D'après un extrait d'un exercice de stage des élèves de l'IESA (Institut d'Enseignement Supérieur des Arts, Paris).

La Hublotière
Au Vésinet, elle est aussi connue sous le nom de Villa Berthe

La Hublotière ! Quel homme sensible et courageux a laissé ici à Guimard la bride sur le cou ? peut-être un maître de maison qui cherche à épouser son temps, peut-être un libéral. On rêve de Zola, de Clemenceau, de Jules Renard ou de Claude Monet grimpant les sept marches qui permettent d'accéder à la réception.

La Villa Berthe au Vésinet

Photographiée en 2017 après nettoyage des façades et restauration des ferronneries (Cliché LV)

Assis sur des massifs en pierre meulière ou granitique, le bâtiment semble ancré sur le sol, ce qui n'enlève rien à la légèreté de l'ensemble.
Les accès s'effectuent par deux voûtes qui voisinent mais n'ont guère en commun, l'une arborant une sorte de coiffe, l'autre, par son ampleur et son décrochement, permettant à la lumière d'inonder les arrière-plans.
En guise d'escalier, une tour dont les fenêtres taillées en biais évoquent la montée : un exploit architectural dont on ne retrouve nulle part l'équivalent sinon quelque peu esquissé, mais moins élégant, dans la cour du Castel Béranger.
A la Hublotière le décor est si parfaitement intégré au bâtiment qu'il faut un peu de temps pour en relever les beautés, ainsi les ciselures qui encadrent le portail, en dépit de l'orbe parfait, présentent de part et d'autre des différences répondant à cette règle fondamentale du maître d'œuvre : qu'en art rien ne doit être répétitif, que toute beauté ne doit jamais apparaître telle qu'on l'attend.
Egalement, le vieux rêve médiévaliste renaît une fois encore avec les motifs qui, sur la façade principale, ornent le dessus de la porte.
C'est par la ferronnerie que le génie de l'architecte s'impose ici ; la grâce des balcons, le jeu des consoles qui soutiennent les gouttières, les grilles qui surgissent sur les toits sont autant de preuves du génie de Guimard.

Garde-corps ...

 

Grand portail de l'allée charetière

 

Façade postérieure. Détail : une grande arcade éclaire le porche et dévoile, par une oblique, l’escalier de la porte d’entrée.

 

Dessin d'architecte signé par Hector Guimard

Conservé aux archives municipales du Vésinet (cliché SHV)

« Villa Berthe » ou « Hublotière » ?

Le nom de Villa Berthe provient d'un des premiers occupants, M. Casimir Lorin (1862-1922) dont l'épouse se prénommait Berthe. Nous avons trouvé comme première mention de la Villa Berthe, un fait divers rapporté dans la presse sous la forme suivante :

    Drame Conjugal

    La villa Berthe, située route de Montesson, au Vésinet, a été ensanglantée samedi par un drame conjugal. Lasse des exigences sans cesse croissantes de son mari, Charles Dufresne, âgé de 32 ans, valet de chambre à Paris, Mme Marie Dufresne avait quitté, il y a quelques mois, le domicile conjugal pour se placer comme bonne chez M. L..., rentier au Vésinet, à l'adresse indiquée plus haut.

    Déjà mécontent du départ de sa femme, le valet de chambre devint furieux quand, à ses demandes réitérées, elle opposa une fin de non-recevoir des plus absolues. Privé de cette source de revenus, sans courage pour gagner sa vie, il résolut d'aller trouver sa femme et de lui arracher quelques subsides.

    Donc, samedi après-midi, il sonnait à la grille de la villa, et introduit auprès de sa femme dans l'office, il essaya de lui soutirer quelques pièces d'or. Elle refusa net ; alors, s'élançant sur elle, il lui trancha la gorge d'un coup de rasoir qu'il dissimulait dans la poche de son veston. Son coup fait, il resta comme pétrifié devant sa victime, et les gendarmes purent l'arrêter sans qu'il opposât la moindre résistance.

    Baignant dams le sang, la pauvre domestique semblait morte, mais le docteur Raffejeaud [sic], sans toutefois pouvoir se prononcer définitivement sur la gravité de la blessure, a pu reconnaître que, par un hasard miraculeux, l'artère carotide avait été épargnée. La plaie, très étendue, est très profonde et l'état de la blessée est des plus graves.

    Interrogé par le brigadier de gendarmerie Bourgeois, Charles Dufresne a avoué qu'il avait prémédité sa vengeance ; il s'est toutefois défendu d'avoir voulu tuer sa femme ; il désirait simplement lui « donner une leçon ! »

    Ce cynique et peu intéressant personnage a été conduit sous bonne escorte à la prison de Versailles et aussitôt écroué...

Cet article parut dans Le Petit Journal en date du 14 janvier 1907 et fut repris dans la presse régionale des jours suivants. A cette époque, les occupants de la villa étaient Casimir et Berthe Lorin qui l'habitèrent durant une quinzaine d'années. Au Vésinet, le nom de Villa Berthe s'est toujours imposé.
Quid de « La Hublotière ? »
Le nom existe depuis le XVe siècle. C'était un lieu-dit sur la commune de St-Germain-du-Val, dans le département de la Sarthe. Peut-être une altération de Hubletière qui existe aussi dans le même département. L'étymologie n'est pas évidente. Mais c'était aussi le nom de personnages de roman et de théâtre populaires à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Le roman feuilleton Le Portrait de l'Aïeule de Mireille de Mongival fut publié à de nombreuses reprises dans de nombreux journaux. M. de la Hublotière, Brigitte de la Hublotière ont-ils, par la popularité de leur patronyme de roman, inspiré les critiques de l'Art Nouveau qui ont trouvé ce nom pour souligner l'originalité des soupiraux de la villa ?

Les soupiraux emblématiques, en forme de hublots, qui seraient à l'origine du nom Hublotière

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...En savoir plus : Hector Guimard • La Hublotière (site officiel) visite guidée Art nouveauLa Hublotière dans l'œuvre de Guimard • etc.


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