Texte de la fin du XIXe siècle.

Développement de Chatou et de Croissy,
et apparition de Montesson

Tous les rois capétiens ont habité Saint-Germain qu'ils ont construit et successivement agrandi, après avoir quitté le logis royal d'Aupec. Là, ils se sont retranchés contre les révoltes incessantes de leurs vassaux et les attaques des rois voisins.
Les seigneurs qui, pour un temps, sont les obéissants vassaux de leurs rois, viennent dans la vallée, au pied du château royal, élever des castels féodaux, et l'on voit s'élever tout autour de la forêt du Vésinet des seigneuries qui la taillent et l'accaparent comme le maître fait de la forêt de Laye.
Les demeures seigneuriales et abbatiales deviennent bientôt si importantes, qu'à côté s'élèvent et se créent des agglomérations de peuples qui, devenant assez puissantes, obtiennent quelques droits d'usages et de pâturages, réclament des franchises et des droits qui permettent la première installation des villages et la première formation des communes sur le territoire de la forêt du Vésinet.
Puis bientôt se détachent de Croissy et de Chatou quelques cultivateurs qui s'implantent à droite et à gauche, et l'on voit surgir et apparaître un nouveau groupe sur l'éminence placée au nord du bois du Vésinet et qu'on appelle le Mons Texonis, Montesson.
Voilà, au Xe siècle, la forêt enclavée et bornée par des groupes qui, de simples villages, deviendront, en se développant incessamment, de petites villes qui l'enserreront toujours, jusqu'à ce que la forêt elle-même les imite et se fasse ville.


Le plus vieux plan connu de la "Boucle de Montesson" (XVIIe siècle)

C'est que, placés sur la route de Saint-Germain à Paris, tous ces bourgs acquièrent bien vite une prospérité réelle, qu'encouragent la création des routes à travers la forêt et l'installation des ponts et des bacs pour relier la presqu'île aux deux parties de territoires qui portent les deux capitales.
Montesson, qui s'est formé à l'opposé de Chatou et de Croissy, c'est-à-dire née de l'arrivée du peuple sur son sol, tandis que les deux autres communes sont sorties de l'installation des prieurés et des châteaux, Montesson n'a pas encore de cure cent ans après sa fondation et n'est toujours qu'une dépendance de Chatou.
Ces deux communes obtiennent, moyennant redevances, de faire paître leurs troupeaux dans l'île, en face le Chatou et dans les bois qui y sont contigus, dans les bois de la forêt du Vésinet, droits et privilèges qu'ils auront pendant plus de six cents ans, malgré les contestations et les réclamations des seigneurs ou des habitants voisins.
La communauté des habitants de Chatou, qui voit Montesson se détacher d'elle, veut conserver à elle seule le droit de pacage de l'île. Les habitants de Montesson prétendent conserver leur part de droits, comme ils la gardent sur les pacages de la forêt du Vésinet, et les procès commencent entre les deux communes en 1050, pour se continuer et se renouveler jusqu'après 1789, c'est-à-dire pendant plus de sept cents ans.

L'extension des villages situés sur la forêt du Vésinet devient telle que la nécessité d'établir un bac sur la Seine devient indispensable pour faciliter la communication entre la presqu'île et les terres avoisinantes.
Un procès qui a lieu à cette époque entre les religieuses de Malenoue et les habitants de Chatou, au sujet du péage, nous apprend que c'est à cette communauté religieuse, de laquelle dépend l'abbaye de Chatou, que le roi a concédé le privilège du bac. Dix ans plus tard, en 1060, les religieuses, dont l'esprit accapareur ne diffère en rien de celui des abbés, se font confirmer par le roi Philippe Ier le produit du bac de Chatou. Chatou et Montesson qui ne cessent de plaider obtiennent un arrêt de la prévôté de Paris qui, en 1157, déclare Chatou seul possesseur du droit de pacage dans l'île de Chatou, probablement parce que Montesson, à cette époque, ne dépend plus de cette commune, ayant alors une cure particulière. Les abbés de Saint-Wandrille, toujours actifs autant que craintifs, se font renouveler pour la troisième fois leur donation de la terre d'Aupec. Et, par lettres de Louis-le-Jeune de 1177, confirmatives de celles de 704 et de 845, le roi donne aux religieux: 

In episcopalis Parisiensis, Alpicum, et ecclesiam cum tota decima et Visiniolurn, et Demonvalem et Dimidmm vicinas, ac aecimam Villiollis Cortis et in Marolio census.

Le Vésinet ne peut échapper à la destinée qui le lie à Aupec et à l'abbaye de Saint-Wandrille, qui paraît tenir beaucoup à ce bois. Si, à la fin du XIIe siècle, en 1182, on ne voit encore à Chatou qu'une seigneurie abbatiale dépendant de Malenoue, on aperçoit, dès 1206, une seigneurie civile à Croissy, dont le titulaire est le sire Robert de Croissy.

En 1244, Bouchard III de Marly, est possesseur d'une partie des terres de Croissy et du moulin de Malport, dont il fait don à l'abbaye de Saint-Denis, qui parait devoir occuper une grande quantité de ces terres. Car, en 1249, la même abbaye se rend maîtresse d'une importante partie des biens appartenant au prieuré de Jardies et située sur le territoire de Chatou.
Enfin, vers 1290 à 1295, apparaît à Chatou une seigneurie civile, dont le titulaire, est le sire Guillaume Escuancal. Ainsi, durant trois cents ans, c'est une installation successive de prieurés, de seigneuries sur les territoires de Chatou et de Croissy, qui prennent, se font donner ou achètent des morcellements de la forêt du Vésinet et qu'ils exploitent, échangent ou vendent à d'autres Abbayes et au plus offrant.
Si les communautés sont gorgées de biens, les seigneurs, de leur côté, sentant leur puissance chaque jour attaquée par le pouvoir royal, profitent de l'épuisement de ses ressources financières pour accaparer le plus de terres possibles. Les communes, qui se sont formées et déclarées affranchies, se développent à côté des seigneuries et des Abbayes et viennent bientôt prendre part à la vie publique.
Philippe le Bel, ruiné par les guerres et par une administration plus coûteuse que bien organisée, est obligé de porter la main sur les immunités des clercs et attaquer les privilèges ecclésiastiques, tout en créant des maîtrises nouvelles. Pour la première fois, en 1294, l'on voit apparaître celle des Eaux et Forêts; et nous trouvons, à la même époque, en 1305, le premier capitaine des châteaux, bois et forêts de Saint-Germain, Robert de Meudon. Cette fonction, purement civile, a l'entretien et la garde du château et des bois domaniaux qui en dépendent.

La forêt du Vésinet, restée intacte dans sa partie centrale, est rattachée comme bois de l'État, à cette capitainerie. Par suite de cette situation, la forêt, ses coupes, ses routes, ses pacages, seront tenus en tutelle royale jusqu'à la Révolution. Et s'ils sont soumis, tout ce temps au bon plaisir des rois, ils échapperont néanmoins à la cupidité des voisins, communes, seigneurs ou abbés.

Une sentence du Châtelet de Paris, de 1310, et une autre de 1330, indiquent, toujours au sujet des contestations pendantes entre Montesson et Chatou que, pour les droits d'usage, de pacage et de pâturage dans les bois du Vésinet, les habitants de Montesson devront attendre que les taillis soient parvenus à leur quinte feuille avant d'y envoyer paître leurs bestiaux.
Les habitants des communes obtenaient des rois probablement en retour de l'appui qu'elles leur prêtaient contre la noblesse, des privilèges qui, gratuits d'abord, devinrent un jour soumis à de lourdes redevances. Ces parties de bois de la forêt du Vésinet, sur lesquelles les habitants de Montesson, Chatou, Croissy et autres avaient droit de pacage, sont celles contiguës à ces communes et qui occupaient les emplacements limités aujourd'hui entre les routes de la Princesse, du boulevard de l'Est et les limites du Vésinet, sur Chatou et Montesson.


© Société d'Histoire du Vésinet, 2002 - www.histoire-vesinet.org