heureusement traduit. La construction fait partie de l'enclos de l'Exposition. Sans doute, elle y est à sa place, parce qu'elle en est une des plus remarquables, et que des questions d'exploitation voulaient qu'elle fût là. Il nous sera permis cependant de regretter un peu qu'on n'ait pu l'édifier sur la mer même, c'est-à-dire 500 pas plus loin, à l'extrémité du Prado, c'est-à-dire là où plus qu'en tout autre site de Marseille, la Méditerranée s'épanouit dans toute sa splendeur azurée. Il va sans dire que les hommes éminents qui ont présidé à toute cette organisation y ont songé : s'ils ne l'ont pas fait, c'est que c'était impossible à faire.

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    Notes et sources :

    [1] La Soierie de Lyon, organe du Syndicat des fabricants de soieries de Lyon, 1925/08/16 (A8,N16).

    [2] Pavillon de l'élégance in "La renaissance de l'Art français et des Industries du Luxe", juillet 1925.

    [3] Le Courrier de l'Exposition de 1925.

    [4] Journal des débats politiques et littéraires, 2 avril 1906.


Société d'Histoire du Vésinet, 2019- www.histoire-vesinet.org