Le
texte de cette biographie de Lévy-Dhurmer est paru à l'occasion
de l'achat par le département des Hauts de Seine
de "La mort d'Atala" toile de Lévy-Dhurmer destinée
au fonds de la Maison de Châteaubriand.
Lévy-Dhurmer
Lucien Lévy, né à Alger (département
d(Alger) le 30 septembre 1865, suit dès 1879 à Paris les enseignements
de Vion et de Wallet, à l'École communale supérieure de dessin et de
sculpture du XIe arrondissement, puis de Raphaël Collin, à partir de
1886.
Lithographe, ornemaniste, il travaille de 1887 à 1895 à la Manufacture
de faïences d'art de Clément Massier, à Golfe Juan. Au XIXe siècle, la
famille Massier est à l'origine d'une importante mutation de la céramique à Vallauris.
Alors que depuis le XVIe siècle, Vallauris s'est cantonnée dans la production
de céramique culinaire, la famille Massier introduit la céramique artistique.
Clément Massier (1844-1917) est le plus célèbre de cette dynastie. Son
frère Delphin (1836-1907) et leur cousin Jérôme (1850-1916) ouvriront également
des manufactures de céramique décorative. Vases, cache-pots complets
en faïence émaillée ou à décor lustré, majolique en forme d'animaux sont
la principale production de la famille Massier avec laquelle de nombreux
peintres et sculpteurs tels Levy-Dhurmer, James Vibert ou Alexandre Munroe
ont collaboré.
Lucien Lévy-Dhurmer (Massier) Vase orientaliste (porcelaine)
41,9 x 25,4 x 10,2 cm
Levy Dhurmer perfectionne dès cette époque
son art du dessin et du pastel, technique où il excelle tout particulièrement.
En 1896, une exposition lui est consacrée à la Galerie Georges Petit,
où il apparaît pour la première fois sous le nom de Lévy-Dhurmer (inspiré du
nom de sa mère, Goldhurmer). Mélange d'académisme et d'impressionnisme,
ses œuvres portent la marque d'un idéalisme et d'un symbolisme teintés
de mystère. Parallèlement, Lévy-Dhurmer multiplie l'exécution de portraits,
dont les plus personnels relèvent davantage de l'évocation que de la
représentation formelle : ainsi les portraits du poète belge Georges
Rodenbach, qui introduisit le peintre dans les milieux artistiques parisiens
et dont il illustrera plus tard le roman Bruges-la-Morte, ou de
Pierre Loti (qui accueille le peintre à Hendaye en 1896), sous-titré Fantôme
d'Orient, évoquant un voyage de l'écrivain à Istanbul. D'autres,
semblables à des masques, figurent des visages apparaissant sur un fond
donnant une impression d'inachevé.
Eve, 1896 Pastel et gouache,
49 x 46 cm
Influencé par le préraphaélisme, celui
qui si bien s'inscrit dans le courant des "peintres de l'âme" – en
opposition à un réalisme dénué d'intimisme – connaît dès lors un succès
considérable. Il obtient en 1900 une médaille de bronze à l'Exposition
Universelle et est décoré de la Légion d'honneur en 1902 [1].
Fortement marqué par ses nombreux voyages à travers le monde (Italie,
Espagne, Hollande, Afrique du Nord, Turquie...), d'où il ramène paysages
et portraits pittoresques, Lévy-Dhurmer s'inspire également d'œuvres
musicales de Beethoven, Debussy ou Fauré pour la composition de pastels
tels Évocation de Beethoven, exposée au Salon de 1908 et achetée
par l'État pour l'Opéra-Comique, D'après la Sonate au Clair de Lune,
L'Appassionnata ou encore La Marche funèbre, nus féminins
vaporeux teintés de rêverie. À partir de 1920, il trouve une inspiration
nouvelle dans des œuvres littéraires, notamment les Fables de La Fontaine.
Lucien Lévy-Dhurmer en 1920. Peu connu du grand public, il révèle
pourtant au fil de ses œuvres une personnalité artistique riche où se
mêlent avec bonheur réalités évanescentes et impressions dramatiques
qui, baignées d'une lumière diffuse tels les nimbes d'un songe, en
font un remarquable peintre du monde obscur de l'intime.
Lévy-Dhurmer mourut au Vésinet, le 24
septembre 1953. Il avait épousé le 6 janvier 1914 Emmy Fournier, journaliste, rédactrice en chef du quotidien féminin La Fronde, fille de la romancière Jeanne Marni (Marie Jeanne Marnière).
****
Note:
[1]
Portée par de belles expositions telles que celle du Musée d'Orsay, Dessins
de Georges Seurat et des artistes néo-impressionnistes, la cote
des postimpressionnistes a progressé de +34,8%, avec une pointe à +70%
pour les feuilles de Théo van Rysselberghe. Par exemple, Veere (Hollande),
une aquarelle de 1906 a été emportée 22 000 € chez Christie's Paris
le 12 décembre 2005, pour une estimation de 4 000 - 6 000 €. [...]
La plus incroyable des hausses revient à Lucien Lévy-Dhurmer. En
tout juste un an, ses œuvres sur papier ont gagné +454% en moyenne.
Déjà en 2002, un pastel intitulé Hélène (53 x 42 cm) fit
une bonne surprise en atteignant 91 500 €, soit près de dix fois
l'estimation basse ! En décembre 2005, un autre pastel intitulé Repas
de femmes est parti pour 125 656 € à Casablanca, au double des
estimations, un record pour l'artiste.
Société d'Histoire du
Vésinet, 2007 - www.histoire-vesinet.org