D'après Le Collectionneur de Timbres-poste n°166, août 1894 et autres sources (voir notes) Arthur Maury, le grand-père de la philatélie Né le 31 janvier 1844 au cœur du vieux Paris, rue du Petit-Musc, Arthur Maury était fils de modestes commerçants. S'étant spécialisé dans la vente de gants, son père alla s'installer à Boulogne-sur-Mer. Quelques années plus tard, en 1860, le jeune Arthur qui depuis plusieurs années déjà collectionnait les timbres et en échangeait, notamment avec les nombreux Anglais qui chaque été transitaient par Boulogne, obtint de son père qu'il lui concédât toute une vitrine. C'est là qu'il installa ses feuilles de timbres, soigneusement présentées à prix marqués. Rapidement, une petite clientèle se forma. Pour la satisfaire, il dût se fournir un peu partout et principalement à Paris, où il entra en relations avec les collectionneurs, déjà relativement nombreux et avec les quelques personnes qui en faisaient plus ou moins commerce. La maison Maury était virtuellement fondée et ce jeune homme de 16 ans venait de créer une firme qui porte encore son enseigne dans les locaux mêmes où il devait l'établir définitivement, après divers déménagements dont nous allons en évoquer certains: «...deux étages sur le boulevard, exclusivement pour les magasins et les bureaux. A côté, rue d'Amboise, des magasins spéciaux pour les éditions d'albums et les imprimés, dont les ballots prennent beaucoup de place. » [3] Figures parisiennes : Maury (1884) Se faire trente mille livres de rente avec de vieux timbres-poste, voilà le problème qu'a su résoudre Maury, le fantaisiste collectionneur, l'inventeur de la timbromanie, aujourd'hui Timbrologie, s'il vous plaît. D'autres, poursuivant la chimérique fortune, ont essayé, pour éviter les routes encombrées, les sentiers archi-battus, mille métiers, mille inventions de résultat aussi illusoire, hélas ! que l'art d'élever les lapins. Nous avons connu Maury, en 1862, dans sa petite boutique de la rue Richelieu ; c'était alors un gamin de 17 ans, ardent collectionneur, marchand, artiste tout à la fois ; il publiait son petit journal, le Collectionneur de Timbres-poste, qui avait trois mille abonnés. Aujourd'hui, auteur-éditeur de catalogues et d'albums fort intelligemment faits, d'ailleurs, il est toujours la Providence des collectionneurs. Son magasin de la rue Saint-Lazare est une des curiosités de Paris, une vraie administration avec un nombreux personnel classant, collant, expédiant des timbres dans toutes les parties du monde. Au physique, Maury possède une figure très fine, qui respire la bonté et l'affabilité. Indépendamment des timbres, il est collectionneur encore. Armes, marqueterie orientale, marionnettes, etc., se donnent rendez-vous chez lui. Oui, marionnettes et pantins de tous temps et de tous pays. Il prépare sur ce sujet un volume qui ne manquera pas d'intéresser nombre d'amateurs. Le Figaro a, du reste, publié il y a un mois, sur Maury et ses marionnettes, une étude curieuse due à la plume de M. Eudel. Voilà assez de titres, je crois, pour donner à Maury la première place dans la galerie que nous commençons sous le titre de : Physionomies parisiennes.[4] Marié le 27 mai 1867 à Paris avec Marie Augustine Verrier (1846-1898) fille de négociants parisiens, le couple aura quatre enfants, deux filles et deux garçons. Marthe (1871) Maurice (1874), Camille (1875) et Georges (1877). L'aînée, Marthe, à épousé au Vésinet, le 12 septembre 1894, Eugène Bazillais. M. Bazillais (père) de la maison Bazillais, Garcia & Cie à La Havane, comptait de nombreux amis parmi les correspondants latino-américains de Maury, Ayant beaucoup voyagé, principalement au Mexique, au Guatemala, au Venezuela il avait rassemblé une jolie collection de timbres. Fixé complètement à Paris pour les achats de sa maison de La Havane, M. Bazillais prêtera son concours pour les pays de l'Amérique du Sud et de l'Amérique Centrale où la philalélie était en grande vogue. Le Coq Gaulois (1904) Sous ce titre et pour la modique somme de cinq francs, M. Arthur Maury, le marchand de timbres-poste bien connu de plusieurs générations de jeunes collectionneurs, vient de publier un superbe ouvrage renfermant des centaines de gravures, dont un certain nombre hors texte et en couleur, sur le « Coq à travers l'histoire ». C'est toute l'histoire même de la Gaule et de la France par l'image et par l'emblème. Mais je ne peux en faire ici une sèche analyse. Après avoir véhémentement conseillé à nos amis de lire ce volume, j'aime mieux m'en tenir à quelques souvenirs personnels sur Arthur Maury et sur le coq gaulois. Arthur Maury, avant la guerre, venait de se marier, et était établi marchand de timbres-poste rue Saint-Lazare, au moment où mon frère était nommé juge de paix à Montfort-sur-l'Isle, près de Pont-Audemer, en mars 1867, et toutes les fois que je venais à Paris, je ne manquais pas d'aller faire quelques achats de timbres chez Maury, alors tout jeune marié, alors que j'avais moi-même de quinze à dix-huit ans. Cela ne nous rajeunit ni l'un ni l'autre. Après la guerre, revenu à Paris, je l'ai retrouvé depuis un nombre d'années que je n'ose plus compter chez Lévy, imprimeur de la rue des Martyrs, où il fait son journal de timbres-poste, connu dans le monde entier, tandis que moi, j'y écris dans quantité de revues économiques connues seulement dans un monde spécial. Ainsi va le monde et si nous nous sommes toujours suivis de plus ou moins loin et si nous avons vieilli tous deux d'un pas égal, si j'ose dire, je puis ajouter que nous avons aussi toujours beaucoup travaillé et que nous avons la conscience de ne pas avoir perdu notre temps depuis la guerre, depuis trente-cinq ans ! Ceci dit, je veux remonter plus en arrière encore et dire un mot du coq gaulois de 1830, à l'avènement de Louis-Philippe au trône de France, à la suite des journées que par un doux euphémisme à renversement on appelait les « trois glorieuses ». Il y avait à cette époque plutôt reculée, au Marais, un fabricant de bronze, M. Gand, jeune marié ; il était à la hauteur de ses affaires, sans être fort riche et il avait déjà gagné une petite fortune en lançant une foule de nouveaux modèles de lampes Garcel en bronze, qui commençaient à faire fureur en France, lorsqu'en 1830, avec un ami dont je n'ai plus le nom sur le moment, il eut une idée de génie ; il fit modeler et fabriquer à la hâte des quantités de modèles de coqs gaulois en bronze très artistiques, pour bureau, salon, etc., presse-papier, pendules et bimbelots de toutes formes et de tous prix et ce fut pour lui, son ami et associé, simplement un coup de fortune... mais il avait fallu lancer le dit coq gaulois en bronze en quelques jours. Ce que c'est tout de même que le flair dans le commerce, aussi bien que dans l'artillerie ! M. et Madame Gand se retirèrent A Verneuil-sur-Seine où je les ai beaucoup connus, où mes parents avaient une petite maison de campagne et d'où précisément mon père partit au printemps de 1867, quand il fut nommé juge en Normandie. Aujourd'hui, leur fille unique Madame Virginie Coudrot, vit de ses rentes à Saint-Germain-en-Laye, avec son mari, ancien architecte, ancien maire de Verneuil-sur-Seine et possède toujours les modèles, les originaux, des lampes Garcel et des coqs de toutes sortes qui furent comme la source de la fortune de ses parents, fortune particulièrement honorable puisqu'elle eut pour point de départ le travail et l'esprit d'initiative de M. Gand. M. et Mme Coudrot n'eurent également qu'une fille, mariée à Théodore Salomé, ancien professeur au Conservatoire de Musique et le compositeur bien connu de musique religieuse. Elle-même n'eut qu'un fils, M. René Salomé, agrégé de la faculté des Lettres et actuellement le secrétaire et le second du docteur Henry de Rothschild. J'ai tenu à rappeler ici tous ces souvenirs personnels et lointains, non pas parce qu'ils touchent à des amis d'enfance à moi à quatre générations — hélas ! — mais simplement parce que les bronzes de M. Gand ses coq gaulois en 1830 ont joué un véritable et double rôle artistique et politique dans le pays, parce qu'il était utile et bon de le rappeler. Ce n'est que de l'anecdote, mais n'oublions pas que c'est précisément par l'anecdole et par l'image, par le document que l'on rend vivante et tangible l'histoire ; or, l'anecdote est le document moral, comme l'image est le document matériel et c'est en les rapprochant l'un de l'autre que l'on arrive à reconstituer et à faire revivre une époque, comme vient de nous le prouver avec tant de talent et de sûreté d'informations M. Arthur Maury dans son beau livre sur le Coq gaulois à travers l'histoire. [4] Maury s'est efforcé de démontrer l'origine populaire du Coq gaulois et de le faire réapparaître dans les armoiries de la France, ce à quoi il a réussi en partie. On se souviendra que l'important ouvrage Les Emblèmes et les drapeaux de la France : le coq gaulois dont il vient d'être question fut honoré d'une souscription du Gouvernement. Arthur Maury (1907) Il est une personnalité commerciale digne de considération. [5] Nul n'ignore parmi nous, qu'au point de vue philatéliste, sa maison dont la Fondation remonte à 1860, est la plus importante et la plus ancienne de France, s'occupant du commerce des timbres authentiques. Elle est citée aussi parmi les premières du monde entier. Notre confrère aussi, de la presse spéciale. De nombreux articles supérieurement documentés ont été écrits par lui dans son journal illustré, le Collectionneur de timbres-poste, vade mecum de tous ceux que passionnent les vignettes postales, éditeur au goût sûr, chercheur inlassable, nous lui devons de nombreuses publications, notamment Le Coq Gaulois, historique des emblèmes et des drapeaux de France ; l'Armorial universel, etc. L'âme et le cerveau de cette puissante maison du boulevard Montmartre, aux rouages multiples d'un fonctionnement merveilleux. Pour être juste, il faut dire que, dans sa famille — son gendre, ses deux fils et son beau-frère — il trouve de précieux et dévoués collaborateurs. Mais Arthur Maury, ne se cantonne pas non plus dans son propre succès, il est aussi un économiste averti et expérimenté ; ses confrères et ses pairs ne l'ignorent point. Tant pour lui rendre hommage que pour remettre une partie de leurs intérêts généraux dans les meilleures mains, ils l'ont choisi comme Président de la Chambre syndicale des négociants experts en timbres-poste et timbres fiscaux. Son dévouement s'y est montré égal à sa compétence ; et on peut affirmer que son intervention a grandement contribué à la prospérité de la corporation tout entière. Au physique bien connu dans le monde qui pense et agit, l'abord peut-être un peu froid au début, cette réserve bien vite fait place à la bonne grâce de l'accueil, à la courtoisie du geste; esprit vif, d'une promptitude qui compense alertement une accidentelle lenteur physique, il est un causeur agréable, encyclopédique et bienveillant. Il donne l'impression d'une noble intelligence et d'une volonté clairvoyante. Arthur Maury qui est officier de l'Instruction Publique et dignitaire de nombreux ordres étrangers, recevra prochainement, sans doute, la juste consécration de son mérite.[6] Le nom de Maury, mort à Paris le 1er décembre 1907, fut un symbole : il personnifia pendant longtemps la philatélie, car il avait été l'un des premiers à adopter ce vocable. La variété d'albums qu'il avait créés lui avait valu une nombreuse clientèle de jeunes gens qui sont devenus par la suite de grands collectionneurs. C'était un homme aimable et courtois, un travailleur acharné, ayant beaucoup d'esprit et d'à-propos et qui maniait suffisamment sa langue pour lancer de temps en temps des articles intéressants. Il publia un grand nombre d'études remarquables comme son Histoire du timbre-poste français, son Catalogue de marques postales et l'étude historique sur le Coq Gaulois, car il avait une marotte : il voulait que le coq devînt l'emblème français sur toutes les vignettes. **** Notes et sources : [1] Roger North (1911-1993). Administrateur de sociétés, homme politique, philatéliste et romancier, il succéda à la famille Maury à la tête de la Maison Arthur Maury. Président la Chambre syndicale française de la philatélie (1945) il fut directeur général du Philatéliste universel [auparavant l'Echangiste Universel]. (1979) [2] D'après Ledoux H. & Maurice A. Le centenaire de la maison Arthur Maury 1860-1960. A. Maury n'est pas mort à son domicile du 6 boulevard Montmartre mais au 68 de la rue Spontini où il possédait un hôtel particulier qui abritait ses collections. [mention rectificative sur l'acte de décès]. [3] Maury, A. - Le Collectionneur de Timbres-poste n°166, août 1894. [4] Vibert, P. - Le Grand National, 24 décembre 1904. Louisbourg, C (de). - La Nouvelle Lune, 15 juin 1884. [5] Arnaud-Moulin, H. - L'Estafette, 8 juillet 1907. [6] Officier de l'Instruction publique, officier du Nicham Iftikhar, décoré de plusieurs ordres étrangers, M. Maury avait été nommé président de la Chambre Syndicale des Négociants en timbres-poste dès sa fondation. Il était également vice-président de la Société des Amateurs de jeux et jouets anciens.
Société d'Histoire du Vésinet, 2021 • www.histoire-vesinet.org |