Histoire du Vésinet > Les maires > Jean-Marie Louvel. [SHV, 2022] Jean-Marie Louvel, maire bâtisseur Le 14 décembre 1945, Jean-Marie Louvel répond à l'interview du Courrier Républicain de Seine-et-Oise qui recueille les témoignages des nouveaux élus à l'Assemblée Constituante. Louvel est maire du Vésinet depuis le mois de mai, mais pour son action nationale, il a choisi la province dont il est originaire, la Normandie, plus précisément le Calvados. Quelques instants avec M. Jean-Marie Louvel, député du Calvados et maire du Vésinet [1] 15h½ sonnaient au beffroi de l’Hôtel de Ville, quand, en l’absence de M. Delaty, secrétaire général, M. Delcour, secrétaire adjoint, m’introduisit dans le cabinet du premier magistrat du Vésinet. — Pourquoi, étant maire du Vésinet, avez-vous choisi le département du Calvados pour vous présenter à la députation ? — Bien qu’originaire de l’Orne, c’est à Caen, où mon père était fonctionnaire, que j’ai passé mon enfance et ma jeunesse en y faisant toutes mes études. Ma sœur mariée à un médecin, et deux de mes trois frères y habitent toujours, au milieu des ruines. L’un d’eux est conseiller municipal, aumônier du collège Saint-Joseph et professeur de philosophie l’autre est directeur des Contributions directes. — Quelles sont les commissions où vous êtes appelé à consacrer vos activités à la Constituante ? — La Commission de l’équipement national et de la production dont mes collègues ont bien voulu me confier la présidence et la Commission de la Défense. — Quelle est votre opinion sur la nationalisation de la Banque de France et les banques de crédit ? — La nationalisation d’une façon générale, et celle des banques, en particulier, est un « moyen extrême pour assurer à l’Etat la possibilité de faire prévaloir ses vues en répondant aux aspirations sociales de l'ensemble du peuple français et aux intérêts généraux de la Nation. — Que pensez-vous des revendications des fonctionnaires susceptibles de coûter à l'Etat 31,5 milliards par an ? — Étant donné le coût de la vie, ces revendications sont très légitimes, mais elles doivent être conditionnées par notre situation financière. Le gouvernement a devoir d’y procéder par paliers, en commençant par les petits, les familles nombreuses, etc. — Croyez-vous qu’il soit nécessaire que la Sarre et la Ruhr soient détachées de l’Allemagne proprement dite, afin que l'industrie de cette nation de proie ne puisse pas, très bientôt, fonctionner à plein rendement en dissimulant des buts d’agression future et pour qu’il y ait aussi entre la France et l’Allemagne un espace suffisant pour parer à une nouvelle attaque brusquée ? — Je connais bien les possibilités de la Sarre puisque j’y ai fait, pendant 3 ans, mes débuts d’ingénieur. Ce serait, à mon avis, un « minimum équitable et légitimé » que, tout au moins, l'économie du bassin de la Sarre soit entièrement rattachée à la France. En ce qui concerne la Ruhr, j’ai la conviction que nos grands Alliés se rangeront, avant le Traité de Paix, à l’opinion du gouvernement du général de Gaulle. Pour finir, je lui ai posé la même question qu'à son honorable collègue M. Jean-Paul Palewski. — N'estimez-vous pas qu’il y ait lieu de reconstituer à la Chambre le « groupe franco-latino-américain » qui a aidé à la fondation de la « Maison de l’Amérique latine à Paris » et au « Groupement des exportateurs français pour l'Amérique latine » agréé par l’Etat au titre du décret du 24 mai 1938 ? — Certainement, cher Monsieur, puisqu’ont été maintenus des groupes parlementaires à caractère diplomatique, mais c'est là une initiative qui appartient au ministre des Affaires Étrangères. Si elle vient en discussion à la Constituante, je m’en montrerai partisan, car je sais le magnifique champ d’action qu’offre au commerce de notre pays, le marché des Républiques de l’Amérique du Sud et de l’Amérique Centrale. Jean-Marie Louvel (1900-1970) Maire du Vésinet de 1945 à 1953 Au terme de l'entrevue, le journaliste du Courrier aborde la question du Vésinet qui relève de son périmètre de distribution et concerne plus directement ses lecteurs. — Et maintenant, Monsieur le Député, voulez-vous bien que nous parlions un peu du Vésinet ? — Mais oui car, dans quelques années, Le Vésinet fera partie du Grand Paris. Il s’agit donc, dès maintenant, de « préparer des réalisations » qui pourront être effectuées quand les circonstances s’y prêteront.
Jean-Marie Louvel (debout, à droite) et son premier adjoint, le docteur Frédéric Hallberg [3]. Derrière, sous le portrait d'Alphonse Pallu, MM. Parat, Gromest, et des membres du Conseil municipal (collection SHV). « Grand Paris », « préparer des réalisations », ... Jean-Marie Louvel sera réélu maire du Vésinet en 1947. Contrairement aux élections d'avril mai 1945, les premières élections depuis la Libération qui s'étaient déroulées dans une situation politico-sociale difficile (la situation économique restant très précaire, les prisonniers de guerre n'étant pas tous revenus, de nombreux règlements de compte émaillant la vie politique locale, la fin de la guerre n'intervenant qu'entre les deux tours) les élections de 1947 marquent un certain retour à la normale. Pour solliciter sa réélection, l'équipe élue en 1945 s'appuie sur un bilan déjà étoffé et des perspectives engageantes. [4] La liste que nous présentons à vos suffrages se compose d'hommes qui, décidés à écarter l'intrusion de la politique dans la vie Municipale, entendent se consacrer exclusivement à la saine gestion des Affaires Communales et au mieux-être de notre riante Cité. La plupart de nos candidats appartiennent au Conseil sortant. Ils ont fait leur preuve. Vous connaissez leurs nombreuses réalisations dont nous vous rappelons, au verso, les principales. Ces réalisations, il faut que vous le sachiez, ont été effectuées en conservant à la Ville une situation financière saine, et malgré l'élévation générale du taux des impôts, notre Commune reste encore l'une des moins imposées des 691 Communes de Seine-et-Oise. Notre budget est en équilibre et la trésorerie à l'aise. Vous trouverez à côté de ces hommes, quelques personnalités nouvelles choisies pour leur compétence, leur parfaite honorabilité, et leur sollicitude reconnue pour Le Vésinet. Vos conseillers Municipaux auront d'abord le devoir de penser au Vésinet, de se consacrer au Vésinet et par conséquent, de poursuivre l'œuvre de leurs prédécesseurs, en réalisant un programme d'action dont les bases ont été établies par le Conseil sortant. La réalisation de notre programme réclame une large union autour des candidats de notre liste composée en dehors de toute préoccupation partisane. Certains d'entre nous professent des opinions politiques d'ailleurs diverses, d'autres, et c'est la grande majorité, sont rigoureusement indépendants de toute appartenance politique et entendent le demeurer. Mais tous, nous sommes unis dans notre attachement profond et sincère à une République véritablement démocratique, à une France grande et indépendante... Ce langage trouvera son écho, la liste Républicaine d'action municipale sera élue au premier tour. Au cours de son mandat, M. Louvel sera plusieurs fois ministre (en charge de l'Industrie, du Commerce ou de l'Énergie) de 1950 à 1954, les gouvernements se succédant ne tenant guère que quelques mois. Fourgon d'incendie normalisé Mis en service en 1948, il fut réformé en 1981 à l'ouverture de la nouvelle caserne. Les projets concernant les équipements sportifs et les écoles sont ambitieux et une nouvelle poste est annoncée, les PTT acceptant d'envisager la construction d'un Hôtel des Postes dans le courant de 1948. Les plans en sont conservés aux archives municipales mais elle ne sera édifiée qu'au début des années 1960, dans un style architectural bien différent. Louvel, de la reconstruction à l'industrialisation [5]
Surprise aux municipales de 1959, c'est un presque parachuté qui l'emporte [à Caen]. Le MRP Jean-Marie Louvel, 59 ans, ministre de l'Industrie de 1950 à 1953, devient maire. Ce Polytechnicien, patron de la Compagnie générale électrique -devenue Alcatel-, a été maire du Vésinet (Yvelines) jusqu'en 1953, année où il est élu simple conseiller municipal à Caen. Dans un roman à clé très explicite, « Chronique insolente d'une ville de province », Henri de Grandmaison, directeur d'Ouest-France dans les années 60, considère que le maire « se dit démocrate, mais il a horreur de la démocratie partagée. Pour lui, pas de différence entre le pouvoir et la propriété ». La reconstruction se termine en 1963 avec l'inauguration du théâtre. Le projet d'une nouvelle mairie ayant échoué, Jean-Marie Louvel pilote la transformation de l'abbaye aux Hommes en hôtel de ville. Jusqu'en 1959, ce monument du XIe siècle était occupé par le lycée Malherbe, premier véritable bâtiment post-reconstruction. En 1966, la mairie s'installe définitivement à l'abbaye aux Hommes. « Même à l'étroit, aucun fonctionnaire n'a plus voulu en partir », note un chef de service. Construite par l'épouse de Guillaume le Conquérant, l'abbaye aux Dames accueillera, elle, le siège du conseil régional dans les années 80. Ayant reconquis son centre, la ville, qui n'occupe que 60 % de son territoire, commence son extension vers la périphérie. Le quartier de la Guérinière (40 hectares) voit le premier ses derniers champs disparaître au profit de 64 immeubles de 2 400 logements accueillant 10 000 habitants. La politique de logements collectifs se poursuit avec des réussites architecturales contrastées : Grâce-de-Dieu (11 000 habitants), Chemin-Vert (6 000), Pierre-Heuzé (4 000 résidents) et Calvaire Saint-Pierre combinant plus harmonieusement immeubles et pavillons pour ses 5 000 habitants [...] Avec ses nouveaux quartiers, Caen voit sa population passer de 68 000 habitants en 1954 à 108 000 en 1968. La ville remplit le rôle que lui ont dévolu les experts du Plan, à savoir « faire écran » entre la campagne qui se dépeuple et la région parisienne. D'autant que de nouvelles industries ont accueilli la population rurale. Alors qu'il était ministre de l'Industrie, Jean-Marie Louvel, a favorisé l'arrivée de la Saviem, aujourd'hui Renault Trucks. Mais, selon l'historien Jean Quellien, « il s'est montré plus réservé sur la poursuite d'un processus qui risquait de modifier l'équilibre sociologique et politique de l'agglomération. » Qu'aurait pu devenir Le Vésinet avec un tel bâtisseur à la mairie ? Le Vésinet – Vue sur la rue Thiers (piétonne) depuis la place de l'Église (Archives municipales) (Cliché SHV)
Le Vésinet – Vue sur l'avenue des Pages (quartier des Charmettes) au carrefour Pages/Montesson (Cliché SHV) **** Notes et sources : [1] Courrier Républicain de Seine et Oise, 14 décembre 1945. [2] Les projets verront le jour au mandat suivant. L'école maternelle des Charmettes en 1957 l'agrandissement de l'école Pasteur en 1958 le groupe scolaire Princesse en 1958 le groupe scolaire des Merlettes en 1960. En 1959, on ouvrait au Vésinet une annexe du Lycée Marcel Roby de St-Germain-en-Laye dans des bâtiments de fortune. Ce sera dix ans plus tard le Lycée Alain. [3] Bror Frédéric HALLBERG, né le 27 mai 1905 à Marseille (Bouches-du-Rhone) d'un père médecin d'origine Suédoise et de mère Marseillaise, lui-même médecin généraliste, s'installe au Vésinet en 1931 (45 boulevard Carnot) et épouse en 1932 une veuve, Lucienne De Bernardis, fille de Claude Joseph Denariez (1861-1942), un négociant, ancien adjoint au maire du Vésinet. Le couple aura cinq enfants, quatre filles et un garçon, Eric, médecin comme ses père et grand-père, et sportif aussi comme eux, sera champion de France de Marathon (1962). Pendant la Seconde Guerre mondiale, le docteur Hallberg anima un réseau de Résistance. A la Libération, il entra au Conseil municipal sur la liste républicaine d'action sociale de Jean-Marie Louvel dont il sera durant toute la durée de ses deux mandats, le Premier Adjoint. Aux élections de 1953, tandis que Louvel, devenu député puis ministre, choisira de devenir maire d'une plus grande ville à rebâtir (Caen), le docteur Hallberg se verra préférer Marc Ferlet pour la mairie du Vésinet. Il renoncera alors aux affaires publiques pour exercer son art médical, jusqu'à sa mort en 1963, âgé seulement de 58 ans. [4] Comme toujours, l'estimation municipale est surévaluée par rapport aux statistiques officielles (dictionnaire des communes) qui donnaient à peine plus de 11.000 habitants en 1946, atteignant 13.000 habitants seulement en 1950. [5] Tract de campagne 1947 de la liste Républicaine d'action municipale conduite par M. Louvel. Collection privée. [6] Louis Laroque, Caen – politique – Ils ont rebâti la ville. Le Point n°1862, 22 mai 2008.
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