Exposition dans
le cadre de l'année du Patrimoine,
Dix
photographes pour le Patrimoine Centre National d'Art et de Culture Georges-Pompidou, (1er juillet
au 30 septembre 1980)
Extrait du catalogue, le texte
de présentation de son oeuvre, par Jean LATTES
Le Vésinet, pourquoi ? Grande
est la tentation de faire d'Alphonse Pallu un disciple secret d'Alphonse
Allais, partisan (on le sait) de l'installation des villes à la
campagne. Ou bien faut-il penser, comme beaucoup d'urbanistes français
ou étrangers, que la création de Pallu (aidé du comte de Choulot)
réalise l'utopique fusion de la Nature et de la Culture, quelque
peu aidée par le chemin de fer?
Ce qui n'est pas contestable,
c'est qu'un industriel, un "homme d'affaires du XIXe siècle"
a légué à la postérité non un "lotissement", mais un parc
habité, des lacs et des rivières, des pelouses, des bois et des
espaces tels qu'aucun de nos modernes promoteurs n'oserait ni ne
pourrait en promettre.
En 1858 et en 1863, MM. Pallu & Cie
codifiaient par leurs cahiers des charges des règles qui ont fait
du Vésinet ce qu'il est encore aujourd'hui, alors même que M. de
Choulot écrivait qu'il ne se dissimulait pas "les concessions,
les sacrifices que l'art aurait à faire aux exigences fondées d'une
entreprise industrielle (nous dirions aujourd'hui "immobilière"). Il ne s'agissait pas, de faire de l'art pour l'art, mais de tout
disposer pour attirer les yeux et faire désirer à chacun un petit
coin dans ce beau parc, pour planter sa tente au bord d'une rivière
ou d'un lac, dans une île ou au milieu d'un bois solitaire, Il fallait
des scènes pour tous les goûts, des emplacements à portée de toutes
les bourses et disposés de manière à pouvoir répondre aux exigences
d'une sage économie comme aux habitudes du luxe et de la fortune".
Le
Lac Inférieur en hiver (J. Lattès)
Tous les habitants du Vésinet d'aujourd'hui ont-ils une claire conscience
de l'extraordinaire privilège qui est le leur? On pourrait croire
le contraire certains jours, compte tenu des difficultés qu'il y
a à faire respecter les arbres (muettes victimes des tronçonneuses),
pourtant comptés, les pelouses (qui feraient de si beaux parkings),
les allées pour piétons (qui ne plaisent que trop aux soi-disant
"motos vertes"), les canards, les cygnes et tous les oiseaux
voire même les simples règles d'une circulation que ne pouvait prévoir
M. Pallu. Pour l'instant, Le Vésinet se défend assez bien encore
contre tous les prédateurs. Puissent mes photographies communiquer
combien est inestimable ce patrimoine encore presque intact et renforcer
les raisons de le maintenir ainsi.
D'autres photographies
de Jean Lattès ont été exposées la même année, 1980, au Centre
des Arts et Loisirs dans le cadre de l'exposition consacrée
au centième anniversaire de la mort de Alphonse Pallu.