D'après Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré, Paris, octobre 1891 [Notes et illustrations : SHV, 2016].

L'Institution Sainte-Marguerite au Vésinet

Une institution réunissant toutes les conditions d'hygiène et de santé spirituelle et corporelle, répond à un besoin tellement naturel et indispensable qu'on ne saurait trop la recommander aux familles dans l'intérêt de leurs enfants. C'est ce qui nous a frappé tout récemment en visitant l'installation de l'institution Sainte-Marguerite, au Vésinet [1], que M. l'abbé Richard dirige avec un soin paternel...

Les bâtiments, consciencieusement aménagés et distribués, sont situés dans un des endroits les plus agréables des environs de Paris, près du champ de courses, à trois minutes de la gare du Pecq et à dix minutes de celle du Vésinet, au milieu de cours spacieuses et dans l'enceinte de la plus belle promenade que nous connaissions. Par sa position, cet établissement jouit d'un bon air exceptionnel, si favorable à la santé des enfants. Ceux-ci, du reste, s'y plaisent et souhaitent d'y rester longtemps, car il faut que l'on se pénètre bien de cette vérité : l'enfance n'est point réfractaire à l'étude, comme on pourrait le croire. Ce qui lui fait peur, ce n'est pas non plus l'internement forcé, mais la tristesse, la froideur ou la trop grande sévérité des locaux. C'est ce qui fait l'avantage des établissements situés extra-muros.


L'Institution Ste Marguerite dirigée par M. l'abbé Richard
Dessin de Henry Johnson, 1889.

L'institution Sainte-Marguerite réalise de tous points ce programme hygiénique. L'enseignement qu'on y donne comprend deux catégories distinctes qui sont :
     1° L'instruction primaire, élémentaire et supérieure, suivant les exigences du commerce et de l'industrie ;
     2° L'instruction secondaire, conformément au programme des lycées et du baccalauréat.
Nous ferons remarquer que dans cet établissement la réussite au baccalauréat est certaine, même pour les intelligences ordinaires, à cause du nombre restreint des élèves, qui permet de préparer soigneusement chacun d'eux. On y encourage et cultive les arts d'agrément. Les résultats obtenus aux différents concours par cette institution justifient la bonne direction de son enseignement. Inutile de dire que l'instruction religieuse y tient le premier rang. L'école sans Dieu est un non-sens, une énormité qui cache de nombreux périls. Jean-Jacques Rousseau a dit : « On n'est pas vertueux sans religion. »
Cette magnifique parole doit être la base de toute éducation morale de l'enfance ; la religion est une science essentiellement pratique que les jeunes gens apprennent mieux par l'exemple que par les préceptes. Ici, les exercices religieux se font dans la maison.


Institution Sainte Marguerite vers 1900 agrandie et dotée d'une tour.
Illustration publicitaire

M. l'abbé Richard vit constamment au milieu de ses élèves ; directeur, maîtres et élèves partagent la même table et sont soumis au même régime alimentaire. On développe ainsi l'esprit de famille chez les jeunes gens, et on pourvoit plus facilement à leurs besoins moraux qui forment ici l'objet d'une surveillance toute spéciale.
Les enfants sont reçus à l'institut Sainte-Marguerite depuis l'âge de six ans, et on les conduit jusqu'à la fin de leurs études classiques. Ils portent un uniforme obligatoire pour tous et conforme au modèle de la maison. Nous n'entrerons pas dans le détail du trousseau à fournir, ni des frais de pension [2].
Disons toutefois qu'ils sont établis sur le principe de la plus stricte économie, afin d'être à la portée d'un plus grand nombre de familles.
Tous les quinze jours ont lieu les sorties des élèves ayant obtenu dans la quinzaine une note suffisante ; ces sorties durent du samedi soir à trois heures jusqu'au lundi matin à huit heures et demie. Les élèves sont conduits à Paris et à Saint-Germain par un professeur, qui va ensuite les chercher le lundi matin. Chaque élève, en sortie de quinzaine, est porteur d'un bulletin qu'il doit communiquer à ses parents et que ceux-ci sont priés de signer.
Ajoutons que tous les détails tendant à l'hygiène du corps sont observés ponctuellement à l'institut du Vésinet, et font l'objet d'une sollicitude toute particulière.


Sainte Marguerite — Institution de jeunes gens
Carte postale (détail) début du XXe siècle.

Nous voudrions pouvoir énumérer tous les bienfaits de l'institut Sainte-Marguerite ; cette monographie nous entraînerait trop loin. Ce que nous tenons à dire, c'est qu'elle réalise le dernier mot du progrès par sa situation topographique et l'excellence de son enseignement pratique et religieux. [3]
L'établissement possède dans la vallée de l'Eure, à cinq minutes de Chartres, une propriété appelée le Petit Trianon, où les enfants peuvent prendre leurs ébats dans un parc magnifique, clos de murs, et d'une étendue de deux hectares et demi. Ils y mènent la vie de famille, qui les repose et les change de la vie scolaire. [4]
C'est, en somme, une maison qui se recommande plus que toute autre aux familles chrétiennes soucieuses de l'avenir de leurs rejetons ; en adoptant l'institution que dirige avec tant de zèle et de dévouement M. l'abbé Richard, elles accompliront un devoir qui leur est cher en assurant à leurs enfants une bonne instruction et une direction spirituelle qui portera rapidement les meilleurs fruits et en fera plus tard des hommes dans toute l'acception du mot. [5]

Institution de Monsieur Martin
Vers 1906, un certain Monsieur Martin succéda à l'abbé Richard, à la tête de l'Institution de Jeunes Gens, à laquelle il donnera son nom pour quelques années avant d'être remplacé par M. Giband...

Les bâtiments existent encore et ont été reconvertis en habitations.

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    Notes et sources :

    [1] On ne connaît pas exactement la date de fondation de cette institution. Une annonce publicitaire de 1887 précise "20ème année". Dans son manuscrit, l'instituteur Désiré Thibault précise que l'école fut ouverte en 1868 et comptait 11 élèves. En 1886, elle en recevait 26 répartis en cinq classes. Elle se trouvait au 4-6 avenue Hoche, ce qui correspond depuis 1911 et aujourd'hui encore, au début de l'avenue Marceau.

    [2] Des encarts publicitaires des années 1895-1897 précisent pour les tarifs "à partir de 50 frs".

    [3] En raison de son éloignement de l'église paroissiale, l'établissement obtint de l'évêque de Versailles, le droit de se doter d'une chapelle ouverte le 1er janvier 1879.

    [4] C'est dans cette propriété campagnarde que l'abbé Richard prit retraite à partir de 1898 (sans toutefois renoncer totalement à enseigner puisqu'il y recevait "2 ou 3 jeunes enfants pour éducation complète, soins maternels..." selon les petites annonces de la presse locale.

    [5] Au Vésinet, l'établissement conservera le nom de Institution Abbé Richard jusqu'en 1906, recevant "des élèves pensionnaires même pendant les vacances" comme le précisaient d'intenses campagnes publicitaires [Le Matin, La Presse, Le Petit-Journal, Ouest Eclair, etc., juillet-Aout, 1901-1906].

     


Société d'Histoire du Vésinet, 2016 - www.histoire-vesinet.org