Le Vésinet, Revue municipale, n°66, mars 1984.

Le bois du Vésinet, terrain de manoeuvres

Au bord de la route royale (actuelle avenue du Grand Veneur), un terrain de onze hectares avait été défriché en 1816 [1] pour servir de champ de manoeuvre aux régiments de Gardes-du-Corps cantonnés à St Germain en Laye.

Plan du Bois du Vésinet (Restauration)
Le bois du Vésinet sous la Restauration.
Le terrain de manoeuvre, en grisé sur le plan, est matérialisé en couleur.

Pendant la première semaine de septembre 1853, une "petite guerre et la prise de Saint-Germain par les troupes du camp de Satory" fut organisée, en présence du Maréchal Magnan, commandant l'Armée de Paris, haut dignitaire du régime, ami de Morny et ... Grand-Veneur (titre rétablit en 1852 par Napoléon III). Il établit son campement dans le bois du Vésinet, non loin de l'axe désigné sur les anciens plans comme "la Route Royale", qui porte aujourd'hui, le nom d'avenue ... du Grand-Veneur.

Le camp du maréchal Magnan
Opérations militaires de Saint-Germain.
Campement du maréchal Magnan dans le bois du Vésinet (1853).
Collection Ghestem.

Bernard-Pierre Magnan (1781-1865) était clerc de notaire lorsqu'il s'engagea, en 1809 dans un régiment de ligne. Il conquit ses galons sur les champs de bataille. Il prit part à la bataille de Waterloo dans un régiment de la Garde et, sur la recommandation du maréchal Gouvion Saint-Cyr, il fut incorporé, comme adjudant-major, dans la garde royale. Nommé chef de bataillon en 1817, il fit la campagne de 1823 en Espagne, et fut promu colonel en 1827. Plus tard, en 1830, Magnan participa à la conquète de l'Algerie où il fit plusieurs séjours.
Après la révolution de 1848, le général Magnan eut plusieurs fois à réprimer des révoltes populaires. Louis Bonaparte, devenu président de la République, le fit grand officier de la légion d'honneur et le mit à la tête de la division de Strasbourg, Au mois de juillet suivant, dans une élection partielle, il fut nommé député dans le département de la Seine, et, en juillet 1851, il reçut le commandement de l'armée de Paris.
Avec Morny, Persigny et Saint-Arnaud, Magnan prépara et exécuta le coup d'état du 2 décembre 1851, et Napoléon III, le récompensa en le nommant successivement maréchal de France (2 décembre 1851), grand-croix de la Légion d'honneur, sénateur et Grand Veneur en1852. Plus tard, en 1862, il sera nommé grand maître de la franc-maçonnerie ce qui provoquera de vives protestations parmi les membres du Grand Orient de France. Le maréchal Magnan habita Croissy dans les anciens communs du château (aujourd'hui 1, avenue d'Eprémesnil).
Une célèbre actrice [2] de la fin du XIXe siècle trace, dans ses mémoires, le portrait du général:

"Le maréchal Magnan était l'un des plus beaux soldats de l'armée de Paris; à soixante-dix ans, il n'en paraissait pas cinquante, et lorsqu'il passait devant un front de bataille, sa haute stature, sa large poitrine où brillaient les grands-croix de la Légion d'honneur et de huit ordres étrangers fixaient l'admiration de tous. Il était commandant en chef de l'armée de Paris, commandant supérieur des divisions du Nord, Grand Veneur de l'Empereur, grand maître de la franc-maçonnerie, [...]. Il fut un de ceux qui justifient le proverbe "Chaque soldat de France a un bâton de maréchal dans sa giberne." [...] Le maréchal, qui était très joueur, faisait constamment des dettes que l'Empereur payait non moins constamment. Napoléon III ne pouvait oublier le concours qu'il avait reçu de ce serviteur dévoué, lors du Coup d'État du Deux-Décembre, que le Maréchal prépara avec Morny, Persigny et Saint-Arnaud.
[...] La galanterie du maréchal était légendaire. On lui connaissait une maîtresse favorite, la très jolie femme d'un boursier, dont les opérations étaient régulièrement heureuses, non seulement pour la raison que des superstitieux imagineraient, mais aussi à cause de la très haute influence qui augmentait son crédit. D'ailleurs, cette maîtresse trompait avec d'autant plus d'acharnement son illustre protecteur, qu'il était plus généreux envers elle. Au Conservatoire, le maréchal trouvait des distractions moins couteuses et plus idylliques..."

Malgré les énormes traitements attachés à ses diverses charges, Magnan laissera en mourant,en 1865, des dettes considérables.

Le Grand Veneur
Bernard Pierre Magnan (1781-1865),
Maréchal de France,

L'emplacement du terrain de manoeuvre du Vésinet fit plus tard l'objet de réclamations des différents colonels de cavalerie qui avaient occupé la garnison de Saint-Germain. En juin 1855, le journal L'Industriel rapportait qu'à la suite des observations faites par les chefs de corps sur les inconvénients qu'offrait l'emplacement du terrain de manoeuvre – le principal grief était que "la montée sur Saint-Germain fatiguait beaucoup les chevaux après leurs exercices au Vésinet" – d'anciennes études avaient été reprises et d'importants travaux seraient bientôt entrepris pour son établissement dans la forêt de Saint-Germain. Ce nouveau terrain fut créé en 1856. La date de ce changement n'est peut-être pas sans rapport avec les tractations qui avaient lieu à cette époque entre la maison impériale et la société Pallu & Cie au sujet de l'échange des bois du Vésinet. Et le Grand Veneur n'y fut peut-être pas étranger.

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    Notes et sources :

    [1] Selon le cadastre de 1828, le terrain « pour la cavalerie » comptait 11 ha 90 a 65 ca, soit très près de 12 hectares.

    [2] Marie Colombier, Mémoires - fin d'Empire, Ed. E Flammarion, Paris (1898-1900).


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