D'après le figaroscope, novembre 2007 [propos reccueillis par Karin Aujay]

Gotlib parle du Vésinet

J'ai vécu à Paris jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Et j'en ai eu marre ! Je me sens mieux ici, même si pour un Parisien "de souche", c'est presque un déshonneur de quitter la capitale !
Je respire mieux, je n'entends pas les klaxons, je suis au calme.
Lorsque l'on arrive de Paris, j'habite à droite du boulevard Carnot, un peu moins huppé que le côté gauche composé de somptueuses demeures, manoirs et châteaux.

De nombreux films ont été tournés ici : Les Rois du gag, avec Coluche ou encore une partie de Tenue de soirée sur une des nombreuses pelouses de la ville. Mais pour ce dernier, c'était de nuit, alors on ne reconnaît rien !
Le Vésinet vu d'avion, c'est un cercle, dont les rues forment des couches concentriques et dont le diamètre est le boulevard Carnot. L'urbanisme y possède un caractère très anglais. D'ailleurs, un certain nombre de Britanniques résident ici.
Les espaces non construits font le charme de la ville : ses pelouses très entretenues, ses lacs, dont celui des Ibis avec une petite île au milieu et un restaurant, le Lac supérieur, le Lac inférieur, des petites rivières. J'aime aller m'y balader, réfléchir, chercher des idées.
Je connais les hauts lieux de la ville, la Villa Berthe, réalisée par Hector Guimard ou le Palais Rose, mais juste de nom. J'aimerais bien y habiter ! (Rires)... Enfin, non, je ne sais pas ce que je ferais là-dedans ! En revanche, je connais le cinéma d'art et d'essai Jean-Marais, dont un des attraits est de présenter les nouveaux films en même temps que Paris.

Dessin de Gotlib pour le Collège du Cèdre, au Vésinet.

Je trouve aussi Le Vésinet centre, un "petit village", très sympa, avec son église, son marché, ses magasins, ses banques ! Bien que j'habite ici depuis plus de trente ans, cette ville ne m'est pas très familière, parce que je passe le plus clair de mon temps dans mon atelier. Et puis, comme Brassens, mon maître à penser depuis que j'ai 20 ans, il me semble que : "Le pluriel ne / vaut rien à l'homme / et sitôt qu'on /est plus de quatre / on est une / bande de "cons"." Ce qui se vérifie avec moi, puisque je me sens bien autour d'une table pour une partie de cartes, mais je ne suis pas très urbain. Cela dit, j'apprécie beaucoup le petit bistrot des Charmettes, où je me rends pour casser une croûte à midi, les jours de marché. Je m'y sens bien, je connais les gens et je rigole avec le patron qui s'appelle Marcel comme moi. Dès que j'entre, il m'apostrophe : "Bonjour monsieur Marcel." Et j'lui réponds régulièrement "bonjour monsieur Marcel, quel beau prénom !"

Ce qui me déplaît un peu ici, c'est un certain état d'esprit « haute bourgeoisie », qui ne s'intéresse pas beaucoup, pour ce que j'en « présage », à ce qui se passe au-delà des limites du Vésinet ! Depuis que j'y vis, je trouve que l'évolution de la ville se réalise en douceur.
Le site est très préservé, le plus haut qui se construit ne dépasse pas les trois ou quatre étages. Et puis, dans le coin, il faut découvrir les "bleds" comme Montesson ou Croissy, avec encore des maraîchers et des champs.
À Croissy, on peut même se rendre à la fête de la carotte !"

Gotlib, le Vésigondin

[...]Pervers Pépère roule en Twingo rouge. Pied au plancher, poing sur le klaxon, il vous raconte l'histoire du Vésinet, « un lotissement avant la lettre, une ville-parc unique en son genre, surgie sous Napoléon III, dans un coin de la forêt de Saint-Germain où venait chasser Louis XIV ». Pour un Vésigondin d'adoption, Gotlib en connaît un rayon sur sa ville. Ça tombe bien : « Les avenues sont distribuées en rayons, au milieu des parcelles qui forment des cercles concentriques. » Le « créateur » du Vésinet, le comte de Choulot, était un royaliste ultra, reconverti sur le tard dans le paysagisme. On lui doit plusieurs parcs privés en Ile-de-France. Le Vésinet, commencé en 1858, fut sa grande commande publique.
Gotlib y emménage à la fin des années 70, faisant construire sur une petite parcelle restée vierge. « Le quartier des Charmettes, où je vis, est conçu comme un village, avec sa place, son bistrot, son marchand de journaux, son boucher, son quincaillier et son petit marché, si minuscule qu'il en est attendrissant. »

Affiche de Gotlib pour "Brocanteur d'un Jour"

ancêtre du Vide-grenier des Charmettes, le 3 juin 1987.

Aujourd'hui [en 2006], Hamster jovial a rangé ses crayons au râtelier. « L'envie n'est plus là », dit-il. Dehors, le soleil écrase le petit carré de pelouse qui entoure sa maison. Gotlib aspire au calme. « Je ne sors pas beaucoup d'ici. En ce moment, un dossier agite beaucoup les Vésigondins : ce qu'on va faire de la patinoire qui a brûlé. Mais je ne participe pas au débat. Un peu par égoïsme : comme c'est à l'autre bout de la ville, je n'aurai pas les inconvénients des travaux » se confiait-il au journaliste de Paris Obs cette année-là. [1]

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C'est dans cette même petite maison du Quartier des Charmettes, que Gotlib est mort le 4 décembre 2016. Il est inhumé dans le cimetière communal.
En 2018, la Ville du Vésinet a souhaité lui rendre hommage en donnant son nom à la Bibliothèque municipale. [2]

Salut Marcel !

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    [1] D'après Daniel Garcia pour Paris Obs, 2006.

    [2] Bibliothèque Marcel Gotlib. Sans vouloir faire écho à tous les râleurs pour qui Gotlib était trop ceci ou pas assez cela, on peut s'interroger sur ce nom qui associe le prénom et le nom d'artiste. Pourquoi pas GOTLIB tout seul comme ALAIN pour le Lycée du Vésinet ? Ou pourquoi pas Marcel Gottlieb comme le Lycée Jean-Baptiste Poquelin à St-Germain-en-Laye que personne n'aurait songé à nommer Jean-Baptiste Molière ? Peut-être parce que personne n'a pu choisir entre l'artiste GOTLIB et le concitoyen, le voisin, l'ami parfois, qui restera Marcel.


Société d'Histoire du Vésinet, 2016-2018 • www.histoire-vesinet.org