Charles-Auguste de MORNY (1811-1865) Charles Auguste Louis Joseph de Morny naît à Paris le 17 septembre 1811. L'acte d'Etat civil rédigé pour l'occasion est un faux. Le véritable père est Charles de Flahaut, général d'Empire et brillant officier de l'État-major impérial (et fils naturel de Talleyrand). La mère, la reine Hortense, fille d'Alexandre vicomte de Beauharnais et de Joséphine Tascher de la Pagerie, qui a épousé en secondes noces Napoléon Bonaparte. Hortence a épousé Louis Bonaparte (jeune frère de Napoléon l'a fait roi de Hollande). Elle lui donnera plusieurs enfants dont Louis Napoléon, futur Napoléon III. Élevé par sa grand-mère paternelle, la comtesse de Souza, Charles Auguste effectue ses études au collège Bourbon avant d'embrasser très tôt la carrière militaire. Fait Comte par Louis-Philippe en 1830, il entre à l'École d'état-major, en sort deux ans plus tard avec le grade de sous-lieutenant, et rejoint le 1er régiment de lanciers en garnison à Clermont-Ferrand, puis à Fontainebleau avant de servir en Algérie. Il participe ainsi à l'aventure coloniale. Après une action d'éclat au siège de Constantine en 1837, Morny est fait chevalier de la Légion d'honneur. En octobre 1837, il assiste à Rueil, aux côtés de son père, à l'inhumation de la reine Hortense, décédée le 5 octobre dans sa propriété d'Arenenberg, en Suisse, au sud du lac de Constance. Quelques mois plus tard, officier d'ordonnance du général Oudinot, il donne sa démission pour "raisons de santé" et rentre en France.
Charles-Auguste de Morny décide
alors de se lancer dans la politique. Élu le 9
juillet 1842 (il a trente et un ans) député du
Puy-de-Dôme, il se montre favorable à la
Monarchie de Juillet. Il apparaît à l'époque
comme le type même du grand bourgeois libéral
dévoué à l'orléanisme. Affairiste de talent,
Morny a fait l'acquisition en 1838 d'une
Sucrière près de Clermont-Ferrand. Sa
maîtresse, Fanny Le Hon, héritière d'une riche
famille d'hommes d'affaires belges, favorise
son ascension qui se poursuit dans les années
qui suivent. A la Chambre des députés, Morny
soutient la politique conservatrice du
ministère de François Guizot. Il fait bientôt
figure de futur ministre, mais les évènements
de la rue en décident autrement. Le 22 février
1848, l'interdiction d'une manifestation
provoque une émeute dans la capitale. Le
surlendemain, le palais des Tuileries est pris
d'assaut. Louis-Philippe doit abdiquer. Un
gouvernement provisoire dominé par le poète
Lamartine proclame la République. Une
Assemblée constituante, élue le 23 avril et
composée de républicains modérés, est chargée
de rédiger une constitution, promulguée le 4
novembre 1848. Morny est réélu l'année
suivante, le 13 mai, à l'assemblée
législative. Sous la Seconde République
naissante, il est désormais l'un des
représentants du Parti de l'Ordre, aux côtés
d'Adolphe Thiers, qui rassemble nombre
d'anciens élus du régime déchu. Ruiné par la
révolution de février, Morny est à cette
époque poursuivi par les créanciers. A
Londres, auprès de son père le plus souvent,
il cherche à vendre sa collection de tableaux
afin d'honorer ses dettes. Ses indemnités de
parlementaire sont saisies. Peu soucieux du
destin des Orléans qui, selon lui, "avaient
failli", il songe à passer au "légitimisme",
avant de faire la connaissance de son
demi-frère, Louis-Napoléon Bonaparte. Morny
avait soutenu ce dernier dans sa candidature à
la présidence de la République, le considérant
comme le meilleur rempart face aux risques
révolutionnaires. L'élection de son parent est
une chance qu'il doit saisir et les deux
hommes se rencontrent pour la première fois à
l'Élysée, au mois de janvier 1849. Dès le
printemps suivant, Morny devient le principal
conseiller de Louis-Napoléon, président de la
République. Il invite en particulier ce
dernier à ne pas reculer dans son opposition
avec la Chambre et même à organiser un coup de
force qui lui donnerai enfin les pleins
pouvoirs. Homme de pouvoir sous le Second Empire, il se montre favorable à la modernisation du système économique et favorise notamment la création des établissements de crédit. Morny est également partisan des compagnies puissantes et donc du grand capitalisme dans la conquête du réseau ferroviaire qui se constitue. Cette collusion avec la haute banque parisienne, notamment avec celle des frères Pereire, lui permet de réaliser quelques grandes opérations financières au nom du chemin de fer du Grand Central, dont il accepte la présidence en 1853. L'année précédente, le demi-frère de l'Empereur aurait ainsi réalisé six millions de Frs de bénéfices. Autour de l'influent homme d'affaires se constitue ainsi le groupe Morny, qui spécule sur toutes affaires en cours. Il investit notamment dans l'exploitation des mines du Massif Central (Loire, Montluçon, Saint-Aubin...). Attiré par les forts profits réalisés à Carmaux, il vient également en aide au marquis de Solages, propriétaires des mines, afin d'accélérer l'extraction de la houille. En 1860, le comte de Morny devient le président de la Compagnie des Mines et chemins de fer de Carmaux-Toulouse. Devenu duc à l'été 1862, il est
également l'une des grandes figures de la vie
parisienne, épris de conquêtes féminines.
Passionné par les courses, il crée
l'hippodrome de Longchamp, puis fonde
l'établissement touristique et balnéaire de
Deauville, sur la côte normande, en 1861. Son
train de vie fastueux, sa réputation
d'affairiste nuisent cependant à l'image que
donne le régime. D'autant plus que ses
frasques coûtent à l'État ! Ainsi, s'étant
opposé à la guerre de Crimée, Morny est nommé
ambassadeur à Saint-Petersbourg en 1856 et
1857. Il y rencontre une princesse russe de la
famille Troubetskoï et l'épouse. Cette union
entraîne sa rupture avec comtesse Le Hon, qui
exige le remboursement de leur communauté
financière, soit plus quatre millions de
francs. Afin d'étouffer le scandale, le Trésor
public en paiera une partie, l'affaire se
règlant grâce au talent de "débrouilleur"
d'Eugène Rouher qui doit sa carrière de
ministre au président du Corps législatif.
Plus tard, lié aux intérêts du banquier suisse
Jecker à qui il accorde son appui au prix
d'une commission (un tiers des crédits du
financier, soit environ deux millions de
francs), le duc de Morny contribue à entraîner
le gouvernement français dans une expédition
militaire malheureuse au Mexique (1862-1867),
suite au refus du président Juarez de
reconnaître et de rembourser les dettes
extérieures de son pays.
Morny meurt d'une "bronchite
aggravée" (peut-être une pancréatite, maladie
alors mal connue) le 10 mars 1865. Napoléon
III lui offre alors les funérailles
nationales. Eugène Viollet-le-Duc est chargé
de l'édification de son tombeau au cimetière
du Père Lachaise. Pour la postérité, le
personnage de Morny symbolise l'affairisme qui
marqua le règne de Napoléon III, une
réputation colportée en 1877 par un de ses
anciens collaborateurs au Palais-Bourbon,
Alphonse Daudet, dans son roman Le
Nabab. "C'était un homme [...] ayant les manières du monde et les mœurs de la roulette, content de lui, spirituel, combinant une certaine libéralité d'idées avec l'acceptation des crimes utiles, trouvant moyen de sourire avec de vilaines dents, menant la vie de plaisir, dissipé, mais concentré, laid, de bonne humeur, féroce, bien mis, intrépide, […] poussant la littérature jusqu'au vaudeville et la politique jusqu'à la tragédie, viveur, tueur, ayant toute la frivolité conciliable avec l'assassinat, […] aucune conscience, une élégance irréprochable, infâme et aimable, au besoin parfaitement duc: tel était ce malfaiteur."
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