Alain-Marie Foy, Jean-Marie Dumont, Extrait du Bulletin Municipal, n°31, juin 1975 Hommage à Joséphine Baker La disparition d'une artiste
de music-hall passe parfois inaperçue. Ce ne fut pas le cas pour Joséphine
Baker dont le talent a toujours été très cher au coeur des Français. Mais
beaucoup de Vésigondins ignorent sans doute que la célèbre chanteuse a
résidé pendant de longues années au Vésinet. On
sait moins qu'elle ne tarda pas à s'acheter une grande villa au Vésinet,
au n°52 de l'avenue Georges-Clemenceau, appelée Le Beau Chêne
et dont les propriétaires actuels n'ont pratiquement pas modifié l'aspect.
Dans cette immense maison, très fin de siècle d'apparence, entourée d'un
splendide parc à l'anglaise, Joséphine vivait entourée d'animaux familiers
parmi lesquels on compta même un léopard et quelques singes dont l'un
d'entre eux s'échappa et fut retrouvé au second étage d'une maison du
voisinage. Puis vient la guerre de 1939. Elle a plus
de quatre mille filleuls de guerre. Chaque soir elle assure à la gare
du Nord, à ses frais, la gestion d'un centre d'accueil pour les réfugiés.
"A l'aube elle regagne au Vésinet sa maison lointaine. Avant de
se coucher, elle s'astreint encore à une longue prière. Elle dort quelques
heures et, dès qu'elle a pris son bain, elle s'assoit à une table dans
sa chambre; elle écrit à ses soldats.".
Puis elle s'occupe de la préparation des colis qu'elle leur destine. Le 8 mai 1945, c'est la paix. Le 14 juillet suivant, le Général de Gaulle préside aux Champs-Elysées un magnifique défilé des troupes françaises et alliées. A cette occasion de nombreux chefs d'États ont été invités. Le Sultan du Maroc, Mohamed V est venu et Joséphine Baker organise en son honneur une somptueuse fête, la dernière, dans sa villa du Vésinet. Plusieurs orchestres sont dispersés dans le parc dont les bosquets sont éclairés. Les hôtes, ministres, ambassadeurs, artistes, militaires et le Sultan lui-même arrivent dans de magnifiques voitures américaines qui font sensation dans ce quartier tranquille. Lorsque cette nuit de rêve s'achève, c'est fini. La belle propriété s'endort jusqu'à ce que Joséphine s'en défasse. C'est
qu'elle a maintenant une famille. Elle a recueilli des enfants abandonnés
de toutes les races. Elle en aura douze dans sa propriété des Milandes.
On connaît la suite, les difficultés financières, retour sur les planches
et puis, cette année [1975],
une grande revue au Théâtre Bobino. Mais c'est trop d'efforts pour cette
femme de soixante-neuf ans qui est restée débordante de vie et qui s'est
donnée tout entière à ce dernier spectacle. Prise d'un grave malaise,
elle meurt le 12 avril dernier sans avoir repris connaissance. Il faut saluer avec tristesse la disparition de l'artiste incomparable qui fut une des reines de Paris pendant les quinze années qui ont précédé la guerre et qui, au temps de sa gloire, avait choisi notre commune pour résidence. Mais il faut aussi s'incliner avec respect devant la femme de coeur qui s'est dévouée corps et âme au service des orphelins et de la fraternité humaine. Son souvenir restera vivace parmi les Vésigondins qui ont apprécié dans leur jeunesse les spectacles où les chansons de cette idole des années folles. *** Notes additionnelles (shv, 2006) : [1] Joséphine Freda Mac Donald, est née le 3 juin 1906 à Saint Louis, Missouri. Sa mère est noire, son père est d’origine espagnole, tous deux artistes dans le besoin. Joséphine travaille comme bonne à 7 ans, arrête l’école à 12 et se marie à 13 avec Willie Wells Baker. Une précocité qu’on retrouve dans sa carrière de danseuse. Elle gagne son premier cachet en 1918, fait ses débuts au Hooker Washington Theater à 14 ans et connaît le succès à 16 ! [2] Corréa éditeur, 1949. [3] Après avoir chanté en 1931 ses deux amours, son pays et Paris, elle est devenue française en 1937 en épousant Jean Lion, un industriel juif. Quelques années plus tard, la guerre éclate. Elle entre alors en Résistance, un pan méconnu de son histoire ... [ lire Joséphine Baker, la résistante].
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